Une grande exposition rétrospective vient d'être consacrée à l'artiste plasticien marocain résidant en France. Un portrait de cet artiste méconnu dans son pays... mais plus pour longtemps. S'acheminant sur le fil indocile de l'existence qui se déroule au gré de l'infinie tapisserie de l'Univers, le geste délié du peintre s'affirme, se confirme, s'envole et se pose, avec toute la maturité de l'être expérimenté qui s'impose, mais également avec toute la pureté d'esprit qui caractérise «l'œil fé» de l'enfance déployé sur notre monde, se détournant du pire pour ne conserver que l'arôme du beau, de l'espoir, du meilleur. Ainsi délivré des limites du tangible cartésien; cette magie là invente un territoire d'absolu et de possibles, aboli de toute concession et de toute temporalité, duquel émane une écriture picturale tant parfumée du pigment de la terre que du scintillement de l'éther. Les compositions de Jamal Lansari possèdent en leur écrin une nature constellée de luminosité coloriste, parsemée de matière informelle vagabonde habitée d'incrustations d'objets symboliques, de tracés graphiques caressés de lyrisme et de narration subtile, à travers laquelle voyager et correspondre. Leur propos distille son essence sacralisée sur chaque morcellement de toile afin de former les chapitres d'un conte philosophique sans paroles. Car la peinture n'est-elle pas au fond une «poésie muette», comme aimait à l'exprimer Paul Gauguin, lorsqu'il appartenait au mouvement des «Nabis», signifiant prophètes. Se hasardant aux transgressions du réel tout en révélant sa substance par des envols figuratifs symbolistes, le travail du peintre exprime par là même sa perception réinventée du monde, telle une intuition abyssale et prophétique, sous forme d'une colombe. Depuis l'aube de grandes civilisations, cet oiseau à la robe immaculée semble survoler l'Orient comme l'Occident, sillonnant de ses métaphores leurs mythes spirituels les plus ancestraux, et partout il représente la pureté, l'espoir, la bienveillance, la paix, l'amour, l'esprit saint, ou encore l'âme. Ici, le peintre lui attache à la patte un message sur lequel il est écrit qu'observer l'humanité à travers les facettes les plus virulentes de son kaléidoscope d'actualités, se présente comme les gros titres du jour les plus choquants. Le messager ailé se blesse alors contre les remparts les plus oppressants de notre société mass-médiatique. Dans un tableau, la colombe s'échappe, essayant de rejoindre la quiétude des huées, royaume des anges; dans un autre, un oiseau recroquevillé sur lui-même demeure figé face au décor, ne s'apercevant pas que la cage qui lui servait d'ornières a disparu, comme si la liberté n'appartenait désormais plus à sa nature. Dans un autre, encore, il est la cible de flèches qui le transpercent et l'on ne peut s'empêcher d'y déceler un supplice de «l'âme», de «l'esprit sanctifié», ou plus précisément de l'espoir de la paix et de la bienveillance meurtri. Les compositions du peintre théâtralisent l'impact de l'enchaînement de nouvelles toujours plus angoissantes sur l'individu. Elles créent ainsi un espace de réflexion ésotérique sur la condition de l'être et de son entendement, enchaînée par les structures sociétales contemporaines; et finissent par composer une légende picturale où l'empathie nécessite de sublimer tout ce recueil de pensées sensibles pour le transcender. Comment? La réponse ressemble à un corollaire du mot «art» chez le peintre qui pense en formes et en couleurs. Les muses lui soumettent leurs influences, le peintre s'en empare comme d'une évidence, ne songeant jamais à la contrer sans se contrer lui-même. Il est ainsi fait, fabriqué de cette matière qui l'habite et qu'il transpose dans ses œuvres, matière dont les impulsions battent comme un cœur trop grand pour contenir son amour insufflé. Au hasard d'une toile, on peut même décrypter le visage d'Eros qui épinglera l'incarnation du Beau et de l'Idéal au sommet du châssis du peintre comme un sourire. Cet élan pictural pour l'Antiquité ouvre une passerelle sur le monde contemporain, nourrissant par là-même les compositions d'une iconographie pluriculturelle évocatrice, dont le prologue éthique demeure la représentation de l'idée, telle la série des « oiseaux de la liberté », agitant leurs ailes angevines sur l'espérance. A cela s'ajoute une profondeur plastique conquise par le biais d'aplats perspectivistes pré-renaissants conjugués aux effets matiéristes, ce qui crée alors un trait d'union entre le proche et le lointain, le tellurique et le cosmique. Le dicible, le visible et l'invisible, explorant ainsi les divers plans de lecture, comme les deux corbeaux messagers du Dieu nordique Odin explorent de l'aube jusqu'au matin suivant les neuf mondes et leurs plans de conscience. Par son travail, l'artiste esquisse ici de son trait une odyssée intérieure, galvanisée de correspondance sensualistes, qui se posent sur une toile comme l'œil d'Horus se posait jadis sur l'Ancienne Egypte...
Jamal Lansari *Diplôme National Supérieur d'Expression Plastique. Beaux Art Tours 1997 *Maîtrise en Arts Plastiques : Université de la Sorbonne, Paris 1998 *Directeur de les Affaires Culturelles Commissaires des expositions, Joué-Lès Tours. 2008 *Maitrise en philosophie université de Fès (1979-83) 1987 - Les variations Centre Régional de Documentation Pédagogique, Orléans - Les Sourciers, Beaulieu des Arts, Nantes - Les panoramiques INEX, Biennale des jeunes artistes - La Pléiade, La Riche - Collage, Horizon-Jeunesse, Grand Palais, Paris - Miniatures, Musée de la Poste, Amboise - Performance, Peinture élastique et danse, en collaboration avec le chorégraphe Glanin Loringett, Maison de la Culture, Joué lès Tours - Concert Fluxus, en collaboration avec Ben Vautier, Centre de Création Contemporaine, Tours - Installation in situ eau, Créacité, - Musée du Gemmail, Tours 1990 - Acrobart Peintures et performances en scène/Espace Jeune Création Contemporaine, Joué lès Tours - Peinture et Photographie, Universeine, Issy-les-Moulineaux 1991 - Artistes à suivre, Sélection Nationale des Eighty Magazine, FRAC/DRAC, Région Centre — Ecole des Beaux-Arts de Paris, Centre Culturel Metz, Saintes, Lorient et Centre d'Art Le Blanc - Le Paradis sur Terre, Espace Malraux, Joué lès Tours 1992 - Nature et catastrophe, Création en résidence : Centre de Recherche Scientifique, Université de Pérouse (Italie), 1er prix des artistes de la Méditerranée 1993 - Le voyageur assis sur sa chaise, création à partir d'une correspondance avec les pays du monde sous le patronage du Ministère de la Culture-Usines Baxter, Joué lès Tours 1994 - Art et patrimoine, Création en résidence sous le patronage du Ministère de la Culture et de la Fondation Hassan II, Galerie Elwodaya, Rabat (Maroc)