Ce fut une sorte de révolution culturelle, celle d'avoir pensé à créer les cinémathèques. Le but était multiple: sauvegarder les films et œuvrer à leur diffusion. La Suède est le premier pays du monde à se doter d'une telle institution à la fin des années 30, suivie de la France. Depuis, la France est devenue le creuset de la culture cinématographique: des revues abondantes, des émissions nombreuses, des rencontres régulières et diversifiées. Jamais cette culture n'a été abandonnée compte tenu de ses spécificités singulières et populaires à la fois. La France compte aujourd'hui de nombreuses cinémathèques qui prennent des appellations différentes ici et là . Maison, temple ou cinémathèque signifient en fait la même chose et le but est identique. On ne se limite pas à un seul lieu pour garder et diffuser les films. Depuis l'incendie du “Bazar de la charité”, on a compris qu'un lieu est susceptible de connaître une catastrophe à tout moment. Des incendies, des tremblements de terre, des inondations, des guerres ont fini par ravager des centaines de films en France et aujourd'hui les cinémathèques ne disposent que de la moitié des films produits à l'époque du muet le reste s'étant volatilisé dans diverses circonstances. Grâce aux cinémathèques, des milliers de films ont été sauvés de par le monde. La création d'instituts similaires, publics et privés, a fini par convaincre presque tous les gouvernements partant du fait que le cinéma est populaire et compte des fans parmi les gouvernants aussi. Car, ces “temples du cinéma” comme on les appelle, et non pas “cimetières du cinéma”, notion fatale et inerte vite abandonnée, bénéficient partout de la sympathie des citoyens, compte tenu de leur noble mission, humaine, sociale et futuriste à la fois. On reconnaît aux gardiens de ces temples leur passion, leur dévouement, leur esprit altruiste et leurs qualités humaines hors du commun. Henry Langlois en France, Freddy Buache en Suisse, Boujemaa Karech en Algérie, sont des citoyens du cinéma au-dessus de tout soupçon qui ont consacré leur vie à la sauvegarde des films se prêtant à tous les risques. Par leur attachement à leur idéal et grâce à leur ténacité, leur pays ont récolté de nombreux films mettant à l'abri une riche collection au profit des générations futures. Et si les pays d'Asie et d'Amérique latine, fiers et jaloux de leurs cinématographies, riches et reconnues, ont depuis longtemps pensé à protéger leur patrimoine “cinéma”, aussi bien à Séoul qu'à Santiago, les pays d'Afrique et du monde arabe, sont restés évidemment en laisse. L'incompétence de leurs dirigeants et leur égoïsme accru ne laissent aucun doute. L'intérêt général n'est plus de leur souci. “Après moi le déluge”.