L'Iran et les grandes puissances donnent mardi à Vienne le coup d'envoi à des négociations ardues visant à résoudre définitivement leur conflit autour du programme nucléaire de Téhéran, sur fond de scepticisme et de méfiance persistants. «Je ne suis pas optimiste à propos des négociations et elles ne mèneront nulle part», a déclaré lundi le guide suprême iranien l'ayatollah Ali Khamenei, tout en ajoutant néanmoins ne pas avoir d'opposition au processus déclenché depuis l'accord historique de Genève. Le chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton s'est quant à elle déclarée «prudemment optimiste» à son arrivée à l'aéroport à Vienne, où doit se tenir la réunion prévue pour durer trois jours. Son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, a pourtant affirmé après un dîner de travail avec Mme Ashton que sa délégation était à Vienne «avec la volonté politique d'aboutir à un accord». L'enjeu est de taille: un accord permettrait une normalisation des relations internationales entre l'Iran et les Etats-Unis, rompues depuis trente-cinq ans, et éloignerait dans la foulée l'option militaire évoquée encore récemment par le secrétaire d'Etat américain John Kerry. Le 24 novembre à Genève, l'Iran avait conclu avec le groupe des 5+1 --Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France et Allemagne-- un accord intérimaire de six mois prévoyant un gel de certaines activités nucléaires sensibles en échange de la levée d'une petite partie des sanctions qui étranglent l'économie du pays. Téhéran a notamment suspendu l'enrichissement d'uranium à 20%, étape importante vers un niveau militaire (90%). Entré en vigueur le 20 janvier sous la surveillance de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), ce plan d'action doit maintenant être transformé en un accord global garantissant sans l'ombre d'un doute la nature pacifique du programme nucléaire iranien. Les grandes puissances et Israël, considéré comme la seule puissance nucléaire du Moyen-Orient, le soupçonnent d'avoir des visées militaires, ce que le régime islamique a toujours catégoriquement nié. Donner sa chance à la diplomatie La réunion de Vienne est la première d'une série dont le cadre et les échéances restent à définir. Experts et diplomates jugent peu probable la conclusion d'un accord en l'espace de six mois, mais la période pourra être prolongée jusqu'à un an par consentement mutuel. «Il y a autant de probabilités d'arriver à un accord que de ne pas y arriver», a reconnu un haut responsable américain lundi à Vienne. «Mais ces négociations sont la meilleure chance que nous ayons jamais eu de résoudre» ce dossier de manière diplomatique, a-t-il ajouté. Néanmoins «un manque de progrès dans les négociations à l'approche de la date d'expiration du plan d'action commun en juillet pourrait renforcer la perception que l'Iran tergiverse», souligne le Centre d'études politiques européennes (CEPS) dans une note récente. Un surplace donnerait des arguments aux parlementaires américains pour resserrer encore l'étau des sanctions, juge-t-il. Un tel scénario affaiblirait les marges de manoeuvre du président modéré Hassan Rohani, à l'origine du dégel de ces derniers mois, face aux farouches opposants à tout compromis à Téhéran, et réduirait les chances de la diplomatie à la portion congrue. S'il veut obtenir la levée de l'ensemble des sanctions internationales, l'Iran devra probablement fermer son site d'enrichissement de Fordo, enfoui sous une montagne, réduire le nombre de ses centrifugeuses qui servent à enrichir l'uranium, et enterrer définitivement son projet de réacteur à eau lourde d'Arak, dont il pourrait tirer du plutonium utilisable dans la mise au point d'une bombe, estiment les experts. Conjuguées à des inspections plus fréquentes de l'AIEA, ces mesures entraveraient considérablement la capacité de l'Iran à se constituer un arsenal nucléaire. L'un des négociateurs iraniens, Hamid Baïdinejad, a toutefois averti dimanche que l'Iran refuserait d'être privé du droit d'utiliser les centrifugeuses de nouvelle génération actuellement en phase de test, ajoutant qu'il s'agissait d'un «des points centraux» pour parvenir à un accord à long terme. Téhéran veut garder le réacteur d'Arak pour la production d'isotope médicaux, a-t-il également affirmé, même s'il est prêt a étudier «des mesures techniques pour le combustible produit afin de lever les inquiétudes» occidentales.