Sidi Ali, c'est d'abord un lieu devenu célèbre grâce au Moussem, une petite localité relevant de la commune Mghassyine, cercle de Moulay Idriss Zerhoun, la ville sainte située sur le célèbre massif montagneux de Zerhoun, connue par son Histoire et son oliveraie séculaire, mais aussi et surtout un mausolée ou un marabout, c'est selon, rendu célèbre par le Moussem qui porte son nom et qui commence traditionnellement sept (07) jours après le Mouloud, naissance du Prophète Sidna Mohammed. Le village se métamorphose durant le Moussem, décuplant le nombre de ses habitants. Superstition ou croyances occultes, les sacrifices continuent. Les offrandes et le sang coulé apaisent les mauvais esprits, selon certains pèlerins. On est loin de l'orthodoxie religieuse, mais les croyances dans ces lieux ont la peau dure et les cris d'indignation entendus ici ou là ne font qu'ancrer davantage ces pratiques qui semblent sortir d'un autre monde, d'un autre temps. Des cris de femmes viennent parfois déchirer le silence cédé par les « Tbals et Lghita » des Hmadcha, qui sont déjà à une phase avancée de leur transe. Les rituels de tous genres s'affichent, les confréries se succèdent et certaines scènes choquent par leur violence « Lafrissa », « eaux chaudes » et flagellations... A l'entrée du Mausolée. C'est écrit, avec toute la force et la valeur symbolique de l'écriture dans ces lieux dits sacrés : « Sidi Ali Benhamdouch, érudit, mystique et soufi a consacré sa vie à la prière et à l'imploration du Tout Puissant ». Certaines pratiques actuelles sont hérétiques et loin des enseignements et de l'héritage légués par le fondateur de la confrérie. Sacrifices d'animaux et coutumes superstitieuses pratiqués lors de transes incompatibles avec notre religion. Paradoxe : ceux qui s'adonnent à ses pratiques dites hérétiques sont les adeptes d'une certaine perception de la religion dans les couches populaires, souvent analphabètes et peu enclins à s'approprier un discours savant et érudit. La plupart que nous avons approchés se disent perpétuer une tradition des ancêtres qui « ne nuit nullement à leur foi et leur religion et aux enseignements de Sidna Mohammed » . La pancarte pourrait donc servir d'alibi aux gardiens du temple pour se dédouaner de certaines pratiques très critiquées dernièrement ; sans mettre fin à des pratiques au demeurant très rentables. Si le Mouloud représente le moment propice pour les Moussems autour des zaouïas, des confréries et des tombeaux des marabouts, une grande partie des Moussems dans la région de Meknès ont donc lieu pendant, ou autour de la fête du Mouloud: le Moussem de Cheikh el Kamel, Hadi Ben Aïssa, le fondateur de la fraternité des Aïssaoua, a toujours lieu pendant ces jours à Meknès. Les Moussems de Sidi Ali Ben Hamdouch et Ahmed Dghoughi - également connus comme fondateurs de fraternités populaires - se déroulent sept jours après le Mouloud dans la montagne du Zerhoun. Ces fêtes sont toujours fréquentées par une immense foule de pèlerins provenant de toutes les régions du Maroc, l'affluence est telle qu'on craint à chaque Moussem des événements imprévus ou des problèmes de santé. En quelques jours, Sidi Ali Ben Hamdouch se métamorphose en un lieu peuplé de milliers de personnes, des tentes dressées partout, un monde spirituel et mystérieux où le sacré côtoie le profane et parfois même le tabou. Les superstitions de tous genres sont mêlées à des nuits de lectures de Coran et de « Madih ». On attribue d'ailleurs aux saints soufis Sidi Ali Ben Hamdouch et Sidi Ahmed Dghoughi de nombreux pouvoirs. Certains malades passent même la nuit dans l'enceinte des mausolées afin d'obtenir la guérison d'une maladie chronique ou incurable, d'éloigner le mauvais œil ou de dépasser une situation de stérilité ou de célibat subi faute de prétendants. Et on implore le Tout-Puissant de répandre Ses pluies bienfaitrices Si les fils spirituels de la zaouia prennent leur distance et dénoncent même certaines pratiques superstitieuses, immorales, voire sataniques et perverses qui ont souvent cours pendant le Moussem, tout porte à croire que la mise en garde de la zaouïa, écrite et mise en valeur, visait implicitement la « hérésie » qui risquait de porter un coup dur à l'héritage spirituel du fondateur des Hmadcha ; les homosexuels commencèrent à s'approprier le Moussem pour en faire leur rendez-vous annuel. Des rituels de mariages homosexuels se seraient organisés dans la foulée des transes et des veillées de chant. Le sacré cédait le pas au charnel et l'opinion publique locale, alertée, avait commencé à s'inquiéter. Le problème, devenu très sérieux, explique la mobilisation tous azimuts des pouvoirs publics. Force est de constater que ce phénomène a été éradiqué, du moins visiblement. Les responsables ont eu le mérite d'opter pour une approche anticipative. Toute personne au comportement douteux est traquée, interpellée. On a sensibilisé et responsabilisé les habitants qui louent leurs maisons pendant le Moussem. Ils sont tenus à demander les cartes d'identité à leurs locataires et à contrôler avec plus de vigilance leurs logis. L'objectif est de permettre aux visiteurs d'accomplir leur « pèlerinage » dans de meilleures conditions », nous a confié un haut responsable. Un dispositif qui semble donner ses fruits. Même si certaines associations continuent de parler du phénomène, il semble maitrisé et les cas signalés demeurent isolés et très cachés. La médiatisation du phénomène et l'imposant dispositif de sécurité ont eu un rôle dissuasif. La sérénité est retrouvée, la prévention a payé et le Moussem renoue avec sa tradition spirituelle. Pour plusieurs observateurs, le Moussem connaît cette année une grande affluence due à deux facteurs : la période du Moussem a coïncidé cette année avec des vacances scolaires et les conditions climatiques, qui ne réjouissent d'ailleurs pas les pèlerins, en majorité du milieu rural, ont rendu le pèlerinage moins pénible. La majorité, d'ailleurs, prie Dieu à chaque prière, et implore le Tout-Puissant de répandre Ses pluies bienfaitrices sur la terre en signe de miséricorde pour Ses créatures conformément au verset du Saint Coran. Mais, apparemment, le commerce des animaux n'a pas souffert. Notre présence a coïncidé avec la célébration du Moussem. Des chèvres, des moutons et d'autres animaux, pratiquement tous de couleur noire, emplissaient les étables de fortune, créées à l'occasion. De temps à autre, des bêtes, couvertes de rubans verts, sont conduites, au rythme des tambours et « Laghiat », à l'abattoir du Moussem. C'est l'offrande ou « Hdya ». Une fois la bête du sacrifice offerte aux saints des lieux, sa viande est récupérée et revendue à des bouchers, des restaurants ou même consommée sur place dans les tentes-restaurants qui se dressent tout le long du chemin qui mène vers le mausolée. La destinée de cette viande comme celle du poulet pose d'ailleurs un vrai problème de santé publique. Cette viande, dénoncée par plusieurs consommateurs pour être un produit très douteux pour non-respect des mesures sanitaires et surtout pour avoir dérogé aux principes religieux. Aïcha Soudania détrône en affluence Sidi Ali...... Aïcha (Soudania) ou Aïcha « Moulat Lwade », dont la demeure, à en croire l'imaginaire des pèlerins, se trouve justement, elle aussi, à Sidi Ali, est en train de détrôner le fondateur de la confrérie de Hmadcha en termes d'affluence. Cette créature légendaire et mythique pour les uns, historique et réelle pour les autres, servante de Sidi Ali, originaire du Soudan, semble posséder des pouvoirs magiques encore plus efficients et plus efficaces pour certaines maladies psychiques. Résultat : ces pratiques ont été toujours tolérées, voire même encouragées. C'est surtout des femmes qui se rendent à la grotte de Lalla Aïcha, bougies en main pour chercher un confort à leurs problèmes. Autres pratique courante à Sidi Ali : les jeunes filles nubiles qui n'arrivent pas à se marier viennent conjurer leur sort en laissant dans un coin du marabout leurs sous-vêtements C'est là une superstition connue qui, selon la croyance populaire, pourrait permettre de se délivrer d'un « Tqaf » et d'attirer des prétendants potentiels. Si les homosexuels ont déserté les lieux sous la pression d'une opinion publique plus avertie, ce sont les filles de joie, très excitées par la « hadra » (la transe) avec les « Hmadcha » qui occupent le terrain. Venues de toutes les villes du Maroc, apparemment pour la « Ziara », elles en profitent pour faire la fête et masquer leurs pratiques dans le climat ambiant mêlant veillées religieuses, spiritualisme, croyances populaires et désir charnel. Un mélange difficilement compréhensible de spiritualité dégagée par les lieux, de superstitions qui sont venues se greffer sur le soufisme originel de la confrérie des Hmadcha, fondée au XVIIème siècle par Sidi Ali Ben Hamdouch et dont certains perpétuent la tradition de l'ascèse individuelle et du rituel collectif des invocations d'Allah, du Prophète Sidna Mohammed. Voyantes aux rubans verts Profitant de cet engouement pour les lieux, des « voyantes » s'invitent pour compléter le tableau. Connues par les rubans verts qu'elles portent, monnayant leurs services, elles permettent à certains de lire dans leur avenir, à d'autres de jeter le mauvais œil, de reconnaître la ou les personnes qui leur ont jeté un sort. Comme elles ont besoin de certains ingrédients pour réussir leurs exploits, leur voyance, elles demandent à leurs clients d'acheter de l'encens, d'offrir une belle offrande à Lalla Aïcha ...contribuant ainsi à faire prospérer le commerce du coin. Quelques pratiques de sorcellerie ont aussi été signalées au Moussem. Ce qui étonnant, c'est que mystiques, adeptes des « Hadras », voyantes, filles de joie, commerçants ou simplement visiteurs répondant à une curiosité se côtoient dans un espace relativement réduit, le temps d'un Moussem, sans aucune violence, ni jugement malveillant. Toute personne trouve son compte dans un climat plutôt tolérant où chacun a sa préférence ou sa croyance. C'est un soufisme empreint de traditions et superstitions mais à mille lieux de tout extrémisme. Apparemment, le Moussem de Sidi Ali continue d'étonner, de surprendre et cache encore certains de ses mystères.