C'est un livre intéressant à lire sur cet homme hors pair d'origine algérienne. Il raconte la vraie histoire d'Abdelkader (dit Kaddour) Benghabrit à qui il donne une dimension humaine parfois attachante. S'il est admiré par certains, il est volontairement dénigré par d'autres. Les nationalistes maghrébins ne lui ont jamais rendu justice tels que le nationaliste algérien, Messali Hadj ou le nationaliste marocain Allal Fassi. Ce qui est intéressant à mon opinion et à savoir, ce sont les périodes historiques que ce personnage a vécues. C'est lui qui a participé juridiquement à l'installation du Protectorat français au Royaume chérifien. En sa qualité d'agent interprète, maniant parfaitement les langues française et arabe, il traduisit en 1912 le texte du traité de protectorat sur le Maroc. Avant de le faire signer par le Sultan Moulay Hafid, il l'avait travaillé et convaincu de la sincérité de la France de le protéger avec sa famille des harcèlements tribaux , de réaliser des réformes administratives, économiques et sociales dans un Maroc plutôt médiéval. Kaddour Benghabrit ne s ‘arrêta pas là , il devint par la volonté de la France vice-consul , consul, voire ministre plénipotentiaire pour être le partenaire principal entre la France et les sultans Moulay Hafid, Moulay Youssef et Mohammed Ben Youssef. A travers ce beau livre, («éditions Marsam, 287 pages), on apprend que Benghabrit jouait les grands rôles en devenant chargé des affaires chérifiennes à la Cour royale de Rabat aves son petit second, le kabyle Maâmmeri, futur instituteur du Prince Moulay Hassan. Pour faire démarrer la réalisation des réformes préconisées par le traité du Protectorat, Benghabrit conseilla au premier Haut- commissaire de France au Maroc, le Maréchal Lyautey de changer de sultan et le remplacer par un Alaouite plus souple et plus pieux que Moulay Hafid. Lyautey porta son choix sur le demi frère de celui -ci, Moulay Youssef, khalifa du sultan à Fès. Ce qui rend ce livre passionnant, on découvre que Benghabrit jouait les grands rôles dans l'histoire du Maroc. Benghabrit a suivi de très près la retraite des deux sultans déchus, Moulay Abdelaziz et Moulay Hafid retirés à Tanger, devenu zone internationale, habitant côte à côte sans s'aimer... Il a suivi de très près la fuite inattendue, au cours de la guerre du Rif en Espagne, de l'ex-sultan Moulay Hafid et Benghabrit, de par sa diplomatie subtile l' a rendu de Barcelone à la France où il mourut en 1937. Une fois, le Haut -commissaire Lyautey envoya Benghabrit au Haj avec une délégation marocaine pour proposer au Chérif de la Mecque, Houssaïn Ben Ali de devenir Calife, Emir des Croyants du Proche -orient à la place du Calife ottoman déchu par l'armée britannique et d'accepter que le sultan alaouite Moulay Youssef de devenir Calife, Emir des Croyants sur l'Afrique du Nord et le Soudan... Projet cher à Lyautey qui échoua de par l'intervention du ministre de la Défense français. le bonheur de Kaddour Benghabrit fut de participer à la construction de la grande mosquée de Paris dont il devint directeur jusqu‘ à sa mort et y fut enterré en juin 1954, C'est dans cette mosquée de Paris qu' il reçut les plus grands chefs d'Etats musulmans. Il y cacha des Juifs français lors de la grande rafle. Le chanteur maghrébin juif Salim Hilali l'a échappé belle grâce à Benghabrit en se cachant dans les caves de cette mosquée. Par ailleurs, Benghabrit aida les étudiants maghrébins, devenus plus tard des nationalistes sur ordre de Mohammed V et sa finance. Il a créé des activités culturelles, a écrit des ouvrages en arabe et en français, notamment sur le poète arabe Abou Nawas , il a fait jouer une pièce théâtrale écrite par lui et jouée au théâtre La Madeleine grâce à son ami, le fameux Sacha Guitry. Je vous laisse le soin de lire ce livre qui décrit l'implication et le rôle de Kaddour Benghabrit dans les démêlés du Sultan Mohammed Ben Youssef avec la France en 1953 Il sera très courageux au cours de cette crise qui se dénoua par le retour de Mohammed V et l'Indépendance du Maroc.