Récit d'un fiasco les bonnes intentions nées du massacre de Charlie Hebdo n'auront duré que 24 heures. L'unité nationale n'a pas survécu à la réunion d'une vingtaine de membres de la classe politique, claquemurés dans une salle de l'Assemblée ce jeudi.A 14h30, des représentants du Front de gauche, d'EELV, du PS, du Front démocrate, de Nouvelle donne, du MoDem, de l'UDI et de Debout la France se réunissent au Palais-Bourbon. A l'ordre du jour, l'organisation de la marche ce dimanche. Sans que l'on sache très bien d'où ce petit monde tient son mandat d'organisateurs. La vingtaine de personnes présentes s'entend sur un mot d'ordre: «une marche républicaine et silencieuse». Autour de la table, personne de l'UMP, ni du FN. Les deux ne représentent, il est vrai, que plus de la moitié des suffrages aux dernières élections. Pis, le premier groupe de l'opposition et la présidence de l'Assemblée ignorent tout de cette rencontre une demi-heure avant qu'elle ne débute.A la sortie, le socialiste François Lamy annonce l'exclusion du FN de la marche. A L'Express, Jean-Luc Bennahmias déroule la même ligne: «Ils font eux-même preuve d'exclusion dans leur programme. Cette décision n'a de toute façon pas fait l'objet de débat.» L'UMP opposée à l'exclusion du FN Au même moment, au siège de l'UMP, le parti ouvre un bureau politique extraordinaire. Nicolas Sarkozy informe les cadres du mouvement de la teneur de son tête-à-tête avec François Hollande le matin même et annonce un nouveau coup de fil dans la soirée pour fixer les modalités de participation à la marche de dimanche. Celle-ci doit se faire avec le FN. «L'UMP appelle tous ceux qui se reconnaissent dans ses valeurs à manifester dimanche prochain dans un climat de recueillement et de dignité», écrit le parti dans une déclaration solennelle.Rue de Vaugirard, la décision prise à l'Assemblée ne passe pas. «Qui peut se permettre d'exclure un parti qui recueille 25% des voix?», s'étrangle un membre de la direction.»Quand on fait l'unité, on la fait avec tout le monde», complète Thierry Solère, député des Hauts-de-Seine. «Cette marche, c'est la réunion de tous les Français qui défendent la liberté», acquiesce Sébastien Huyghe, député du Nord et porte-parole de l'UMP.Dans la cour d'honneur de l'Elysée, le ton est le même. «Tous ceux qui se sentent concernés doivent y participer», résume Christian Jacob à la sortie de son entretien avec François Hollande. Les représentants socialistes s'en tiennent à des généralités sans prononcer directement l'exclusion du FN: «On envoie jamais de faire-part pour entrer en résistance», frappe Claude Bartolone. Marine Le Pen a décroché la posture de l'exclue En embuscade, Marine Le Pen ne laisse pas passer l'occasion d'exploiter la situation. Dans les minutes qui suivent, elle intervient sur l'antenne d'iTélé: «Nous avions envisagé de nous rendre à cette marche mais la politicaillerie nous l'a interdit. Nous n'avons pas été conviés à la réunion préparatoire de cette manifestation.»En réalité, la réunion en début d'après-midi à l'Assemblée n'a pas abordé clairement la question de la présence du FN. «Il n'y a pas eu un vote à bras levé sur cette question», confie un participant. «Pour trouver un consensus entre tous les partis présents, on est resté dans des formulations vagues», reconnaît un autre.La stratégie d'une poignée d'élus réunis dans une salle de l'Assemblée, Marine Le Pen s'en moque comme de sa première polémique. La présidente du Front national a obtenu ce qu'elle visait: prendre la posture de l'exclue. Qu'importe si la question n'a pas été soumise au vote des «organisateurs» de la marche. Qu'importe si François Hollande reçoit Marine Le Pen ce vendredi à l'Elysée. Qu'importe si la réunion de ce jeudi après-midi n'est que la première d'une série qui pourrait lever l'exclusion. Le mal est fait. L'unité nationale est un fiasco.