Les opérations de secours se poursuivaient au Nigeria mercredi, au lendemain d'un double attentat à Jos (centre) qui a fait au moins 118 morts, déstabilisant un peu plus le gouvernement malgré la mobilisation internationale contre Boko Haram. Selon Mohammed Abdulsalam, le coordinateur de l'Agence nationale de gestion des crises, le bilan pourrait s'aggraver car les secouristes vont sans doute retrouver «plus de cadavres dans les décombres» dus aux explosions. Le double attentat à la voiture piégée, qui a également fait 56 blessés, n'avait toujours pas été revendiqué mercredi, mais les soupçons se tournent vers le groupe islamiste armé Boko Haram, que le gouvernement dit lié à Al-Qaïda. Le mode opératoire du carnage de Jos rappelle celui souvent employé par l'internationale jihadiste: d'abord l'explosion d'un camion piégé au milieu de l'après-midi sur un marché de cette ville d'un million d'habitants, puis l'explosion d'un deuxième véhicule alors que les habitants et les secouristes ont déjà accouru pour aider les victimes. Ce nouvel attentat ravive la crainte de violences interreligieuses, avec leur cycle infernal de représailles qui ont déjà ensanglanté l'Etat du Plateau et sa capitale Jos par le passé. Cet Etat est situé à la charnière entre le sud chrétien et le nord majoritairement musulman du Nigeria. Boko Haram a revendiqué une série d'attaques spectaculaires depuis un mois et demi. Le 14 avril, un attentat à la voiture piégée contre une gare routière dans un quartier populaire d'Abuja fait 75 morts. Le 1er mai, une semaine avant l'ouverture d'un forum économique international dans la capitale fédérale, un attentat similaire, au même endroit, fait 19 morts. Le 5 mai, des hommes armés rasent la ville de Gamboru Ngala, près de la frontière camerounaise, tuant plus de 300 personnes. Et le 18 mai, quatre personnes périssent dans une attaque-suicide à Kano, la grande ville du Nord musulman. A ces attaques s'ajoutent l'enlèvement de plus de 200 lycéennes à Chibok, une petite ville du Nord-Est, revendiqué dans une vidéo par Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram, qui a scandalisé l'opinion publique mondiale et entraîné une mobilisation internationale. Après l'attentat de Jos, le président nigérian Goodluck Jonathan, largement critiqué pour son inaction et son incapacité à faire cesser les violences, a réitéré son engagement à «gagner la guerre contre le terrorisme». Le Parlement nigérian a validé mardi la prolongation de l'état d'urgence en vigueur dans trois Etats du Nord-Est, demandée par M. Jonathan. Mais cette mesure d'exception déjà en vigueur depuis mai 2013, accompagnée d'une vaste offensive militaire, n'a jamais pas permis d'enrayer les violences de Boko Haram. Les attaques se sont au contraire multipliées, visant de plus en plus les civils. Les forces de sécurité nigérianes apparaissent dans les faits incapables de prévenir les attaques, Boko Haram frappant désormais aussi bien dans les Etats du nord-est du Nigeria, ses fiefs, que dans le Centre ou le Nord. Le Sud chrétien n'a pas encore été touché, mais le groupe islamiste a menacé de s'attaquer aux intérêts pétroliers dans le delta du Niger, stratégiques pour la première économie d'Afrique. Plusieurs pays occidentaux, Etats-Unis en tête, ont dépêché des experts, des avions-espions et des drones pour aider le Nigeria à retrouver les lycéennes kidnappées et à tenter de neutraliser les islamistes. Un sommet organisé à Paris, qui a réuni samedi le Nigeria, ses voisins et ses soutiens occidentaux, a adopté un plan global de lutte contre Boko Haram, établissant une large coopération militaire. Toutes ces mesures apparaissent pour l'instant sans effet, les experts soulignant depuis longtemps qu'une telle insurrection, menée par des islamiste au sein d'une population dont une partie les soutient, ne peut être arrêtée uniquement par des opérations militaires.