Le Maroc aborde l'agenda international de développement durable dans un contexte économique marqué par l'inflexion que connaît son modèle de croissance avec une volontariste diversification des structures productives de l'économie nationale, le renforcement des bases infrastructurelles et institutionnelles de son attractivité et le rééquilibrage au profit d'un mode plus endogène du financement des investissements requis, à cet effet. Aussi, la durabilité des acquis en termes de croissance économique, d'accumulation du capital physique, d'amélioration du capital humain et de réduction des inégalités et de la pauvreté, dans le cadre d'une préservation sur la durée des équilibres macroéconomiques devenue une obligation constitutionnelle devrait-elle constituer le défi que le Maroc aura à relever au cours de la prochaine quinzaine d'années pour honorer ses engagements à réaliser les Objectifs de Développement Durable. A cet effet, le maintien des investissements aux mêmes niveaux de taux réalisés au cours des dix dernières années devrait se trouver au coeur de ce défi d'accélérer le rythme d'accumulation du capital physique. Cela implique une plus grande allocation des ressources disponibles aux secteurs économiques émergents producteurs de valeurs ajoutées exportables et pourvoyeurs d'emplois de qualité afin d'améliorer le sentier de la croissance économique et d'en « endogénéiser » les perspectives de financement. Dans ce cadre, une gestion plus performante de leur programmation devrait, par ailleurs, contribuer à en améliorer le rendement marginal, demeuré faible comparativement à celui des pays de même niveau de développement, au profit d'une croissance durable de la productivité globale de l'économie et de la création des richesses et des revenus. L'autre défi que le Maroc devrait relever se mesure à sa capacité de consolider l'accumulation du capital humain en tant que levier, avec le capital physique, du développement économique et social. Les travaux du HCP sur la productivité de l'économie nationale ont montré qu'aussi bien le nombre d'années de scolarisation que l'espérance de vie à la naissance, qui renseignent sur les efforts consentis par les pouvoirs publics en matière d'offre des services d'éducation et de santé, ont connu, au cours des dernières années, des améliorations significatives. Le nombre moyen d'années d'études par actif occupé a augmenté de plus de moitié (59,3 %) au cours des deux dernières décennies, passant de 3,2 en 1991 à 5,1 en 2013, et le taux de survie de la population âgée de 15 à 59 ans a été de 920 ‰ en 2013, en augmentation de 9,6 % entre 1988 et 2010. C'est ainsi que l'indice du capital humain a connu une hausse de 15,8 % entre 1991 et 2013 pour se situer à 2,9 comparable à celui du Brésil (2,6) et de la Chine (3,0). De son côté, la consolidation, sur la durée, de l'amélioration des niveaux de vie réalisée entre 2001 et 2014 devrait également s'inscrire dans la dynamique du rythme et du taux d'accès à cette amélioration des catégories populaires, pauvres et vulnérables. La tendance amorcée d'une croissance économique inclusive avec un contenu pro-pauvre devrait continuer à marquer le contexte de réalisation des ODD au cours des quinze prochaines années. Les travaux menés au HCP ont montré, à cet égard, qu'à chacune des années de 2000, 2007 et 2014, dans l'hypothèse d'une réduction de 1 % des inégalités, la baisse de la pauvreté aurait été de l'ordre de 2 fois celle qu'aurait induite l'augmentation de 1 % de la croissance économique. Les mêmes travaux montrent, en revanche, que plus la pauvreté a tendance à baisser plus le sentiment d'être pauvre et la perception disproportionnée des inégalités ont tendance à se diffuser parmi plusieurs catégories sociales, notamment les catégories intermédiaires. La réduction des inégalités en tant que source principale de pérennisation de la baisse de la pauvreté et facteur déterminant de la cohésion sociale devrait, ainsi, accéder au même rang de priorité que la croissance économique. Cet objectif est, du reste, devenu une obligation constitutionnelle et s'inscrit dans instructions royales adressées régulièrement au Gouvernement, notamment celles relatives à la promotion des classes moyennes ou encore à la répartition équitable des fruits de la croissance du capital immatériel de la nation qui ont fait l'objet respectivement des Discours Royaux du 30 juillet 2008 et du 30 juillet 2014. L'appel royal à l'adoption par les politiques publiques, des programmes sociaux du modus operandi de l'INDH et son extension aux 29 000 unités territoriales retenues en raison de leur faible niveau de développement humain, relève de la même démarche. Plusieurs dimensions en ont été mises en exergue au cours des rencontres publiques organisées pour débattre des objectifs de développement après 2015. Ces dimensions sont exposées en annexe de ce rapport. Celles relatives aux inégalités entre hommes et femmes, entre milieu urbain et milieu rural ont été particulièrement soulignées et analysées au même titre que celles qui concernent les catégories sociales en situation de vulnérabilité ; c'est le cas des 1,4 million de personnes à besoins spécifiques ou des 3,3 millions de personnes âgées de 60 ans et plus dont 84 % n'ont pas de retraite et 85 % pas de couverture médicale. La lutte contre la vulnérabilité de ces catégories sociales a été considérée comme une obligation permanente à la charge des politiques publiques dans le domaine social. De leur côté, les inégalités entre les hommes et les femmes et entre le milieu urbain et le milieu rural, héritées des structures et des normes sociales, ont été considérées comme des exemples qui doivent bénéficier d'actions spécifiques et de discriminations positives, dans le cadre de programmes volontaristes de lutte pour l'égalité de situation et de chances de tous les citoyens. La réduction des inégalités, sous toutes ses formes, devrait constituer, dans tous les cas, un facteur déterminant de la consolidation de la cohésion sociale dans une société de vieille tradition où les valeurs et les comportements d'une jeunesse dominante connaissent de profonds changements.