Le Parti de la Justice et de Développement (AKP au pouvoir) a proclamé dimanche une large victoire lors des élections municipales, qui sonne comme un succès personnel pour son président, le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, pourtant fortement décrié dans la rue et accusé de corruption et de ‘dérives autoritaires'' depuis l'été dernier. L'AKP a obtenu plus de 45 pc des suffrages après le dépouillement de la quasi-totalité des voix au niveau national, talonné de loin par le Parti républicain du peuple (CHP gauche), principale force de l'opposition, qui a recueilli environ 28 pc des voix et le Parti du mouvement national (MHP droite nationaliste) (15 pc), selon des résultats non définitifs diffusés par les chaînes de télévision turques. Non seulement, l'AKP a remporté ces élections, mais il a également amélioré le score qu'il a obtenu lors des précédentes Municipales de 2009 (38,8 pc), et maintenu les mairies des villes importantes comme Istanbul et Ankara, après une campagne électorale enflammée par les accusations de corruption et des fuites sur Internet d'écoutes compromettantes qui mettent en cause directement le Premier ministre. Les élections municipales du 30 mars se sont déroulées dans un climat politique très tendu à cause des crises à répétition qui ne cessent de secouer la Turquie depuis l'été dernier, date du large mouvement de contestation dirigé contre le gouvernement et ses politiques jugées trop conservatrices et menaçant les valeurs de la laïcité. Cette première alerte a été suivie en décembre dernier par le déclenchement d'un scandale politico-financier sans précédent, qui a touché plusieurs personnalités influentes proches du Premier ministre, avant de le rattraper à travers la diffusion sur Internet d'enregistrements audio qui le mettent en cause en personne. Ce scandale de corruption a créé une crise profonde en Turquie et signé l'acte de divorce entre Erdogan et son ex-allié Fethullah Gulen, ce prédicateur turc à la tête d'une influente confrérie islamique accusée d'être à l'origine de cette affaire et d'avoir constitué une «structure parallèle» au sein de l'appareil de l'Etat dans le but ultime de faire tomber le gouvernement AKP à la veille des élections municipales du 30 mars. Dans ce climat pour le moins tendu, plusieurs observateurs tablaient sur un recul de la popularité d'Erdogan et de son parti, surtout après les mesures jugées ‘autoritaires'' prises par le gouvernement, comme l'interdiction des réseaux Twitter et YouTube et les lois qui permettraient le contrôle du système judiciaire et de l'Internet, estimant que ce ‘recul de popularité'' pourrait se manifester fortement dans le scrutin municipal du 30 mars. Mais le Premier ministre, fort des avancées qu'il a déjà réalisées notamment dans le domaine économique, s'est toujours montré confiant, au point de déclarer lors de la campagne électorale qu'il était prêt à ‘quitter la politique si son parti ne remporte pas ces élections''. Ce dimanche la vérité des urnes a donné raison à Erdogan et son Parti, mais la crise et le bras de fer qu'il a engagé avec ses anciens alliés du mouvement Gulen ne vont pas se dissiper pour autant après cette victoire, car Erdogan les a menacé de nouvelles représailles, ce qui augure de la poursuite de cette guéguerre que seules les élections présidentielles d'août prochain ou les Législatives de 2015 pourraient y mettre fin. Les déclarations que le Premier ministre a faites dimanche soir quand il a proclamé la victoire de son parti aux élections municipales montrent clairement sa détermination à en découdre avec ses adversaires, les Gulenistes en tête. Devant une foule en délire, il a promis de ‘payer le prix'' des accusations qui le visent depuis des mois à ses adversaires, soulignant que ‘le peuple a aujourd'hui déjoué les plans sournois et les pièges immoraux (...) ceux qui ont attaqué la Turquie ont été démentis». Fidèle à sa faconde proverbiale très acerbe, le chef du gouvernement a indiqué également qu'il n'y aura plus d'»Etat dans l'Etat, l'heure est venue de les éliminer», allusion faite à ses anciens alliés du Mouvement Gulen, précisant qu'il poursuivrait ‘jusqu'à dans leur tanière'' ceux qu'ils l'ont accusé de corruption et qui ont dévoilé des secrets de l'Etat. ‘'Ils payeront pour cela'', a dit le Premier ministre devant les acclamations de ses partisans, qui savouraient une victoire réalisée dans un climat politique hyper tendu sur fond d'un scandale de corruption sans précédent qui a laissé planer le doute sur la légitimité et la popularité de l'AKP et de son président.