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Objectifs du Millénaire pour le Développement : Les acquis et les défis
Publié dans L'opinion le 28 - 12 - 2015

Dans son Rapport National 2015, le Haut Commissariat au Plan donne quelques informations assez imoportantes qui concernent les femmes et qui peuvent intéresser les « sentinelles » associatives genre, de Droit et les féministes.
Selon les données provisoires de l'Enquête nationale sur la consommation et les dépenses des ménages, le niveau de vie par habitant s'est amélioré de 3,3%, entre 2001 et 2014, avec des taux plus favorables pour les catégories sociales modestes et intermédiaires. C'est ainsi que la part dans la consommation globale des 10% des ménages les moins aisés a augmenté de 7,7%, celle des 10% les plus aisés ayant baissé de 5,4%. Dans ces conditions, les inégalités sociales appréhendées par la consommation ont amorcé, entre 2007 et 2014, une première inflexion de leur tenace rigidité à la baisse. Mesurées par l'indice de Gini, elles ont affiché une baisse de 4,7% à l'échelle nationale (passant de 0,407 à 0,388). Elles ont fortement baissé de 6,8% en milieu urbain et de 4,8% en milieu rural.
L'amélioration globale des niveaux de vie et la réduction des inégalités sociales ont contribué à réduire sensiblement la pauvreté et la vulnérabilité. L'extrême pauvreté est pratiquement éradiquée. Le taux de pauvreté absolue est aujourd'hui sans signification statistique à l'échelle nationale, négligeable en milieu urbain et fortement en baisse à 8,9% en milieu rural. Quand à la pauvreté multidimensionnelle, selon l'approche adoptée par le PNUD dite d'Oxford, avec un taux de 6% à l'échelle nationale est sans signification statistique en milieu urbain et a baissé très fortement en milieu rural à 13,1%.
De son côté, la vulnérabilité à la pauvreté, appréhendée selon l'approche de la Banque mondiale, même si elle s'avère faible en milieu urbain avec une incidence de 6,9%, se maintient malgré une forte baisse en milieu rural où elle est passée de 30% à 18%.
L'enseignement primaire est pratiquement généralisé. L'alphabétisation de la population âgée de 15 à 24 ans est en voie de l'être, avec toutefois une amélioration plus significative parmi les filles que les garçons. Le taux d'alphabétisation de la tranche d'âge de 10 ans et plus aura été en deçà de la cible fixée par les OMD. A tous les niveaux de l'enseignement, la parité entre les sexes est pratiquement atteinte grâce à une discrimination positive avec un taux de progression plus important en milieu rural.
La mortalité infanto-juvénile a diminué de 60% au cours de ces vingt dernières années et se situera entre 26,2‰ et 27,6‰, selon les estimations du Groupe Inter-agence du Système des Nations Unies et des experts du HCP, pour une cible de 25‰ en 2015. En revanche, le taux de la mortalité maternelle aura fin 2015 atteint l'objectif ciblé. La prévalence du VIH-sida demeure relativement faible, le paludisme autochtone éradiqué avec des cas importés en nombre relativement faible. L'incidence de la tuberculose est réduite à 82 nouveaux cas pour 100 000 habitants en 2014 contre 113 en 1990. L'accès de la population à l'eau potable et à l'électricité a été généralisé à un rythme soutenu, alors que l'assainissement liquide est en voie de l'être en milieu urbain avec un taux de près de 90% en 2014, dans un contexte où la proportion de la population urbaine logeant dans les bidonvilles ou dans des habitations sommaires est passée de 9,2% en 1994 à 5,6% en 2014. Par ailleurs, la discrimination positive à l'origine du rattrapage du retard historique de la scolarisation des filles en milieu rural a été également à l'origine de l'amélioration de 0,7% en 1997 à 17% en 2011 de la proportion de sièges occupés par les femmes au Parlement. Elle devrait porter cette proportion à 30% dans les collectivités locales et régionales. Même si la représentation féminine est relativement élevée, près de 40% dans les départements ministériels et parmi les cadres supérieurs de l'administration publique, elle reste particulièrement faible dans les postes de direction des ministères et parmi les ministres.
La réalisation des OMD s'est inscrite et se prolonge au-delà de 2015, au cours de l'agenda international de développement durable dans le contexte de la triple transition démographique, économique et sociétale qui constitue la dimension fondamentale des tendances lourdes du processus de développement au Maroc. Un contexte de transition démographique avancée Avec une population où les personnes de moins de 40 ans représentent plus de 62% et celles de moins de 30 ans plus de 54%, le Maroc bénéficie de l'aubaine d'une transition démographique particulièrement avancée. Sous l'effet de la baisse de la mortalité et de la fécondité, la forte diminution du poids relatif de la population âgée de moins de 15 ans, passant de 31,2% en 2004 à 28% en 2014 pour atteindre 20,9% prévu en 2030, est une des sources de cette aubaine. L'autre source procède de l'accroissement continu, jusqu'en 2030, de la population active âgée de 15 à 59 ans qui, par ailleurs, s'accompagne d'une baisse des effectifs âgés de 15 à 29 ans qui en constituent la matrice de reproduction.
Plusieurs dimensions en ont été mises en exergue au cours des rencontres publiques organisées pour débattre des objectifs de développement après 2015. Celles relatives aux inégalités entre hommes et femmes, entre milieu urbain et milieu rural ont été particulièrement soulignées et analysées au même titre que celles qui concernent les catégories sociales en situation de vulnérabilité ; c'est le cas des 1,4 million de personnes à besoins spécifiques ou des 3,3 millions de personnes âgées de 60 ans et plus dont 84% n'ont pas de retraite et 85% pas de couverture médicale. Les inégalités entre les hommes et les femmes et entre le milieu urbain et le milieu rural, héritées des structures et des normes sociales, ont été considérées comme des exemples qui doivent bénéficier d'actions spécifiques et de discriminations positives, dans le cadre de programmes volontaristes de lutte pour l'égalité de situation et de chances de tous les citoyens. La réduction des inégalités, sous toutes ses formes, devrait constituer, dans tous les cas, un facteur déterminant de la consolidation de la cohésion sociale dans une société de vieille tradition où les valeurs et les comportements d'une jeunesse dominante connaissent de profonds changements.
L'émergence d'un nouveau contexte sociétal Dans le contexte d'une démographie en transition avancée, d'un modèle de croissance en voie de restructuration et des menaces des effets des changements climatiques, le processus de réalisation des Objectifs du Développement Durable a vocation à s'inscrire dans un contexte marqué par l'émergence dans la société marocaine de nouveaux besoins matériels et culturels, avec un poids croissant dans l'expression de ces besoins, et de nouvelles catégories sociales, en particulier les jeunes, les femmes et les associations de la société civile. L'analyse des résultats de l'Enquête démographique à passages répétés de 2010 avait déjà montré, à travers les comportements démographiques, les transformations profondes que connaissaient les systèmes de valeurs et les comportements sociétaux dans le contexte d'un fort brassage des populations, sous l'effet d'une urbanisation croissante, d'une montée rapide de la nucléarisation des familles et de la persistance d'une forte mobilité interne et externe de la population notamment parmi les jeunes et les femmes. La fécondité de plus en plus contrôlée a été, à cet égard, relevée comme un révélateur de ces mutations, en ce qu'elle implique des choix individuels ou des choix de couple, en rupture avec les valeurs d'une société traditionnelle. Pour celle-ci, souvent pro-nataliste, un nombre élevé d'enfants est, comme on le sait, source de sécurité même si, dans la réalité, il se fait au détriment du bien-être des parents et des enfants. Une forte baisse de la fécondité constitue, à cet égard, un indicateur de l'émergence de l'individualisme dans la société avec ses implications économiques sociétales, voire politiques. Avec l'éclatement des cadres de solidarité traditionnelle qui ont vocation à atténuer le coût de l'entrée des jeunes dans la vie active et à prendre en charge les personnes âgées, cette évolution a tendance à décaler une population à majorité jeune des systèmes et des élites traditionnels d'intermédiation sociale et politique. Dans un contexte d'ouverture sur de nouveaux modes de consommation, de valeurs et de comportements sociaux de plus en plus hégémoniques à l'échelle internationale, les besoins sociaux, les aspirations au bien-être et les normes culturelles d'une partie de cette population recherchent de nouveaux cadres d'expression et ont dû revêtir, tout au moins pendant un certain temps, un caractère corporatiste ou spontanéiste.
D'une façon générale, les dimensions retenues dans les OMD, comme l'accès à l'eau et à l'école, perdent de la relativité quantitative et de l'acuité de leur présence dans la demande sociale. En revanche, la proximité et la qualité des services sociaux, la pérennité et la dignité de l'emploi et des revenus, la moralisation de la vie publique, la sécurisation de la vieillesse et l'égalité de situation et des chances sont autant d'exigences qui montent en puissance.
Tous les travaux menés par le HCP sur la pauvreté, la vulnérabilité, les inégalités et la mobilité sociale ont dû convenir que l'inégalité d'accès à l'éducation-formation est au cœur de l'inégalité des chances. Elle pénalise l'insertion économique, renforce la reproduction de la pauvreté et des inégalités et réduit la propension à participer aux institutions et la confiance dans l'efficience de leurs attributions. Au plan économique, il s'avère qu'une année supplémentaire d'études améliore la rémunération d'un salarié de 9,6% en moyenne, avec 2,4% pour un salarié du niveau du collège, 9,6% du niveau du lycée et 11% du niveau de l'enseignement supérieur. Au plan de la mobilité sociale, à même âge, milieu de résidence et origine sociale, un actif de niveau d'études fondamental a 1,6 fois plus de chances que son homologue « sans niveau d'études » de réaliser une mobilité sociale ascendante. Ce rapport des chances s'élève à 4,6 fois pour des personnes ayant le niveau d'enseignement secondaire et 16,2 fois pour celles issues de l'enseignement supérieur.
Dans ces conditions, la grande réforme du système d'enseignement et de formation, en consacrant l'obligation de l'enseignement préscolaire, la discrimination positive dans l'accès à l'enseignement au profit des enfants des milieux défavorisés et des personnes handicapées ou dans des situations vulnérables et le renforcement de la contribution du secteur privé à l'effort de généralisation équitable de l'enseignement, devrait faire de l'école marocaine l'école de l'équité et de l'égalité des chances.
Il convient cependant de rappeler que l'éducation est un facteur déterminant de l'amélioration des revenus des individus et de lutte contre les inégalités. Il n'en reste pas moins établi qu'au plan de l'insertion professionnelle, le nombre d'années de scolarité a aujourd'hui tendance à s'accompagner d'une hausse du chômage et de sa durée, notamment parmi la main-d'œuvre diplômée. Dans les domaines scientifiques et techniques, le taux de chômage augmente jusqu'à la 9e année d'études pour atteindre 24,6%. Au-delà de ce niveau, le taux de chômage baisse à mesure que le nombre d'années d'études augmente pour s'établir à 10% à plus de 16 années d'études. Ce paradoxe trouve son origine structurelle dans la faible diversification des secteurs à forte valeur ajoutée et pourvoyeurs d'emplois de qualité et de bonne rémunération en mesure de valoriser les compétences acquises par les ressources humaines disponibles. Le Maroc est ainsi appelé à réussir la promotion projetée d'un système d'enseignement et de formation performant anticipant les besoins d'une économie en voie de restructuration et réalisant par un haut niveau de rendement interne et externe la nécessaire adaptation de l'offre et de la demande de l'emploi en tant que facteur de durabilité de la croissance, de productivité et de renforcement de la cohésion sociale.


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