Dans cet entretien qu'il a accordé à « L'Opinion », SE Ahoubacar Dione, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la Guinée au Maroc, aborde la dimension du partenariat exemplaire qui existe entre son pays et le Maroc. Le diplomate guinéen a aussi mis un accent particulier sur le retour du Maroc à l'Union Africaine, lors du 28ème Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement, tenu les 30 et 31 janvier 2017, et l'élection de M. Alpha Condé en qualité de président en exercice de l'Organisation panafricaine, sans oublier l'engagement de son pays dans la lutte contre le terrorisme. L'Opinion : Le Sommet de l'Union Africaine vient de se tenir à Addis-Abeba et a connu le retour du Maroc au sein de cette institution. Quelle analyse faites-vous de cet évènement? Aboubacar Dione : Pour moi, c'est de la joie et du bonheur que cela représente pour un diplomate qui, ici, a l'honneur d'être le représentant d'un pays ami, depuis plusieurs décennies, avec le Maroc. Cependant, il faut rappeler que ce n'est pas une surprise dans la mesure où tout ce que le Maroc fait, depuis le jour de son retrait de l'ancienne OUA en 1984, à Nairobi au Kenya, a prouvé qu'il a et aura toujours sa place dans la grande famille africaine. Comme l'a si bien souligné Sa Majesté le Roi Mohammed VI, c'est vraiment beau de revenir chez soi et c'est vraiment beau de retrouver sa famille. Nous ne pouvons que nous féliciter de ce retour en disant qu'il était temps. D'autant plus que le Maroc est membre fondateur de cette Organisation continentale. Sa réintégration au sein de l'UA n'est que justice rendue. L'Opinion : Dans le même cadre, votre président, M. Alpha Condé, a été élu en qualité de président en exercice de l'Organisation panafricaine. Quels sont vos sentiments à ce sujet ? Aboubacar Dione : C'est un sentiment de fierté qui m'habite. Monsieur le Président de la République l'avait dit, lors de son investiture en 2010 : « La Guinée is back ». Cette élection à la tête de l'Union Africaine vient ainsi consacrer sa promesse et sa vision. Il a remis sur orbite notre pays, le ramenant dans sa splendeur d'antan. Il l'a dit et il l'a réalisé. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Son esprit d'abnégation, son engagement, à travers ce choix de ses pairs en personne, consacre son panafricanisme. Faut-il rappeler, à ce sujet. que dans son parcours, il a eu à diriger la Fédération des Etudiants d'Afrique Noire en France (FEANF) et qui fut un symbole fort du panafricanisme. C'est donc ce sentiment de fierté que tout Guinéen ressent aujourd'hui, surtout moi en particulier, car tout en mettant sur orbite la Guinée, tout en honorant mon pays, il s'est employé inlassablement pour que le Maroc revienne au sein de l'UA cette fois-ci. L'Opinion: Donc, son combat pour le panafricanisme ne date pas d'hier ! Aboubacar Dione : Pas du tout. D'ailleurs, ce n'est qu'une suite logique. Disons, c'est dans le cadre de sa vision. Je me souviens, pendant sa campagne, quand il disait «je serais le Mandela de la Guinée. Or, il faut le souligner, des noms comme Nelson Mandela, Sékou Touré, le Roi Mohammed V, Ahmed Ben Bellah, Haïlé Sélassié, Kwame Nkrumah ont été de vrais panafricanistes. Ils se sont tous battus pour l'unité africaine. Le Pr Alpha Condé continue sur cette lancée en disant «je reprends la Guinée là où feu Ahmed Sékou Touré l'a laissée ». Il fera donc tout pour que l'Afrique parle d'une seule voix dans l'honneur et la dignité. L'Opinion : Abordons maintenant la coopération Maroc-Guinée. Quel constat dressez-vous de ce partenariat bilatéral ? Aboubacar Dione : La coopération entre la Guinée et le Maroc sert d'exemple en Afrique. Elle a commencé bien avant la création de l'Organisation de l'Unité Africaine. Il faut rappeler, à ce sujet, qu'au sein du groupe de Casablanca qui a fait le lit de cette Organisation, les deux pays avaient déjà de solides relations. Les deux leaders Sa Majesté Mohammed V et le Président Ahmed Sékou Touré entretenaient des relations de confiance. Leur crédo était la création d'une Organisation panafricaine. C'est dans ce cadre que s'inscrit le partenariat guinéo-marocain, fondé sur l'amitié et la fraternité. Il est aujourd'hui marqué d'une confiance mutuelle pour devenir un partenariat gagnant-gagnant. Le Maroc a un savoir-faire, la Guinée a des potentialités. Comme l'a souligné Sa Majesté le Roi, le Maroc a besoin de l'Afrique et l'Afrique a besoin du Maroc. Il était temps que le Maroc regagne sa maison africaine. L'Opinion: Qu'en est-il, concrètement, des échanges économiques entre les deux pays ? Aboubacar Dione : Il s'agit d'une coopération multiforme et multisectorielle. En témoigne la visite historique qu'a effectuée le Souverain à Conakry en mars 2014. Cette visite d'Etat et de travail a été couronnée par la signature de plus d'une vingtaine d'accords et de conventions-cadres de coopération couvrant plusieurs domaines d'activité dont les mines, le bâtiment, la santé, l'agriculture, la pêche, l'éducation ... Il y a lieu, à ce sujet, de rappeler que nous avons une forte communauté estudiantine au Maroc. Chaque année, le Maroc accorde 60 bourses universitaires aux lauréats guinéens comprenant, entre autres, l'enseignement technique et professionnel, à travers l'Agence marocaine de coopération internationale. Ce partenariat s'est encore consolidé lorsque l'épidémie Ebola a touché mon pays. Le Maroc est resté solidaire du peuple de Guinée, pour soigner les malades. Il a également installé des centres mobiles de santé équipés. Dans le même élan de solidarité, la compagnie Royale Air Maroc n'a pas non plus interrompu ses vols à destination de Conakry. Mieux, au moment où l'on stigmatisait la Guinée à cause de cette épidémie, le Maroc a accueilli le forum économique guinéen à Casablanca. C'est pour dire la densité de la coopération entre les deux Etats amis et frères. Sur le plan religieux, le Maroc forme nos prédicateurs, hommes et femmes, et nos imams. Nous bénéficions d'un large quota dans ce segment. Quant au volet diplomatique, les deux pays partagent les mêmes points de vue sur les questions internationales dont, entre autres, la question palestinienne et la défense d'Al Qods. Idem pour les manœuvres de ceux qui étaient opposés au retour du Maroc à l'UA. L'Opinion: La lutte contre le terrorisme est devenue préoccupante. Qu'en est-il dans votre pays ? Aboubacar Dione : Le terrorisme est une nébuleuse qui ne peut être combattue par un seul Etat. Il faut une union des forces pour éradiquer ce fléau. Il est présent au Nord du Mali. Comme le dit le Président Alpha Condé, « quand la case de ton voisin brûle, il faut l'aider à l'éteindre sinon la tienne sera la suivante ». Surtout quand on sait que nos frontières sont poreuses. Dans cette optique et dans le cadre de la réforme des services de défense et de sécurité, le gouvernement guinéen veille scrupuleusement sur la lutte contre le terrorisme. Il reste vigilant. D'ailleurs, nous aidons sérieusement le Mali dans cette guerre contre les jihadistes où nos soldats sont déployés, dans la cadre de la MINUSMA, pour que ce pays vienne à bout des islamistes et autres terroristes. Il y a eu récemment un terroriste mauritanien qui a été arrêté à Boké, à quelque 150 km de Conakry, avant d'être extradé dans son pays. Tout ceci montre que le gouvernement prend à bras-le-corps la lutte contre le terrorisme.