Les avancées économiques, pour qu'elles soient effectives et durables notamment dans les pays émergents, doivent être soutenues par "une amélioration générale des conditions de vie de la population et motivées par une finalité sociétale démocratiquement assumée", estime le Haut commissaire au plan, M. Ahmed Lahlimi Alami. "Dans des sociétés aussi composites et en devenir, l'appropriation des réformes et l'adhésion populaire constituent le préalable d'un développement participant. Pour être effectives et durables, surtout dans les pays émergents, elles doivent être soutenues par une amélioration générale des conditions de vie de la population et motivées par une finalité sociétale démocratiquement assumée", écrit M. Lahlimi sur les colonnes de "La Revue", un nouveau magazine mensuel du groupe "Jeune Afrique". Les pays en développement ont, pour la plupart, tardivement pris la mesure des retombées de la mondialisation sur leur économie, leur organisation sociale et leur culture. Ils n'en ont que plus de difficultés à gérer ses contraintes et à bénéficier de ses opportunités, surtout lorsqu'ils se trouvent dans la situation inédite d'être confrontés en même temps à trois transitions : démocratique, économique et sociétale, souligne M. Lahlimi dans un article intitulé "il n'y a de progrès que social". Dans ce magazine, qui a consacré un spécial de 52 pages au Maroc sous le titre "Développement humain, le grand débat : la contribution d'un pays émergent", M. Lahlimi précise qu'en période de libéralisation et d'ouverture économique, dans un monde globalisé, la réalisation d'une croissance forte associée à une réduction des disparités sociales et territoriales devient "un impératif catégorique". "Il s'agit d'une équation complexe dont les variables changent de nature comme de dialectique opératoire au rythme des réformes économiques, sociales et institutionnelles dont les enjeux sont, en dernier ressort, ceux d'un projet de société", écrit-il. Selon le Haut commissaire au plan, dans les pays en transition, les sources de croissance économique se déplacent progressivement des secteurs traditionnels vers des activités à haute teneur en technologie et en compétence managériale, qui deviennent les pôles les plus attractifs des investissements publics et privés, nationaux et extérieurs. M. Lahlimi souligne également que la dynamique de ces activités de forte valeur ajoutée et d'opportunités d'exportation est porteuse d'accumulation de capital physique et de compétitivité économique, mais reste d'une faible capacité de valorisation des ressources humaines disponibles, alors que sa "soutenabilité" est dépendante d'une accumulation similaire du capital humain. Cette accumulation du capital humain, estime-t-il, est plus complexe en raison de la difficulté des structures socio-économiques, et en particulier, des systèmes d'enseignement à s'adapter aux exigences d'une économie compétitive, ajoutant qu'elle est d'autant moins facile à promouvoir que, avec l'ouverture économique, la destruction de pans entiers d'activités traditionnelles jette sur le marché une force de travail difficilement recyclable.
"A mesure que se libéralise le cadre juridique et institutionnel de l'activité économique, les rapports sociaux et les référentiels culturels de la société traditionnelle perdent de leur efficience régulatrice, accentuant l'érosion des solidarités familiales, l'exode rural et la pression des besoins urbains de consommation", poursuit-il. Le modèle de croissance, qui se met peu à peu en place, tend à concentrer les revenus, à creuser les inégalités sociales et à multiplier les poches de pauvreté qui affectent les paysages, les territoires, les groupes sociaux et le ressenti des populations concernées, ajoute M. Lahlimi, qui précise que "l'équité et la stabilité sociales portent à faire prévaloir la lutte contre la pauvreté et la vulnérabilité". Le Haut commissaire au plan met l'accent également sur "le débat classique sur la nature des rapports entre croissance et réduction des inégalités", rappelant qu'au Maroc, les travaux du HCP présentent l'intérêt de relativiser la thèse qui fait de la première (croissance) la source nécessaire et suffisante de la deuxième (réduction des inégalités). Ces travaux ont établi clairement que la croissance n'avait d'impact notable sur la réduction de la pauvreté et de la vulnérabilité que si elle était soutenue par une politique d'investissement et de transferts sociaux au profit des catégories sociales et territoires défavorisés. En période de transition économique, la distribution des revenus générés par la croissance reste pendant longtemps biaisée au détriment des populations les plus vulnérables, d'autant que les solidarités traditionnelles ont plutôt vocation à se relâcher, affirme M. Lahlimi. A cet égard, le Haut commissaire au plan met l'accent sur l'importance du choix d'une politique de redistribution des revenus qui s'inscrit dans "la perspective d'un projet de société solidaire", visant à faire de l'investissement dans les infrastructures sociales, le développement humain et les réformes sociétales un facteur aussi déterminant de progrès social que de création de richesse. Le Spécial de "La Revue" consacré au Maroc livre une analyse profonde sur le développement humain et fait état des débats de la conférence internationale organisée, sur le sujet, au Maroc les 15 et 16 janvier 2010 et qui a rassemblé des représentants de la Division statistique de l'Onu, de l'Ocde, de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), ainsi que des représentants des pays en voie d'émergence comme le Brésil. Une quinzaine de pages ont été consacrées à la contribution du Maroc à ce grand débat en mettant en exergue les travaux présentés par des experts marocains sur les méthodes de mesure statistique du développement humain. La dernière section, intitulée "les dix années qui ont changé le Maroc" s'est focalisée sur les grands chantiers du nouveau règne dans les domaines économique et social avec une mention spéciale pour l'Initiative Nationale pour le Développement Humain et les réalisations en matière d'Objectifs du Millénaire pour le Développement.