Qui donc arrêtera Boko Haram dans sa folie meurtrière avec ses enlèvements et ses viols ? Telle est la question que tout le monde se pose aujourd'hui, au regard de la menace qui se fait de plus en plus grande au nord du Nigéria où l'armée de ce géant au pied d'argile vient de subir un revers sans précédent face à la secte nébuleuse de Boko Haram. En effet, la prise de la base de Baga, dans l'Etat de Borno (nord du Nigeria) est révélatrice à plus d'un titre de l'impuissance du Nigéria face à ce mouvement islamiste. Elle a aussi permis de comprendre que le Tchad et le Niger ne comptaient plus d'hommes dans cette caserne censée être le bastion opérationnel de la force sous-régionale conjointe chargée de lutter contre Boko Haram. Résultat : l'inaction de l'armée nigériane inquiète dans la région et irrite au-delà des frontières du Nigeria, en particulier du côté des partenaires du gouvernement de Goodluck Jonathan, dans la lutte contre Boko Haram. Dans cette défaite, force est de constater de toute évidence que ce n'est pas le président nigérian, Goodluck Jonathan, qui pourra freiner les velléités de cette secte, lui qui, visiblement dépassé, semble plus préoccupé par sa réélection que par l'équation islamiste. On est parfois amené même à se demander comment ce pays ouest-africain est tombé dans cette spirale de violences. La réponse doit se trouver certainement dans le système géopolitique et les éléments composites conçus dès le départ. En la matière, les éléments explicatifs ne manquent pas. En effet, le Nigeria comporte tant de contradictions que son avenir semble, à première vue, très incertain : une démocratie fédérale exemplaire, issue de longues décennies de dictature et assise sur une corruption rampante ; une manne pétrolière apparemment inépuisable, exploitée dans un désordre générateurs de dégâts écologiques sans précédent ; des villes gigantesques, aux populations misérables, mais animées de longue date par une créativité culturelle et artistique inépuisable ; une armée redoutable et une diplomatie active, qui tardent cependant à s'imposer sur la scène africaine et internationale... Autant d'éléments qui font qu'aujourd'hui nul ne peut prédire à quand la fin des agissements de Boko Haram. Autrement dit, la prise de Baga permet d'accroître l'emprise de Boko Haram dans l'Etat. Ainsi, ce groupuscule armé peut désormais mener des attaques à partir de Baga. Une situation dangereuse car personne ne pourra le combattre à partir de la rive opposée du lac Tchad et rien n'indique que le Tchad envisage de mener une offensive contre Boko Haram. Pis, les insurgés dans l'Etat de Borno ont désormais le contrôle de Gwoza, Bama, Banki, Gamboru Ngala, Sigal, Marte, Baga, Damasak et Abadam, c'est-à-dire tous les districts à la frontière du Niger, du Tchad et du Cameroun. En définitive, il ne s'agit plus de la provocation de la part de Boko Haram mais bien d'une agression et d'une volonté affichée d'annexion contre laquelle l'armée nigériane a montré son impuissance. En attendant une coalition internationale, le groupe islamiste continuera son parcours funèbre au nord du Nigéria, un Etat qualifié à tort ou à raison de géant d'Afrique.