Georg Pazderski (d), candidat de l'AfD, et le codirigeant du parti populiste Joerg Meuthen célèbrent le score de leur parti le 18 septembre à Berlin Le parti conservateur d'Angela Merkel a enregistré dimanche le pire résultat de son histoire pour des élections régionales à Berlin, dans un climat de mécontentement croissant sur l'immigration dont continue de profiter la droite populiste. Il s'agit du deuxième revers électoral consécutif en deux semaines pour l'Union chrétienne-démocrate (CDU) de la chancelière allemande, devancée début septembre par le mouvement anti-migrants et anti-islam Alternative pour l'Allemagne (AfD) dans le nord-est du pays. Et ce à un an des prochaines élections législatives. A Berlin, la CDU n'a recueilli que 17,5% environ des suffrages, en recul de plus de 5 points par rapport au dernier scrutin de 2011, tandis que l'AfD fait son entrée dans le parlement local de la capitale allemande avec environ 14% des voix, selon de nouvelles projections des chaînes de télévision publique, capitalisant sur les inquiétudes de l'opinion après l'arrivée de centaines de milliers de réfugiés depuis l'été 2015. Jamais dans l'histoire de Berlin, celle de Berlin-Ouest après la Deuxième guerre mondiale, puis celle de la ville réunifiée après 1990, la CDU n'avait connu pareille débâcle. Ce piètre score va très probablement renvoyer le parti sur les bancs de l'opposition dans la métropole de 3,5 millions d'habitants, alors qu'il faisait jusqu'ici partie d'un gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates. L'AfD comparée aux nazis par le maire Le parti social-démocrate (SPD) recule lui aussi à Berlin à un niveau d'après-guerre historiquement bas avec moins de 22% des voix, tout en restant premier parti de la ville. Bien qu'affaibli, cela devrait permettre au maire actuel, Michael Müller, membre de ce parti, d'être reconduit dans ses fonctions. Il privilégie désormais une coalition de gauche avec les écologistes, crédités de 15% des voix, et la gauche radicale de Die Linke, autre parti protestataire en Allemagne, issu de l'ancien parti communiste de RDA, qui recueille un score voisin et progresse nettement. L'irruption de la droite populiste dans le parlement régional berlinois a valeur de symbole : métropole cosmopolite, branchée et ouverte sur le monde, la capitale allemande au statut d'Etat-région se faisait fort jusqu'ici de résister aux tendances populistes. Le maire avait cherché à dramatiser les enjeux durant la campagne, avertissant qu'un score supérieur à 10% pour l'AfD serait «interprété dans le monde entier comme le signe d'une renaissance de l'extrême droite et des nazis en Allemagne». L'AfD, qui dépasse les 20% dans certains quartiers de l'est de Berlin et pèsera sur les décisions au quotidien de quelques mairies d'arrondissement, ne s'est du coup pas privé de saluer «une résultat fantastique» dans «une ville aussi à gauche que Berlin». Même si la CDU est depuis 15 ans traditionnellement faible à Berlin, son nouveau recul vient compliquer un peu plus la tâche de la chancelière, critiquée dans sa propre famille politique. Pression accrue sur Merkel L'allié bavarois de la CDU, la CSU, qui ne cesse de demander à Angela Merkel de durcir sa politique en matière d'immigration, est repartie à l'assaut. L'un de ses responsables, Markus Söder, a évoqué «un deuxième signal d'alarme massif en deux semaines». La parti de la chancelière «est menacé d'une perte énorme et durable de confiance du coeur de son électorat», a-t-il prévenu, tandis que le dernier maire CDU de Berlin, Eberhard Diepgen, a demandé une «droitisation» de son parti, que la chancelière a nettement recentré en onze ans de pouvoir. Grâce à son succès de dimanche, L'AfD va entrer dans un dixième parlement régional, sur les seize que compte le pays. Sa percée à Berlin est significative à plus d'un titre: si elle est inférieure aux scores de plus de 20% dans ses fiefs de l'ex-RDA, elle confirme son ancrage y compris dans les grandes villes et se situe exactement au niveau national dont le crédite un sondage publié ce week-end : 14%. L'AfD est donc bien partie pour faire son entrée dans un an à chambre des députés fédérale, ce qui serait une première pour un parti de droite populiste dans l'histoire d'après-guerre de l'Allemagne. Ses succès contribuent à la fragmentation et à la recomposition accélérée du paysage politique en Allemagne, dont sont victimes tant la CDU que le SPD, à la tête d'un gouvernement de coalition au niveau fédéral à Berlin. «Les partis traditionnels, ceux du centre, sont victimes d'un phénomène d'érosion et cela créée une nouvelle dynamique politique», juge Lothar Probst, politologue à l'université des Brême. Son collègue Karl-Rudolf Korte, de l'université de Duisbourg (ouest), s'est montré encore plus net dimanche soir sur la chaîne ZDF: «Nous n'avons plus de grands partis en Allemagne».