Dans le sillage de la politique commune décidée par le groupe G20 visant à prévenir la survenance de (nouvelles) crises financières et la création du Conseil de stabilité financière coordonnant, au niveau mondial, la mise en ouvre des réformes financières, ainsi que de groupes régionaux comprenant des pays non membres, le Maroc a oeuvré, depuis 2009, à la mise en place d'un cadre de surveillance et de stabilité financière. Il a entreprise de nombreuses actions et pris des mesures pour déterminer et prévenir les risques. Une action concertée a été entreprise par Bank Al-Maghrib, le Conseil déontologique de valeurs mobilières et la Direction des assurances et de la prévoyance sociale dépendant di ministère des finances. A la suite de plusieurs investigations, enquêtes et analyses, Bank Al-Maghrib vient de publier un premier « rapport sur la stabilité financière » en 2013, comprenant plusieurs chapitres sur l'économie, le patrimoine et l'endettement des ménages, des entreprises, la solidité du système bancaire, les assurances et le marché des capitaux. Nous publions, ci-après, l'analyse de la banque centrale consacrée à l'endettement des ménages et reviendrons, dans notre supplément « Economie » de mercredi sur les autres parties de ce rapport. Les ménages et les entreprises non financières jouent un rôle important dans l'économie marocaine, en tant que moteurs essentiels pour la croissance économique, et par ricochet pour la stabilité du système financier. Les institutions financières, notamment bancaires, sont par ailleurs directement exposées sur les entreprises et les ménages, dont la situation financière impacte les bilans bancaires. La situation financière des ménages est appréhendée principalement à travers leur patrimoine, le niveau de leur endettement et de leurs défauts de paiement. Le patrimoine financier détenu au Maroc par les ménages résidents et non résidents s'est établi à 616 milliards de dirhams en 2013, marquant une hausse de 6,5% par rapport à 2012, contre 3,5% une année auparavant et 5% en moyenne sur les 6 dernières années. La structure de ce patrimoine financier, stable au cours des 3 dernières années, fait ressortir une part majoritaire des dépôts auprès des banques (82%), suivis par les placements en valeurs mobilières (10%) et les placements en assurance-vie (8%). Le patrimoine financier détenu par les ménages sous forme de dépôts a crû plus rapidement en 2013 à un taux de 5,2% contre 4,5% une année auparavant, pour atteindre un total de 502 milliards de dirhams à fin décembre 2013. De son côté, la structure des dépôts des ménages a progressivement évolué au cours des six dernières années. En effet, les parts des dépôts à vue et dépôts à terme ont baissé respectivement de 2 et 4 points en faveur des comptes d'épargne. Parallèlement, les ménages ont accru leurs placements en titres à travers l'acquisition de titres d'Etat dans un contexte de hausse de leurs rendements. Ils ont détenu un encours de valeurs mobilières de 61 milliards de dirhams en hausse de 8% en 2013. Sur ce total, les titres de propriété continuent de représenter les principaux placements des ménages avec une part de 83%, en recul toutefois de 5 points de pourcentage par rapport à 2012. La proportion des titres d'Etat a, quant à elle, grimpé à 9% en lien avec la hausse des taux obligataires et celle des titres de créance privés est restée stable à 8%. Les placements sous forme d'assurance-vie ont connu un développement régulier au cours des cinq dernières années, atteignant 49 milliards de dirhams à fin 2013. L'endettement des ménages impacté par un environnement économique peu propice La dette financière des ménages, constituée de prêts à l'habitat et à la consommation, s'est établie à 269 milliards de dirhams à fin 2013, contre 88 milliards de dirhams il y a 10 ans. Au cours de l'année écoulée et dans un contexte de ralentissement du crédit, la dette des ménages a décéléré à 5%, contre une croissance de l'ordre de 9% durant les 3 années qui précédent, dénotant d'une certaine prudence chez les ménages dans une conjoncture économique difficile. Comparé à d'autres économies émergentes et pays développés, l'endettement des ménages au Maroc se situe à un niveau maîtrisé. S'agissant des ménages résidents au Maroc, leur dette financière s'est stabilisée au cours des 2 dernières années à près de 29% du PIB, après une tendance haussière durant la dernière décennie. Pour ce qui est des non résidents, leur dette financière représente une proportion stable de leurs transferts depuis 5 ans, s'établissant autour de 32%. La dette financière des ménages est constituée de crédits à l'habitat, avec une part de l'ordre de 60% en moyenne au cours des 5 dernières années et de crédits à la consommation, avec 40%. Dans un contexte de montée des taux d'intérêt, le taux de progression des crédits à l'habitat sains a décéléré à 6%, contre 9,7% une année auparavant. Les ménages ont continué à préférer les crédits à taux fixe, qui ont représenté en 2013 près de 93% de la production et 82% des encours. La part des crédits à l'habitat soutenus par l'Etat à travers notamment la garantie du fonds Damane Assakane s'est établie, quant à elle, à 20% à fin 2013. L'analyse du profil des bénéficiaires des crédits à l'habitat fait ressortir une baisse de la part des ménages à revenu inférieur à 4.000 dirhams à 40% contre 47% en 2011, au profit de ceux ayant un revenu supérieur à 10.000 dirhams, dont la part a progressé à 27% contre 22% en 2011. Par catégories socioprofessionnelles, ce sont les salariés et les fonctionnaires qui concentrent l'essentiel des prêts à l'habitat, avec une part de 81%. Dans un contexte caractérisé par le maintien de la croissance de la consommation des ménages, les crédits à la consommation se sont stabilisés à leur niveau de l'année précédente, en totalisant un encours de près de 99 milliards de dirhams à fin décembre 2013, après une croissance annuelle moyenne de 7% au cours de la période 2009-2012. L'examen de ces crédits par tranches d'échéance fait ressortir une forte hausse des maturités longues, laissant entrevoir une certaine pression sur les revenus des ménages. Les crédits à la consommation contractés à des maturités supérieures à 5 ans ont ainsi atteint 51% de l'encours en 2013, contre 18% en 2007. Par objet, la répartition des crédits à la consommation est demeurée plus stable avec une part de 67% pour les prêts personnels et de 31% pour les prêts automobiles à fin 2013. Les cartes de crédit et les crédits pour équipements domestiques sont, quant à eux, en retrait et se sont limités à 1% de l'encours. Une étude menée sur un échantillon de ménages montre une hausse de leurs charges d'endettement financier comparées à leurs revenus, ainsi qu'un accroissement de la proportion des ménages ayant des charges d'endettement excédant 40% de leurs revenus ? Cette étude a porté sur un échantillon cumulé de près de 750.000 contrats de crédit sur la période de 2008-2013, soit une population moyenne observée d'environ 125.000 contrats par an. L'échantillon couvre une production des crédits à la consommation annuelle moyenne d'environ 5 milliards, soit 20% de la production totale de ces crédits octroyés par les banques et les sociétés de financement. La charge de la dette des ménages de l'échantillon a progressé au cours des 5 dernières années, pour atteindre en moyenne 29% de leurs revenus à fin 2013, contre 22% à fin 2009. Au sein de cet échantillon, la part des ménages ayant une charge d'endettement supérieure à 40% de leurs revenus est en nette progression, atteignant 20% en 2013 contre 15% en 2011. Les particuliers dont l'âge est compris entre 51 et 60 ans et ceux percevant des revenus compris entre 6.000 et 10.000 dirhams représentent une part significative des ménages à endettement supérieur à 40% (respectivement 35% et 34%). Les défauts de paiement des RME en hausse de 7,8% La dette des ménages classée en souffrance (Les créances en souffrance sont celles présentant un risque de non recouvrement total ou partiel, eu égard à la détérioration de la capacité de remboursement immédiate et/ou future de la contrepartie.) par les établissements bancaires à fin 2013 s'est établie à 7% de leur dette globale contre environ 6% en 2012. Cette hausse a concerné aussi bien les crédits à l'habitat, dont le taux des créances en souffrance s'est hissé à 6% contre 4,2% une année auparavant, que les crédits à la consommation, dont le taux s'est situé autour de 9% contre 8,5% en 2012. Cette évolution est plus marquée au niveau des ménages non résidents qui ont vu leur taux de dette en souffrance progresser de 2,3% en 2007 à 7,8% en 2013, en relation avec les conditions économiques difficiles et l'accroissement du taux de chômage dans les pays de résidence de ces ménages. Ces tendances devraient se poursuivre compte tenu des évolutions économiques et du chômage observées en 2013, au Maroc et dans les pays de résidence des ménages marocains à l'étranger et dont les effets devraient se faire sentir encore en 2014.