Comment bâtir un Etat moderne quand on dirige un pays rongé par le tribalisme et la pauvreté ? Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 1978, dit vouloir sy atteler. Mais lArabie heureuse fait eau de toutes parts. La semaine passée, pourtant, lun des points noirs du pays, la rébellion qui ensanglante sa partie nord depuis six ans, a peut-être trouvé une solution. A Sanaa, nul nose encore se réjouir. Le cessez-le-feu accepté par les Houthis - du nom de leur chef, Abdel Malek Houthi - signe-t-il vraiment la fin de la guerre ? Le conflit na ni vainqueur ni vaincu et seul lépuisement de part et dautre et la pression des Etats-Unis sur le pouvoir les ont poussés à arrêter le combat. Cest en août, quAli Abdallah Saleh a décidé quil éradiquerait la rébellion. Mal lui en a pris. Ce fut le sixième round dun conflit qui, entrecoupé de trêves, dure depuis 2004. Les victimes - probablement nombre de civils - seraient plus de 10.000 et les réfugiés, 250.000, depuis 2004. Ils ont fui les bombardements de laviation yéménite qui, en novembre, a reçu le renfort des avions saoudiens. Riyad est entré en guerre contre les Houthis après lassassinat de deux de ses soldats par des insurgés en territoire saoudien. Pourtant, en dépit de la disproportion des forces, la rébellion a mené la vie dure aux Yéménites (une trentaine de soldats tués quotidiennement). Embuscades, routes coupées, récupération des armes de larmée, occupation de bâtiments administratifs et installation dans Saada, la capitale régionale dont larmée devait rester aux portes Les Houthis étaient chez eux. Leurs pertes en hommes ont cependant dû être importantes pour quils acceptent les six points dun cessez-le-feu. Le 14 février, El-Houthi a rendu le premier des prisonniers saoudiens quil détient. Reste à ce quil remette ses armes, abandonne les bâtiments publics, respecte la constitution El-Houthi na rien gagné. Au Yémen, ce conflit nest pas populaire. Chacun comprend que la région de Saada se sente délaissée par la capitale. Mais toutes sont abandonnées par un pouvoir central qui se soucie peu de développement. El-Houthi dit, lui, mener un conflit identitaire. Héritier dune grande famille de la région de Saada, berceau du zaïdisme, qui fut, jusquen 1967, la capitale de limamat du Yémen, il estime que cest la disparition de lidentité zaïdite qui est en cause. Et veut se voir reconnaître le pouvoir sur sa région pour la sauver face à la modernisation et luniformisation menée par Sanaa. En fait, si un tiers des Yéménites, dont le chef de lEtat, sont zaïdites (une branche dissidente du chiisme), nombre dentre eux, en particulier ceux qui veulent moderniser le pays, se disent «musulmans» et non «zaïdites» ou «sunnites». La guerre dEl-Houthi nest pas la leur. Ali Abdallah Saleh nest donc guère disposé à lui faire des concessions. Pas plus quil ne semble prêt à entendre les populations de lex-Yémen du Sud qui sestiment flouées par lunification du pays. Elle ne leur a rien apporté, disent ceux qui manifestent, pour linstant, pacifiquement. Ils rêvent de séparation. Le pouvoir devient de plus en plus nerveux. Les morts sont fréquents. Ce Yémen en turbulence est idéal pour les adeptes dAl Qaïda qui, dans les montagnes, profitent de labsence dun pouvoir central fort pour sinstaller. Lextrême pauvreté du pays, la montée du wahhabisme, lusure du pouvoir et la corruption leur offrent un terrain de choix pour trouver de nouvelles recrues.