La journée internationale de la femme est une occasion pour saluer les luttes des militantes féministes qui ont joué un rôle principal pour briser le silence autour de la violence contre les femmes, et qui ont pu, par diverses actions de sensibilisation, information, formation, études, orientation et conseil juridique, soutien psychologique..., contribuer à instaurer des lignes directives dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes au Maroc. La société civile et particulièrement les associations de droits des femmes ont accumulé une certaine expérience de travail de proximité avec les femmes, ce qui a renforcé leur plaidoyer pour la mise en place de stratégies et de mécanismes de prise en charge des femmes victimes de violence. Une action qui est la responsabilité de l'Etat, comme l'exigent le principe de la diligence voulue et les lois internationales. Des avancées ont été réalisées dans ce domaine depuis 2004 dans plusieurs villes du Maroc. Des cellules de lutte contre la violence ont été mises en place au niveau des tribunaux, des commissariats de police et des hôpitaux. Seulement, les rapports des associations et de l'Observatoire marocain des violences ont fait leur constat : Ces cellules ne sont pas généralisées et ne fonctionnent pas d'une manière efficace et efficiente. Des lacunes sont observées au niveau des centres d'accueil, en matière des services offerts aux victimes de violence: aucune permanence en dehors de l'horaire administratif, insuffisance des moyens humains et matériels qui ne peuvent répondre à la demande accrue des femmes victimes de violences. Pour ce qui est des centres d'hébergement, aucune institution d'hébergement pour les femmes victimes de violence n'est mise en place par l'Etat, ce qui expose la plupart des victimes à rester dans la rue avec leurs enfants. D'autres problèmes sont à soulever, la gratuité des soins médicaux n'est pas assurée, l'assistance judiciaire aux femmes victimes de violences n'est pas garantie et les dépenses liées au coût de la violence sont à la charge de la victime. Ce qui montre que, malgré les avancées dans les stratégies nationales en ce qui concerne la prise en charge de la femme victime de violence sur le terrain et au niveau des pratiques, les lacunes observées peuvent engendrer une banalisation de la violence et la mise en danger de la vie des femmes. A noter que les centres d'écoute gérés par les associations membres de l'observatoire, "Oyoune Nissaiya" , ont relevé six cas de femmes qui ont sollicité la protection des institutions publiques et qui ont quand même perdu la vie. Le 5ème rapport de l'observatoire a relevé que 5542 femmes ont dénoncé la violence qu'elles ont subie et ont entamé des procédures pour bénéficier d'une prise en charge, face aux effets de cette violence sur leur santé physique (12 304 effets) et morale (21 380 effets), et qui a causé des préjudices sexuels (1370), juridiques (3219) et économiques (6369). Soit un total de 44.642 manifestations de préjudices et effets de la violence, enregistrés par l'observatoire. Ces effets ont touché également les enfants témoins de la violence. Devant ce constat et en présence d'une vulnérabilité des femmes, on se rend compte qu'on est encore au stade embryonnaire, face au manque de moyens pour prendre en charge les femmes victimes de violence, et même devant une régression au niveau des pratiques des intervenants institutionnels (une tendance qui se développe, pour orienter vers la conciliation aux dépens des femmes, et qui reflète une grande tolérance de la violence de genre d'après ce que rapportent les femmes qui visitent les centres d'écoute). En termes de perspectives, la lutte contre la violence ne se limite pas à assurer une prise en charge pour les femmes victimes de violences mais nécessite une politique publique transversale qui permet de mettre fin à la violence. La sanction des auteurs de la violence, la protection des femmes victimes et la prise en charge sont des éléments de base de cette politique. Elles doivent être intégrées dans le cadre d'une loi spécifique qui inclut également les mécanismes institutionnels et clarifie la coordination entre les différents intervenants gouvernementaux et ceux de la société civile. La prévention doit également faire objet de mesures inclues dans la loi dont l'éducation et la formation sur l'égalité et contre la violence de genre. Depuis Novembre 2013, le ministère de la Femme, de la Solidarité et du Développement a « soumis » un projet de loi pour la lutte contre la violence à l'égard des femmes sous le nom de : N 103-13. Il est actuellement objet de concertation et de révision par une commission gouvernementale, sous la direction du chef de gouvernement. Les associations féministes, dans le cadre de leur coalition "Printemps de la dignité" se mobilisent et mènent une campagne de plaidoyer pour que ce projet de loi soit adopté, mais après une refonte qui prendra en considération leurs critiques et leurs propositions. Une étude analytique de ce projet a été réalisée et un mémorandum sera soumis au gouvernement et aux parlementaires dans les jours qui viennent, pour influencer ce projet de loi. La société civile, les victimes et leurs enfants aspirent à une loi qui considère la violence à l'égard des femmes comme une atteinte à la dignité humaine de la femme et une forme de discrimination basée sur le sexe. Une loi qui pénalise la violence à l'égard des femmes sous toutes ses formes, quelque soit le lien de parenté qui lie la victime à l'auteur de la violence, assure la prévention et la protection et instaure des mécanismes efficaces pour prendre en charge les victimes de violence. Et enfin, que cette loi rende la lutte contre les violences de genre une responsabilité de l'Etat et organise l'action des intervenants.