Après avoir pris le contrôle, il y a deux mois, de la capitale Sanaa, les Houthis poursuivent leur fulgurante avancée dans le pays, très loin de leur fief ancestral du nord-ouest du Yémen. Qui sont ces rebelles chiites? Sanaa, la capitale du Yémen est entre leurs mains depuis deux mois. Les rebelles houthis poursuivent leur avancée vers le centre et le sud du pays, et bouleversent la donne au Yémen, un pays déjà ébranlé par une instabilité chronique depuis le départ négocié en 2012, sous la pression de la rue, de l'ancien président Ali Abdallah Saleh, dans la foulée du Printemps arabe. Lundi 20 octobre, un attentat suicide et des combats entre Houthis chiites et insurgés sunnites ont causé la mort de plus d'une trentaine de personnes dans la ville d'Al Odaïn dans le centre du Yémen. Qui sont les Houthis ? Les Houthis tirent leur nom de leur guide spirituel, le chef religieux Badreddine al-Houthi et de son fils, Hussein, un influent prédicateur tué par l'armée yéménite en 2004. Ce mouvement rebelle, dont la branche politique porte le nom d'Ansarullah, appartient à la communauté zaïdite, issue du chiisme et concentrée dans les montagnes du nord-ouest du pays, à la frontière de l'Arabie saoudite. Les Zaïdites représentent environ un tiers de la population yéménite majoritairement sunnite. Engagé dans un bras de fer depuis le début des années 2000 avec le pouvoir central, les Houthis dénoncent la marginalisation de la communauté zaïdite et les inégalités et le sous-développement dont est victime le nord-ouest du pays, où se trouve leur bastion ancestral Saada. Cette ville est le berceau du zaïdisme, fondé en 898 par la un régime politico-religieux, dit «l'imamat zaïdite», renversé plus de mille ans plus tard, en 1962, par un coup d'Etat militaire. Outre leurs revendications socio-économiques, identitaires et politiques, les Houthis s'opposent également à toute alliance du gouvernement yéménite avec « l'ennemi américain » et à l'ingérence du puissant voisin saoudien. Ce mouvement, actuellement dirigé par le populiste Abdel Malak al-Houthi, est quant à lui accusé par ses détracteurs d'être à la solde de Téhéran et de servir les ambitions régionales des Iraniens. Ses opposants le comparent également au Hezbollah libanais, le mouvement politico-militaire chiite pro-iranien. Quels sont les objectifs des rebelles houthis ? Après avoir été la cible de six campagnes de répression, orchestrées par le pouvoir central entre 2004 et 2010, à la suite de soulèvements populaires, les Houthis ont joué un rôle actif dans le soulèvement de 2011 qui a conduit au départ négocié, en février 2012, du président Ali Abdallah Saleh. Depuis, ils s'étaient attelé dans un premier temps à consolider militairement leur domination sur la province de Saada. Puis, profitant de l'effondrement des institutions étatiques et surfant sur le rejet de la corruption généralisée et de la pauvreté, ils ont cherché à élargir leur zone d'influence en vue de la création du futur État fédéral du Yémen qui doit compter six provinces. Et ce afin d'obtenir, au terme de la transition, un partage du pouvoir en leur faveur. D'aucuns les soupçonnent aussi de vouloir rétablir l'imamat zaïdite aboli en 1962 pour laisser place à une République. Le 21 septembre, la rébellion houthie est entrée dans une nouvelle dimension, illustrant leur approche plus offensive de la politique. À la suite d'un mouvement de contestation politico-social réclamant l'éviction du gouvernement, entamé au mois d'août et qui se voulait pacifique, ils lancent une offensive surprise et parviennent à prendre le contrôle de Sanaa. Une prise qualifiée de «révolution victorieuse pour tous les citoyens» par les responsables houthis. Quelle est la situation dans le pays et la capitale Sanaa ? Malgré la signature d'un accord de paix sous l'égide de l'ONU, qui prévoyait leur retrait de Sanaa et la reprise du processus de transition politique, les Houthis sont depuis descendus plus au sud, s'emparant du port stratégique de Hodeida sur la mer Rouge et s'enfonçant aussi vers les provinces centrales de Dharma, d'Ibb et de Baïda. Les rebelles ont depuis étendu leur influence vers l'Est, où se trouvent les principaux gisements pétroliers du pays, et dans le sud-ouest, en direction du détroit stratégique de Bab al-Mandeb qui commande l'entrée sud de la mer Rouge. Pour de nombreux experts, l'avancée des miliciens chiites n'a pu se faire sans le soutien de l'ancien président Ali Abdallah Saleh, qui les avait pourtant violemment combattus des années durant. Ce dernier, qui espère revenir au pouvoir, aurait notamment ordonné à ses partisans de rejoindre la rébellion chiite pour déstabiliser le gouvernement en place. Une thèse confortée par la passivité de l'armée, dont certaines unités sont restées fidèles à l'ancien régime, face à la progression des combattants houthis. Par ailleurs, cette expansion fulgurante a maximisé les chances d'un conflit ouvert avec leurs ennemis jurés sunnites d'Al-Islah, parti islamiste affilié aux Frères musulmans. Ainsi qu'avec certaines tribus sunnites et avec al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), qui a juré de livrer une guerre sans merci aux Houthis. Depuis la semaine dernière, cette crainte s'est matérialisée puisque les affrontements entre chiites, sunnites et membres d'Al Qaïda se sont multipliés dans de nombreuses provinces du Yémen. Face au chaos dans lequel s'enfonce le pays, le président Abd Rabbo Mansour Hadi, qui a de son côté dénoncé une «tentative de coup d'Etat», se montre incapable, pour le moment, de contenir la montée en puissance des Houthis. Il a nommé un nouveau Premier ministre, Khaled Bahah, en début de semaine dernière, mais il ne semble plus avoir aucune prise sur les évènements qui menacent désormais l'unité du Yémen. Et cette unité est menacée sur plusieurs fronts : en plus de l'expansion des Houthis, un mouvement sécessionniste dans le sud du pays milite pour la renaissance du Yémen du sud, pays indépendant avant 1990. Enfin, à l'est, la menace incarnée par AQPA va grandissant.