De « son enfance à la compagne » à « ses expositions internationales», en passant « les consécrations d'ordre critique et académique » et « ses actions humanitaires et solidaires », l'ouvrage monographique du critique d'art Dr.Cheikh Abdellah «Chaïbia : oustoura Hayat », littéralement «Chaïbia : mythe vivant », propose un aperçu narratif relaté pour la première fois par son fils l'artiste de renom Hossein Tallal, en faisant référence à des documents historiques d'appui ( Archives Galerie Alif-Ba dirigée par Rabia Aroussi). Ce livre monographique est préfacé par un extrait de la lettre royale de condoléance adressée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI à Hossein Tallal le 2 avril 2004, affirmant que Chaïbia est une artiste pionnière reconnue mondialement par son talent autodidacte et son génie particulier qui ont immortalisé son nom créatif dans toutes les galeries et les milieux artistiques et diplomatiques de par le monde. Chacun des chapitres de ce livre-mémoire (200 pages) nous fait traverser à travers des témoignages et des photos inédites tous les escales biographiques de cette icône emblématique de l'art moderne à l'échelle internationale. D'où le choix du titre «mythe vivant». L'ouvrage est publié en arabe avec le soutien du ministère de la culture, en s'appuyant sur des références critiques et historiques en français et en anglais. Il tente d'expliquer les secrets, les tenants et les aboutissants de l'œuvre singulière de Chaibia avec un style envoutant et convainquant. Dans « Dictionary of African Biography » publié par la prestigieuse Oxford University Press( New York), l'historienne d'art de renom Osire Glasier( History Department) a écrit: « Chaïbia Tallal a été sans conteste la plus célèbre peintre du Maroc du 20 ème siècle. De plus, elle figure parmi les grands peintres du monde, au même titre que Miro, Picasso et Modigliani, pour ne citer que ceux-là. De son côté, Hot News a écrit dans un article qui s'intitule « Seule représentante féminine de l'art pictural du XXème siècle » : « Ce corps enveloppé et enveloppant, archétype même de la maternité, cette voix caverneuse et moqueuse à la fois, ce regard perçant mais bienveillant, cette chevelure noire de chef amérindien, ces caftans et ces coiffes, etc. L'ensemble faisait de Chaïbia un personnage charismatique à la limite du chamanique ( ...) Cette femme qui parle un arabe marocain paysan mais s'exprime librement. Cette analphabète dont tant de grands de ce monde ont baisé la main. ». Sur le secret de son calibre international, Hossein Tallal nous a confié : « Vous savez, le secret de Chaïbia est venu avec le travail. C'est une femme artiste qui a travaillé tout le temps. Fermée chez elle, elle recevait beaucoup de monde. Dans ses œuvres calculées en nombre d'or, chaque chose était à sa place. Pour elle, la sincérité est importante dans la création. Elle se manifeste en traits et en compositions. Chaque couleur donne une image sur l'artiste. Il faut aussi reconnaître que Chaïbia a mené la peinture marocaine à l'universalisme par ses couleurs, ses habits, ses fantasmes, sa bohémie. Elle a fait connaître à travers ses œuvres d'autres artistes peintres marocains.. Il ne faut pas avoir 70 % de blabla et 30%de peinture. Il faut 100% de peinture. Quand le critique d'art et le directeur de section « Art Moderne » à Paris Pierre Gaudibert est venu voir mon travail accompagné de Cherkaoui , ma mère est venu nous montrer une composition complètement abstraite et tachiste sur carton à la manière d'un tapis. A l'époque, il y avait le grand peintre de l'école de Paris Bissière. Par rapport à cette composition, Gaudibert m'a dit : ce n'est pas une gentillesse que je veux vous dire .C'est extraordinaire ce travail parce que Bissière a passé 7O ans pour finir avec cette légèreté et spontanéité et je trouve ça formidable. Il a ajouté : Tallal, peut être dans les trois mois Chaïbia va continuer à peindre .Si elle dépasse les trois mois, elle devient une très grande artiste peintre, mais une chose, ne dit jamais rien à elle. Donc, Personne ne peut prétendre qu'il est derrière l'émergence de Chaïbia sauf des simples opportunistes. D'ailleurs, elle a été fêtée par les grands ténors du mouvement Cobra : Corneille, Alechinsky, Apple ...etc. Elle avait une force au niveau de graphisme et de la couleur brute. Le secret de l'art est là. D'ailleurs, dans les années soixante, il y avait des suivistes de Chaïbia notamment au Brésil et à Paris. Toutes ses expositions dans les quatre coins du monde ont été vraiment un énorme succès sur tous les plans. Fidèle à son langage intérieur et à la fraîcheur de ses couleurs, elle a été choisie pour présenter la femme en Méditerranée. ». Il est à noter que le paysage cinématographique a été marqué aussi par la réalisation du film «Chaïbia, la paysanne des arts» de Youssef Britel, auteur de plusieurs courts métrages dont «Sellam, Centre d'accueil», «Floue» et «Courmétragique». Produit par H-Films, cet opus de 1 h 30 retrace le parcours de l'artiste-peintre Chaïbia Talal, figure de proue de l'art au Maroc et à l'étranger, décédée en 2004. Le film tourné à Casablanca, Marrakech, El Jadida, Rome et Paris, met aux prises des acteurs marocains de renom dont Younèss Mégri, Saadia Azagoun, Latefa Ahrrare, Driss Roukh, Issam Abou Ali, Mourad Zaoui, entre autres grosses pointures du septième art national. Coécrit par David Villemin et Youssef Britel lui-même, cet opus relève de la nouvelle tentation qui traverse le cinéma marocain, celle du genre des biographies filmées que les Américains ont institutionnalisé sous l'appellation «Biopic», ou Biographical Picture.