Rdv de L'Opinion : Décryptage des enjeux de la reprise parlementaire avec Allal Amraoui    Taliouine Chinese Mining Company, nouvelle entité sino-marocaine pour l'extraction stratégique dans le Haut-Souss    Marsa Maroc pourvoit Casablanca d'une nouvelle structure logistique dotée de 300 000 dirhams    Audiovisuel : La HACA et le CSA de Wallonie-Bruxelles renforcent leur coopération    Congrès américain : le Polisario risque d'être classé comme organisation terroriste    Hack de la CNSS: Ce que dit la loi sur l'usage des données personnes fuitées    Politiques sociales : Le Maroc plaide à Kampala pour une implication de l'Afrique    L'armée algérienne finalement absente de l'African Lion 2025    Maroc : Crash d'un avion près de l'aéroport Fès-Saïss    Republicanos en EE.UU.: Impulso al apoyo a Marruecos en el Sahara Occidental    Le Chœur philarmonique du Maroc rend hommage aux King's Singers    Le caftan marocain déposé à l'UNESCO    Crash d'un avion près de l'Aéroport de Fès : 4 blessés et des dégâts matériels importants    Algérie: Le meurtre de deux Sahraouis soulève un vent de révolte contre le polisario    Bourse de Casablanca : la sérénité est de retour pour 90 jours !    CAN U17 : Ziyad Baha veut conserver le trophée    La Fairmont Morocco Golf Cup fait à Taghazout pour sa 5ème édition    Climat des affaires : Le Maroc franchit un nouveau cap    Bourse de Casablanca : clôture en territoire négatif    Tarifs douaniers américains : La guerre commerciale pourrait réduire de 0,7 % la croissance mondiale    Casablanca: interpellation d'un ressortissant français d'origine algérienne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international    Fortes pluies parfois orageuses, rafales de vent localement fortes avec chasse-poussières, de vendredi à dimanche, dans plusieurs provinces du Royaume (Bulletin d'alerte)    Liaison fixe du Détroit de Gibraltar: Le Maroc et l'Espagne renforcent leur partenariat en matière de numérisation et d'ingénierie    Un sénateur américain envisage de présenter un projet de loi classant le « Polisario » comme organisation terroriste    Le président Macron visite le pavillon du Maroc, invité d'honneur du Festival du livre de Paris    Mehdi Bensaid inaugure le Pavillon du Maroc, invité d'honneur du Festival du Livre de Paris 2025    Safi, écrin du septième art : Des Journées de cinématographiques entre éclats, débats et perspectives    Baleària: La liaison Tarifa-Tanger ville opérationnelle dès la deuxième semaine de mai    L'Amérique du Sud soumet une candidature officielle pour un Mondial 2030 à 64 équipes    France : «Morocco's sovereignty over Western Sahara no longer up for discussion»    Maroc - France : La Marine royale Marocaine devient responsable de la production des cartes marines    Italie : L'hommage du photographe Nicola Fioravanti au Maroc    La Chine répond à l'escalade commerciale de Washington par un Livre blanc : un appel au dialogue et au multilatéralisme plutôt qu'à l'affrontement    Maroc Telecom et Zoho s'allient pour accélérer la transformation digitale des entreprises au Maroc    Talbi Alami appelle à une mobilisation active pour un Maroc fort et unifié    Un inspecteur de police contraint de faire usage de son arme de service à Kénitra face à un forcené    Yasmina Alaoui devient la première femme à présider le Conseil régional des notaires de Rabat    L'Humeur : Milieu du spectacle, lieu de violences sexistes    Botola D1/ J26 : Programme de ce vendredi    Sahara : l'option marocaine en voie de légitimation onusienne    CAN U17 (Quarts de finale): Le Maroc bat l'Afrique du Sud et va en demi-finale    Basket African League : Le Fath s'incline face aux Rivers    CAN U17 : Sénégal ou Côte d'Ivoire, lequel affrontera le Maroc en demi-finale ?    Morocco advances to Afcon U17 semi-finals with 3-1 victory over South Africa    Festival du Livre de Paris : Le choix du Maroc comme invité d'honneur s'inscrit dans la dynamique du partenariat bilatéral d'exception    Le Bénin crée le « Cotonou Comedy Festival »    Premier League : Mohamed Salah prolonge avec Liverpool au-delà de 2025    Festival du livre de Paris. La Kabylie expose en force    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Afrique: Boko Haram: Vers un Etat islamique au Bassin du Lac Tchad
Publié dans L'opinion le 16 - 01 - 2015

Si rien n'est fait maintenant, le bassin du Lac Tchad va devenir, sans délai, un Etat Islamique Boko Haram. Nous sommes à l'aube d'une autre catastrophe humanitaire, après celle de l'assèchement du lac, sans que cela n'attire suffisamment l'attention du monde entier, communauté internationale, instances régionales et sous-régionales comprises. Les récentes percées de Boko Haram et le désordre en Libye vont continuer à nourrir le terrorisme dans cette région.
Le bassin est d'une superficie de 967.000 km2 (sans la Libye). Il comprend trois régions du Cameroun, deux régions du Niger, six (Etats fédérés) du Nigeria, trois régions de la RCA et l'ensemble du territoire du Tchad, avec une population estimée à 30 millions. Les habitants du bassin du Lac Tchad sont issus de plusieurs groupes ethniques et tribaux (Kanouris, Mobbers, Boudoumas, Haoussas, Kanembous, Kotokos, Arabes shewa, Haddas, Kouris, Fulanis et Mangas). Ils sont pêcheurs, éleveurs, agriculteurs ou commerçants.
Depuis plus de trois ans, les parties camerounaise et nigériane du bassin sont touchées, de plein fouet, par le terrorisme de la secte, avec comme conséquences de lourdes pertes en vies humaines, des enlèvements, des destructions de biens privés et publics. Boko Haram détient toujours plus de 200 jeunes filles kidnappées en avril 2014 dans leur lycée de Chibok dans l'État de Borno. Depuis cet événement qui a marqué les esprits, et malgré l'apparente gesticulation mondiale, le groupe islamiste continue d'enlever ou de tuer régulièrement des milliers d'hommes, femmes et enfants. Même si les statistiques ne sont pas disponibles, à ce jour, le conflit de Boko Haram et les forces de sécurité camerounaise et nigériane ont fait plus de 20 000 morts et 1 500 000 déplacés.
Beaucoup dépeignent cette situation comme le résultat d'une crise politique interne au Nigeria, depuis le troisième mandat raté du Président Obasanjo, qui a été forcé par le Sénat en 2006 de quitter le pouvoir au profit de feu le Président Yaradu'a, nordiste, malade et décédé en 2010, avec comme vice-président le discret homme politique sudiste de l'Etat de Bayelsa, Goodluck Ebele Jonathan, qui préside aujourd'hui aux destinées du pays. Mais cela n'explique pas comment un petit groupe de malfrats est devenu une puissante force qui défie les armées organisées, redoutables et républicaines, comme celle du Cameroun. Pour comprendre la dynamique de cette crise, nous devons examiner trois causes profondes.
La première cause est l'héritage de la colonisation. Le Cameroun et le Nigeria ont accédé à l'indépendance en 1960 et sont devenus la même année membres de l'ONU. En février 1961, la population du Cameroun septentrional a décidé, à une majorité importante, d'accéder à l'indépendance, en s'unissant à la Fédération de Nigeria, en application de la résolution 1608 (XV) de l'Assemblée générale des Nations Unies. Aujourd'hui, presque chaque nigérian nordiste a une famille de l'autre côté au Cameroun et vis-versa. La porosité de nos frontières ne permet pas un contrôle strict sur le transfert des armes et l'utilisation du Cameroun comme base logistique par les djihadistes Boko Haram.
La deuxième cause est la mauvaise gouvernance politique et socio-économique. La situation socio-économique de la plupart des pays de la région se trouve, d'une manière générale, fortement détériorée, au regard des indicateurs pessimistes des secteurs sociaux de base. Depuis moins d'un quart de siècle, de nouvelles ressources économiques (agricoles, minières, industrielles) y créent une nouvelle différenciation de l'espace, une grande mobilité des populations et l'apparition de conflits intercommunautaires. Or, le bassin du lac Tchad apparaît comme une zone d'échange privilégiée entre Afrique du Nord et Afrique centrale.
Les pays du bassin font face à des dissensions internes depuis des années, exacerbées par un manque de consensus politiques. Au Nigeria, dès l'annonce des intentions du Président Obasanjo de réformer la Constitution afin de briguer un troisième mandat, le vice-président nordiste Atiku Abubakar, futur candidat à l'élection présidentielle de 2007, a pris le flambeau pour mener une campagne contre cet amendement. Atiku était ainsi soutenu par des politiciens nordistes majoritairement musulmans, tel que l'ex-général et ancien président Muhammadu Buhari, principal challenger du Président Goodluck à l'élection présidentielle de février 2015. Cependant, le départ d'Obasanjo et la santé fragile de Yaradu'a n'ont pas aidé le pays à se maintenir dans cette dynamique de développement initiée par Obasanjo. Le Cameroun traverse une période de transition politique assez compliquée, amplifiée par les arrestations des grands dignitaires du pays dans le cadre de la lutte contre la corruption.
Enfin, la troisième cause provient des faiblesses de l'intégration sous-régionale. Depuis l'avènement des indépendances, le bassin a toujours connu une situation d'instabilité au plan socio-économique. Cette situation a conduit les pouvoirs publics à chercher d'abord à consolider leur autorité au plan interne avant de s'engager dans d'autres entreprises, notamment l'intégration. Cet état de choses a renforcé un micro nationalisme latent avec, pour conséquence, une prédominance des intérêts nationaux très étroits et souvent à court terme, sur l'esprit communautaire. C'est l'une des raisons pour lesquelles la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) peine à mettre en place un mécanisme communautaire de prévention et la résolution des conflits.
Le 17 mai 2014, les chefs d'Etat (Nigeria, Cameroun, Benin, Tchad, Niger) et le président François Hollande se sont réunis à Paris et ont adopté un plan d'action régional pour lutter contre la secte. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Union européenne y étaient également représentés. Le plan adopté par le sommet prévoit la coordination du renseignement, l'échange d'informations, le pilotage central des moyens, la surveillance des frontières, une présence militaire autour du lac Tchad et une capacité d'intervention en cas de danger.
Le 7 octobre 2014, un sommet régional de chefs d'Etat africains pour lutter contre la secte a été organisé à Niamey autour du président nigérien Mahamadou Issoufou, et ses homologues du Nigeria, du Tchad, du Bénin et le ministre de la défense du Cameroun. Comme d'habitude en Afrique centrale, la date butoir du 20 novembre 2014 a été dépassée sans que la coordination des forces mixtes et la finalisation des contingents soient effectives, éléments essentiels de la stratégie de lutte commune élaborée par des états-majors des différents pays du bassin.
Sur le terrain, la secte a multiplié les menaces verbales, les attaques meurtrières sur les civils, les institutions publiques, les extorsions d'argent aux hommes d'affaires et les prises des camps militaires, mettant en doute l'efficacité des actions entreprises pour contenir le terrorisme.
Les stratégies annoncées ont deux défauts majeurs : a) la non prise en compte des organisations régionales comme la CEMAC, la CEEAC, ou l'UA mais surtout la CBLT, dont l'une des missions est la préservation de la paix et la sécurité dans le bassin ; b) la non-implication officielle des organisations islamiques comme l'Organisation de la coopération islamique, capables d'enrichir les stratégies adoptées avec des discussions avec les musulmans membres de la secte.
La non-traduction en action de la volonté politique des Etats membres, la prédominance des intérêts nationaux sur l'esprit communautaire, la duplicité et les suspicions, une très grande dépendance de certains dirigeants vis à vis de l'extérieur, des infrastructures inadéquates, surtout dans le domaine de la communication, le manque de confiance pour certaines armées dans la gestion des informations stratégiques collectées par les drones, ont contribué à amplifier cette crise.
Le Conseil de Sécurité de l'ONU doit rapidement voter une résolution pour le déploiement dans cette région d'un contingent international de prévention et maintien de la paix, qui collaborera étroitement avec la Minusca en RCA et l'opération Barkhane. Le caractère global de la menace d'un éventuel Etat islamique sur le bassin du Lac Tchad, que représentent les djihadistes de Boko Haram et autres terroristes, a pour objectif, au-delà du bassin " d'établir leur pouvoir sur la bande sahélienne de l'Atlantique à l'Océan Indien et d'y installer leur régime obscurantiste impitoyable. " Les erreurs du passé en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie ou au Mali, doivent servir de leçons à la communauté internationale.
Par Alain Nkoyock, Docteur en Management, Fonctionnaire international auprès des Nations Unies


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.