Dans un sondage online exclusif de Flm pour les Inspirations ECO, il ressort que 95% des répondants ne sont pas favorables à un système de change flexible. Bank Al-Maghrib semble avoir tranché sur la question, la seule inconnue étant le timing et le degré de gradualité de la mesure. En effet, Abdellatif Jouahri, le wali de BAM, a annoncé via Bloomberg le lancement, dès le mois de mai, des discussions avec une délégation du FMI à propos du passage au système de taux de change flexible. Cette étape était prévue car lors de l'actualisation du panier du dirham en avril 2015, BAM et le ministère de l'Economie avaient indiqué que le changement n'était qu'un premier pas dans le processus de transition vers un régime de change plus flexible visant à renforcer la compétitivité du Maroc et la résilience de notre économie face aux chocs exogènes. Le processus devant être engagé devrait être induit progressivement à travers une première étape consistant en l'élargissement des marges de fluctuation pour tester la réactivité du marché. Ensuite, il sera procédé à une augmentation graduelle du poids du marché sur la détermination du prix du dirham pour aboutir à une libéralisation intégrale. Pourtant, 95% des 695 internautes ayant répondu à la question de Flm ne sont pas favorables à un système de change flexible, alors que seulement 5% des réponses n'étaient pas opposées à ce système de change flexible. Ainsi, les internautes opposés au système de change flexible préfèrent probablement le régime actuel de change fixe. Dans ce système, la Banque centrale fixe un cours appelé cours pivot ou parité fixe, pour lequel elle dresse un seuil de fluctuation autorisant des pourcentages définis à la hausse ou à la baisse. Le cours est basé sur un panier de cotation du dirham afin de refléter la structure actuelle des échanges extérieurs du Maroc. Les dernières pondérations étaient fixées à 60% pour l'euro et 40% pour le dollar, ce qui fait que le dirham est globalement stable et assez fort. Pour accroître notre attractivité Pour ce qui est du régime de change flottant, le cours n'est pas sujet à des restrictions, sa valeur est déterminée selon la loi de l'offre et la demande sur le marché des changes. Ce régime est appliqué à différents degrés, allant de l'état dit pur, conférant la liberté totale au marché quant à la définition de l'équilibre, au mode modéré, c'est-à-dire l'intervention de la Banque centrale dans l'administration du flottement en fournissant les taux de change souhaités. De plus, même dans les marchés les plus libéralisés, la Banque centrale peut user de ses réserves et/ou de ses taux pour faire converger le taux du marché au taux souhaité. Même si leur nombre est peu élevé, les internautes qui préfèrent ce système pensent certainement à la stimulation des exportations grâce à un affaiblissement graduel de la valeur dirham, à cause du déficit courant quasi-structurel. En effet, le dirham arrimé actuellement au dollar et à l'euro, est structurellement «fort» notamment vis-à-vis des monnaies turques ou chinoises, ce qui renchérit les produits marocains à l'export et encourage les importations même au niveau des services. Ainsi, dans un marché libéralisé, le dirham devrait logiquement converger vers une valeur d'équilibre plus faible que le niveau actuel. Surtout, BAM ne devrait pas théoriquement dépenser ses réserves de change, en soutenant artificiellement le dirham. Parmi les autres bienfaits attendus figure le signal d'un taux de change «dépolitisé» qui acte l'ouverture sur le marché international et qui devrait accroître l'attractivité du royaume aux yeux des investisseurs étrangers. Notons enfin qu'il ne faudrait pas confondre le régime de taux de change flottant avec celui la convertibilité de la monnaie. Ainsi, le dirham restera non convertible pour les résidents marocains ayant des revenus en monnaie locale. Farid Mezouar Directeur général de FL Markets Les Inspirations ECO: Pourquoi passer au régime de change flexible? Farid Mezouar : Ce passage était inéluctable avec l'ouverture de l'économie marocaine via la conclusion d'ALE avec plusieurs pays. Aussi, c'est une recommandation récurrente du FMI qui accompagne la modernisation de l'économie marocaine. En effet, le taux de change doit être une variable d'ajustement prenant en compte les fondamentaux de l'économie marocaine en termes de solde commercial, de flux financiers et de taux d'intérêt et d'inflation. Auparavant, les seuls critères pris étaient ceux de la répartition des échanges commerciaux. Quels sont les inconvénients ? Le risque de dépréciation du dirham peut pénaliser certains importateurs ou industriels dépendant des inputs importés. En effet, le phénomène d'illusion monétaire joue dans les deux sens, la répercussion de la hausse des coûts étant plus difficile que le non relèvement des salaires dans la même proportion de la hausse des revenus. Aussi, il faut espérer que le marché de change ne soit pas trop volatil pour ses premiers pas de flexibilité.