Après plusieurs centaines de frappes de la coalition contre ses positions et des centaines de morts parmi ses combattants, l'État islamique a été freiné dans son avancée, aussi bien en Irak qu'en Syrie. «Les déplacements de leurs convois logistiques sont de plus en plus difficiles, commente depuis Bagdad un observateur occidental joint au téléphone. Quant à leur artillerie, elle est frappée dès qu'elle est repérée en mouvement.» Si l'État islamique conserve Mossoul et de larges portions du «pays sunnite» d'Irak, l'organisation terroriste a subi, ces dernières semaines, deux défaites marquantes lorsque ses combattants ont dû se retirer de la ville de Jourf al-Sakhr au sud de Bagdad, ainsi que de la principale raffinerie de pétrole du pays, située à Baiji au nord de la capitale. «Ce qui, à chaque fois, fait la différence, c'est l'appui aérien américain, ajoute le spécialiste militaire. Une fois les djihadistes frappés, les forces spéciales irakiennes s'engagent et derrière elles les milices chiites, mêlées aux tribus sunnites.» Les Américains n'ont utilisé qu'une seule fois leurs hélicoptères Apache lorsqu'ils ont attaqué les positions de l'État islamique qui menaçaient l'aéroport de Bagdad. Depuis, les djihadistes ont dû, une fois de plus, reculer. En Syrie, les troupes de l'EI sont fixées depuis plus de deux mois à Kobané face aux Kurdes, qui ont progressé ces derniers jours, là encore, grâce au soutien de l'aviation américaine. «Les Américains ont fait de Kobané une souricière, laissant les djihadistes s'y rassembler pour mieux les viser», analyse un autre expert, de retour de Syrie. Plus de cinq cents terroristes y sont morts en deux mois de bombardements. La souricière de Kobané État islamique a dû dégarnir la plupart des autres fronts, que ce soit à Deir ez-Zor à l'est, ou dans la campagne autour d'Alep, deux de ses principaux bastions avec Raqqa, sa «capitale». Les djihadistes ont bien attaqué récemment deux puits de pétrole dans la province de Deir ez-Zor, mais ils ont dû rapidement en céder le contrôle à l'armée régulière. Frontalière de l'Irak, la province de Deir ez-Zor est stratégique pour l'EI, qui en a fait sa base arrière. Non seulement en raison des puits de pétrole qu'elle abrite, permettant à l'État islamique de se financer en vendant de l'huile en contrebande. Mais également parce que les djihadistes y cachent quelques-uns de leurs principaux dépôts d'armes dérobées à l'armée irakienne au cours de la conquête de Mossoul en juin. Mais après de nombreuses tentatives, les djihadistes n'arrivent toujours pas à prendre le contrôle de la ville même de Deir ez-Zor, qu'ils doivent partager avec le régime de Bachar el-Assad. La bataille de Kobané a également chamboulé les plans de l'ÉI dans la région au nord d'Alep.«Depuis, l'EI a dû renoncer à y attaquer d'autres groupes rebelles rivaux, comme Liwa al-Tawhid, proche des Frères musulmans, afin d'y régner en maître», décrypte un journaliste à Beyrouth. D'autre part, EI a dû laisser le Front al-Nosra, la branche syrienne d'al-Qaida, exercer son pouvoir sur la région d'Idlib à l'ouest d'Alep, où al-Nosra ambitionne justement de créer un mini-émirat, face à EI, appuyé par le groupe Jound al-Aqsa, dirigé par le Qatarien Abdel Aziz al-Qatari. Si les frappes anti-EI ont pu rapprocher un temps l'EI d'al-Nosra, une récente médiation pour officialiser une trêve a échoué. Contrairement à al-Nosra, composé en majorité de Syriens, EI, avec dans ses rangs des Irakiens et beaucoup d'étrangers, reste mal vu par la population locale. Bref, en Syrie comme en Irak, EI fait le dos rond, mais est loin d'avoir été vaincu. «Les djihadistes sont atteints, résume un diplomate, mais leur capacité militaire reste importante et l'argent dont ils disposent leur permet toujours d'acheter des allégeances tribales, indispensables à leur survie.»