Beaucoup de nos cinéastes se cachent derrière les moyens financiers pour justifier leur incompétence ou la faiblesse de leurs œuvres. Sur les 400 longs métrages environ produits par le Maroc depuis 1956 à nos jours, la plus part des films sont d'un niveau insuffisant voire même faible. Les cinéastes marocains, comme la plupart des cinéastes du Sud, imputent la faute aux moyens financiers et techniques qui leur font défaut. Cet argument, évidemment très peu convaincant, est largement répandu dans la profession et repris sans réserve par différentes générations en particulier la génération actuelle qui doit s'estimer plutôt heureuse. Heureuse parce que, toute une génération de cinéastes, formés dans de vraies écoles de cinéma, à Paris, Lodz, Bruxelles ou Moscou n'a pas bénéficié des moyens dont disposent les cinéastes d'aujourd'hui. Paradoxalement, les cinéastes qui ne disposaient relativement que de peu de moyens, se lamentaient rarement et n'en parlaient que timidement dans leurs discours. Humbles et presque satisfaits, ils sont restés modestes en ayant toujours quelque chose à se reprocher. Ils ont tous souffert d'un sentiment d'inachevé, de non accomplissement, à l'image de leur modeste personne. Pourtant, ils ont pu réaliser, avec les moyens du bord, des films éternels érigés aujourd'hui en leçons de cinéma adressées aux cinéastes d'aujourd'hui s'ils sont assez intelligents pour en saisir l'ampleur et la portée. On se réfère encore avec fierté à «Wechma», «Chergui», «Assarab», «Shehrazade» et autre «Coiffeur Derb El Foqara» pour apaiser notre morale et notre humeur sérieusement affectées par les films des temps actuels. Ces films, comme d'autres œuvres remarquables mais d'un autre temps, lançaient une lueur d'espoir quant au devenir d'un cinéma pour le moins sincère et honnête qu'on ne peut ignorer. Souvent mal formés ou pas formés du tout, les cinéastes de notre époque, prétendus jeunes sans vraiment l'être, s'impliquent sans des histoires sans issue, des styles inefficaces, des narrations éparses, et pourtant s'entêtent à faire des films qui ne s'apparentent en rien au cinéma. Le fonds d'aide a été le fruit de plusieurs années de militantisme de la part de «ancienne école», ce fonds qui a permis le cumul de films cité plus haut, vu et corrigé au sein des chambres professionnelles pendant que les principaux bénéficiaires de l'époque actuelle se retournaient dans leurs couches. Ceux qui ont élaboré les textes, remodelés les phrases au grand désirata des législateurs, n'ont bénéficié que très peu des résultats des années de labeur au profit de toute une génération de cinéastes-producteurs motivés par le seul argent et réclamant toujours plus, et pourtant trahis par la qualité de leurs œuvres.