Le Maroc protège mal son patrimoine filmique. La génération actuelle a le devoir de sauvegarder la mémoire collective en vue de faire perdurer notre culture et ainsi éclairer les futures générations sur notre Histoire. Un peuple qui n'a pas de mémoire, n'a pas d'avenir non plus, sommes-nous amenés à dire hélas. Sur le plan du cinéma, a-t-on pris les mesures nécessaires pour protéger notre patrimoine filmique? Oui et non. Oui, parce que nous disposons depuis 18 ans d'une cinémathèque dont le devoir est de collecter les films marocains, les restaurer et les diffuser au plus large public. Il a fallu beaucoup de temps pour que les responsables successifs pensent à créer une cinémathèque prenant en considération l'importance des archives, et ce, cent ans après l'invention du "Cinématographe" par les frères Lumière en 1895. Le Maroc est l'un des derniers pays du monde à avoir réalisé enfin cet édifice bien après la Suède en 1938 et bien après l'Algérie en 1966. Aujourd'hui, ces cinémathèques précoces sont riches de plusieurs milliers de films de toutes les origines, de toutes les époques et de tous les genres. Elles sont devenues des sources inépuisables pour alimenter les chaînes de télévision contraintes, tôt ou tard, de se replier, nostalgie oblige, sur les films anciens. Notre cinémathèque, depuis 18 ans, est encore pauvre, sa collection ne dépassant pas un millier de films, y compris les nombreux courts métrages qui constituent sa seule principale richesse. Non, justement, nous n'avons pas une véritable cinémathèque. Car depuis dix ans, elle a cessé de fonctionner en tant que telle grâce à la "clairvoyance" des responsables qui ne ratent pas une occasion pour évoquer l'intérêt des archives et le rôle des cinémathèques. A Dakar, à Cannes, à Ouagadougou, les humbles audiences avaient droit à des discours pompeux sans plus, sans relation avec l'amère réalité. Car depuis dix ans, la seule mesure concrète prise par l'actuelle "Direction Générale", est l'annulation du budget de la cinémathèque la privant de l'achat des copies et les droits des films ainsi que la dispersion de son personnel. C'est la mise à mort d'une institution qui n'a pas eu la chance de devenir autonome, cette autonomie pour laquelle les précédents responsables ont milité sans obtenir hélas gain de cause. Ils prévenaient déjà que la mise de la cinémathèque sous la tutelle du C.C.M. est une flagrante contradiction entre le culturel et l'administratif. Aujourd'hui le constat est là: une cinémathèque servant uniquement de dépôt, sans budget (plutôt désorienté) et sans personnel et pire encore, sans les conditions adéquates pour le stockage. Les principaux ennemis du stockage, la chaleur et l'humidité, auront, tôt ou tard, raison de ce qui reste de notre patrimoine. Un crime envers notre modeste humanité.