Des coalitions de gauche pourraient prendre le pouvoir aux chrétiens-démocrates (CDU) dans deux Länder à la faveur d'élections partielles dimanche en Allemagne et redistribuer ainsi les cartes du jeu politique à un mois des législatives. Une alliance entre les sociaux-démocrates (SPD) et le Parti de La Gauche (Die Linke) pourrait évincer les ministre-présidents de la CDU en Thuringe et en Sarre. Si le parti de la chancelière Angela Merkel devrait conserver la Saxe, dans l'ex-Allemagne de l'Est, la victoire d'une alliance SPD-Die Linke dans deux autres Länder pourrait lui réserver une fin de campagne plus difficile que prévue. Que le SPD récupère la tête de l'exécutif d'un Land pour la première fois depuis 2001, et Angela Merkel serait forcée d'adopter un style offensif qu'elle affectionne peu. Pour les chrétiens-démocrates, les mauvais souvenirs de 2002 et 2005 remonteraient à la surface. Lors de ces deux scrutins fédéraux, leur large avance dans l'opinion s'était dissoute dans les dernières semaines de campagne. Les sondages donnent actuellement à la CDU de 12 à 15 points d'avance sur le SPD en vue des élections du 27 septembre. Sarrebruck, ville universitaire à la frontière française et capitale de la Sarre, ne ressemble pas à un endroit qui pourrait bouleverser la politique allemande. Mais si Heiko Maas, chef de file du SPD dans ce Land, noue une alliance avec Die Linke, il s'agira de la première coalition de ce type en ex-Allemagne de l'Ouest. Elle pourrait cimenter un bloc de gauche en vue du scrutin du mois prochain. «ROUGE-ROUGE» Heiko Maas a expliqué à Reuters préférer une alliance à trois avec les Verts et les libéraux du FDP plutôt qu'un gouvernement «rouge-rouge» avec Oskar Lafontaine, ancien président du SPD, ministre-président de Sarre entre 1985 et 1998 et candidat de Die Linke dans son Land de toujours. Mais cet avocat de 42 ans s'est préparé à ce qu'aucun dirigeant du SPD n'a osé faire jusqu'ici en Allemagne de l'Ouest : gouverner avec Die Linke. Les deux partis sont déjà alliés à la tête de l'exécutif de Berlin. «Il y a une majorité claire en faveur du changement en Sarre», affirme Heiko Maas. «La CDU et le FDP n'ont la majorité dans aucun sondage depuis trois ans», note cet ancien ministre de l'Environnement. Le SPD a faim de pouvoir. Il ne contrôle plus que cinq des 16 Länder allemands, contre 11 en 1998, et n'a plus repris de Land à la CDU depuis 2001. Le flirt de Heiko Maas à sa gauche aurait été considéré comme une trahison il y a encore deux ans et restera probablement mal vu par la direction nationale du parti. Le candidat SPD aux législatives, Frank-Walter Steinmeier, a écarté l'hypothèse d'un gouvernement «rouge-rouge» au niveau fédéral en raison de désaccords majeurs sur les politiques étrangère et économique. Une alliance SPD-Die Linke à l'échelon local lui rendrait la tâche difficile et les conservateurs d'Angela Merkel n'hésiteraient pas à dénoncer l'irresponsabilité du SPD. «Elle va tenter d'exploiter les peurs d'une coalition ‘rouge-rouge' à l'ouest cette fois-ci mais sur le long terme, c'est une possibilité de coalition pour le SPD qui aura des conséquences néfastes pour la CDU», estime le politologue Oskar Niedermayer, de l'Université libre de Berlin.