Après moult hésitations et études, les autorités monétaires marocaines ont décidé de libéraliser le dirham en juin prochain. Une nouvelle favorablement accueillie par les institutions financières internationales. Il s'agit d'un processus qui consiste de passer d'un régime de change fixe, où ce sont les autorités qui déterminent la parité et qui fixent le cours de change, à un régime flexible où la valeur de la monnaie (cours de change) est le résultat de l'offre et de la demande. « Le Maroc prévoit d'entamer en juin le processus de libéralisation du dirham », avait annoncé récemment, en marge d'une réunion de ministres des Finances de la région MENA à Rabat, Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib. Répondant aux questions de l'agence de presse Reuters, M. Jouahri a précisé que le processus serait progressif et qu'il pourrait falloir attendre jusqu'à 15 ans pour atteindre une flexibilité totale du dirham. Le Maroc avait annoncé jusqu'ici que la réforme du régime de change, entreprise avec le concours du FMI (Fonds Monétaire International), serait mise en oeuvre au deuxième semestre 2017. Pour sa part, le ministre des Finances, Mohamed Boussaïd, cité par l'agence britannique, a souligné que la fermeté actuelle du dirham permettait d'avancer le calendrier comme souhaité par la Banque Centrale. Dans son récent rapport semestriel de suivi de la situation économique pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, la Banque Mondiale estime, pour sa part, que le passage progressif à un régime de taux de change plus flexible annoncé par Bank Al-Maghrib devrait contribuer à renforcer la compétitivité du Maroc. L'institution de Bretton Woods fait ainsi référence à la possibilité pour le Maroc de corriger la valeur de sa monnaie lorsque la conjoncture l'impose. Mais avant d'en arriver à une flexibilité totale du dirham, il va falloir attendre jusqu'à 15 ans, selon Bank Al-Maghrib. La première étape devrait consister en l'instauration de bandes de fluctuation, a priori de plus ou moins 5% par rapport à une valeur par défaut. La parité centrale serait alors maintenue et la Banque Centrale continuerait d'intervenir si le dirham s'éloigne trop de la parité, mais la marge de flottement sera plus importante que celle actuellement en vigueur. En revanche, le FMI estime que le Royaume peut procéder à l'introduction d'une plus grande flexibilité du régime de change de manière ordonnée, sans risque majeur de perte de contrôle. « Le passage à un taux de change plus flexible permettrait de lier la politique monétaire davantage à l'économie domestique et moins à un ancrage externe. Le pays gagnerait donc en liberté et en indépendance en matière de pilotage de son économie et pourrait aussi absorber les chocs extérieurs en s'y ajustant mieux et en évitant des déséquilibres extérieurs graves », estime Nicolas Blancher, économiste au sein du FMI. Les risques A contrario, « passer à un taux de change flottant représenterait un risque élevé de pression sur la balance des paiements et donc sur les réserves de change », alerte Najib Akesbi, économiste et enseignant à l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat. « Pour l'instant, la Banque Centrale peut toujours réguler mais si l'on passe à un taux de change flottant, il y aurait baisse de la valeur du dirham et de facto une augmentation du coût des importations. De même pour l'impact sur les investissements, chacun peut aisément constater qu'en dépit de toutes les politiques de libéralisation et d'attractivités des IDE menées par le pays depuis bien longtemps, ces derniers évoluent très peu, stagnant bon an mal an depuis plus d'une vingtaine d'années autour de 3 à 3,5 milliards de dollars », analyse l'économiste, cité par Jeune Afrique. Néanmoins, de l'avis des experts, la transition d'un taux de change fixe à un taux de change flexible n'est pas chose facile, et doit être préparée soigneusement. Elle suppose qu'un certain nombre de conditions préalables soient satisfaites, notamment une solidité du secteur bancaire, y compris une capacité de supervision des risques de change pris par les banques, des finances publiques saines, et un niveau confortable de réserves de changes. De même, la compétitivité de l'économie nationale doit être davantage renforcée, et ce, dans le but de rendre nos produits plus concurrentiels sur le marché international. Pour rappel, le taux de change du dirham est actuellement fonction d'un panier de devises pondéré à 60% en euro et à 40% en dollar. Mardi, un dollar permettait d'acheter 10,03 dirhams.