Des milliers d'Algérois sont descendus, mardi 24 février, dans la rue pour protester contre l'exploitation de gisements de gaz de schiste dans les régions sahariennes du pays. Une grande manifestation s'est déroulée, mardi 24 février, au centre de la capitale algérienne, en signe de protestation contre l'exploitation du gaz de schiste, rapportent les médias internationaux. Organisé à l'appel de plusieurs formations d'opposition, regroupées au sein de la « Coordination Nationale de la Transition et des Libertés Démocratiques », les Algérois ont défilé en masse pour protester contre le gaz de schiste, en signe de solidarité avec les populations des provinces sahariennes, où des forages expérimentaux sont réalisés par la compagnie publique Sonatrach, en collaboration avec des partenaires étrangers. La date de cette mobilisation a coincidé avec le 44e anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures en Algérie. Les manifestants, qui brandissaient des pancartes disant «non à l'exploitation du gaz de schiste» ou «nous sommes tous des In Salah», en référence au premier site d'exploration dans le Sahara algérien, se sont heurtés au dispositif policier qui leur barrait l'accès à l'esplanade de la Grande Poste. Plusieurs d'entre eux ont été interpellés de manière musclée par les forces de l'ordre. Des centaines de policiers des brigades anti-émeutes se sont déployés, en effet, mardi avant la levée du jour, sur la place de la Grande poste, à Alger. Des barrières métalliques ont été installées tout autour de l'esplanade pour en interdire l'accès et empêcher une manifestation contre le gaz de schiste prévue dans la matinée. Pour rappel, les manifestations sont officiellement interdites dans la capitale algérienne. «Notre action est un grand succès car nous avons réussi à briser le silence», a néanmoins déclaré le président du Mouvement pour la société de la paix (MSP, islamiste) Abderezak Mokri qui a appelé, lors d'une conférence de presse, à la libération des manifestants interpellés. «Il faut un large débat sur le gaz de schiste qui concernera à la fois le peuple et les institutions», a affirmé lors de cette même conférence de presse Ali Benflis, l'adversaire malheureux d'Abdelaziz Bouteflika à l'élection présidentielle de 2014. Compenser la baisse des revenus pétroliers En solidarité avec le mouvement citoyen anti-gaz de schiste né à In Salah, les manifestants à Alger ont demandé l'arrêt immédiat des tests opérés par la Sonatrach sur les puits pilotes du bassin gazier de la wilaya de Tamanrasset. Leur principal argument, c'est que la fracturation hydraulique, la technique utilisée pour extraire le gaz de schiste de la roche où il est confiné, porte durement atteinte à l'écosystème. Elle pollue notamment les nappes phréatiques, selon les anti-gaz de schiste. À Ain-Salah, la ville la plus proche des lieux de forage, des manifestations se poursuivent sans discontinuer depuis deux mois pour exiger l'arrêt des explorations. Depuis la chute des cours du pétrole, le gouvernement algérien a voulu se tourner vers le gaz de schiste et compte investir massivement dans ce segment d'hydrocarbures non conventionnels, afin de compenser la baisse de ses revenus pétroliers. Les forages ne seront pas interrompus Mais les Algériens qui vivent près des gisements s'inquiètent des conséquences des forages sur l'environnement. Un argument qui ne convainc pas certains experts en énergie. Ils disent que la fracturation hydraulique existe depuis les années 1990 en Algérie pour le gaz conventionnel, mais ils recommandent de s'assurer des bonnes conditions de sécurité environnementales avant d'envisager l'exploitation du gaz de schiste. L'Algérie figure dans le peloton de tête des pays disposant d'importantes ressources de gaz et de pétrole de schiste. Elle a environ 600 trillions de m3. Selon des études internationales, l'Algérie possède la quatrième réserve mondiale récupérable de gaz de schiste, après les États-Unis, la Chine et l'Argentine. L'Algérie projette d'exploiter à partir de 2025 son potentiel de gaz de schiste. Sonatrach «ne va pas interrompre» les forages d'exploration de gaz de schiste à Ain-Salah, a martelé son PDG Saïd Sahnoule, le 8 février, devant la presse à Alger. Et ce, bien que fin janvier, le président algérien Abdelaziz Bouteflika avait affirmé que les forages pilotes seraient «achevés à brève échéance» et que l'exploitation proprement dite n'était «pas encore à l'ordre du jour». Le président Abdelaziz Bouteflika, qui a donné en 2014 son feu vert à l'exploitation du gaz de schiste, a appelé, le jour de la manifestation, à mettre en valeur toutes les sources d'énergie tout en veillant à protéger la santé de la population et l'environnement, dans un message lu en son nom par un de ses conseillers à Arzew (Oran). «Le pétrole, le gaz conventionnel et de schiste, les énergies renouvelables sont des dons de Dieu. Il nous incombe (...) d'en tirer profit, pour nous et pour les générations futures, en veillant scrupuleusement à assurer la sauvegarde de la santé de la population et la protection de l'environnement», a indiqué Bouteflika. Depuis la réélection du président Abdelaziz Bouteflika, plusieurs groupes énergétiques étrangers, dont des multinationales américaines, montrent un intérêt grandissant pour l'exploitation du gaz de schiste en Algérie.