Le report du procès des prévenus de Gdeim Izik et la question du respect des droits de la défense ; le traitement médiatique constaté au lendemain du report du procès ; l'instrumentalisation par le «Polisario» de cette affaire, constituent trois volets sur lesquels se sont penchés des chercheurs et intellectuels du Centre d'Etudes Internationales, dont nous publions les écrits ci-après : Le report du procès et la question du respect des droits de la défense Pascal Fritscher Spécialiste de la politique étrangère des Etats-Unis d'Amérique Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales Après une journée de débat, le procès des 24 prévenus de Gdeim Izik, qui a débuté lundi 01 février 2013, a été reporté au 08 du même mois. Le report de ce procès, dont le verdict aura des implications régionales et internationales, n'est pas pour tempérer les passions qui entourent celui-là. Si les familles des victimes appellent à un jugement prompt et exemplaire, les soutiens des prévenus, appellent quant à eux à leur libération rapide. Pourtant, quoiqu'en disent les différents commentateurs, cette décision de report est conforme à la Constitution et à la loi marocaine, car elle s'inscrit pleinement dans le respect des droits de la défense. En effet, l'article 120 de la Constitution marocaine de 2011, stipule sans équivoque aucune, que toute personne a droit à un procès équitable. Les dispositions prévues dans l'article 23 de ladite Constitution, portant sur les libertés individuelles, prennent alors toute leur signification, et appellent à la stricte application de la procédure pénale, garante de ces libertés fondamentales. Dans le cas du procès des prévenus de Gdeim Izik, la nature des infractions criminelles qui leur est reprochée nécessite un travail d'instruction des plus pointilleux. En effet, la circonstance aggravante de bande organisée, et le nombre de prévenus - 24 - posent, pour le Procureur du Roi, l'obligation d'établir les responsabilités et le rôle précis de chacun. Ce travail est un préalable nécessaire à la fidèle reconstitution des faits, à l'obtention d'un jugement juste et équitable, ainsi qu'au prononcé d'une peine adaptée, pour chacune des personnes qui serait condamnée. L'élément clé à retenir dans tout procès pénal est que l'instruction est non seulement obligatoire en cas de crime, mais elle doit également se faire à charge et à décharge. Cette dernière exigence implique inéluctablement un certain temps avant la mise en état d'un dossier. Dans le cas d'espèce, le procès des 24 prévenus de Gdeim Izik est intervenu seulement deux ans après les évènements en question, alors qu'ordinairement, l'instruction de dossiers criminels aussi complexes nécessite plusieurs années. Par ailleurs, la conformité des actes de l'instruction est contrôlée, lors du procès, par les magistrats du siège, préalablement à tout examen de l'affaire. Ils peuvent alors requérir un complément d'information, suspendre l'audience pour demander que certains actes de procédure complémentaires soient établis, ou tout simplement rejeter les procès verbaux qui n'auraient pas été établis en concordance avec le code de procédure pénal. Ce pouvoir de contrôle incombe aux magistrats du siège car leur indépendance et leur inamovibilité sont garanties par la Constitution. Il en est de même au sujet de l'indépendance de leurs décisions, sur le fond comme sur les éléments de procédure, dès lors qu'elles sont motivées par la seule application de la loi. A en croire plusieurs agences de presses qui ont couvert l'ouverture du procès, ce report serait intervenu à la demande de la défense pour compléter leur dossier. Dans ce cas la décision de report est légalement justifiée. Au-delà du procès Par : Zakaria ABOUDDAHAB Professeur à la faculté de droit de Rabat-Agdal Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales Un certain traitement médiatique a été constaté à la suite du report au 8 février 2013 du procès de 24 marocains d'origine sahraouie, ouvert devant le tribunal militaire de Rabat le 1er février 2013, des suites de leur implication dans les actes ayant entraîné la mort de 11 éléments des forces de l'ordre au moment où ceux-ci intervenaient le 8 novembre 2010 pour le démantèlement du campement de Gdeim Izik. Il est d'ailleurs étrange de remarquer le mutisme des médias étrangers qui, pour la plupart, ne déplorent pas la mort, pour le moins courageuse, des éléments des forces de l'ordre péris en raison des atrocités commises par certains agitateurs. Or, ces mêmes forces de l'ordre avaient la possibilité de recourir, au nom de la légitime défense, aux armes à feu pour disperser les manifestants. Ce qui n'a pas eu lieu compte tenu du principe de précaution qui y a été activé. Le prix en a été pourtant fort. Au-delà de ces faits, c'est bien la question centrale de l'intégrité territoriale du Maroc qui est en jeu. Les adversaires du royaume cherchent constamment à le « piéger » sur le terrain des droits de l'Homme tantôt en revendiquant l'élargissement du mandat de la Mission des Nations Unies pour l'Organisation d'un Référendum au Sahara Occidental, tantôt en qualifiant les auteurs de troubles, dont ceux ayant sévi à Gdeim Izik, de « militants » de droits de l'Homme. De telles manœuvres, si elles nuisent momentanément à l'image du Maroc auprès d'une opinion publique désinformée sur la réalité de la situation et sur sa complexité, elles ne pourront entraver la démarche de l'Etat marocain consistant, d'abord, à ancrer l'Etat de droit dans tout le territoire national, provinces sahariennes comprises et, ensuite, à y engager un processus de développement global et intégré, implémenté par une démarche de territorialisation des politiques publiques portée par une régionalisation avancée. Le tapage médiatique autour du procès des 24 accusés d' « atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat, de formation d'une bande criminelle et d'atteinte aux fonctionnaires publics dans le cadre de l'exercice de leur fonction », n'est que l'arbre qui cache la forêt : de nombreuses coalitions se sont constituées, au fil des ans, autour d'une prétendue cause sahraouie. Avec le temps, cette fiction semble s'effriter car la constitution aujourd'hui d'un Etat sahraoui au sud du Maroc est plus que chimérique. Ne pouvant donc parvenir à la concrétisation de ce projet irréaliste, le Polisario et ses partisans multiplient les actions pour créer des fissures dans le front intérieur marocain en arguant que les Sahraouis seraient persécutés, spoliés et privés de leur droit à l'autodétermination. De la sorte, ils justifient les crimes les plus horribles et légitiment les actes de destruction, de pillage et de vandalisme à l'instar de ceux dont ils étaient les artisans à Laâyoune et dans sa périphérie en novembre 2010. Quelle que soit l'interprétation que les uns et les autres peuvent attribuer aux faits qui se sont déroulés entre octobre et novembre 2010 à Gdeim Izik, une vérité au moins s'impose : 11 éléments des forces de l'ordre y ont trouvé la mort. Les auteurs présumés de ces crimes devront être jugés le 8 février 2013 proportionnellement à la gravité des actes commis, si bien sûr les faits leur sont effectivement imputés. Il appartient à la justice de le prouver. La face occulte du détournement politique de l'affaire par le Polisario Jamila Belarbi Analyste au Centre d'Etudes Internationales Les événements sanglants ayant eu lieu dans les campements de Gdeim Izik et dans la ville de Laâyoune, au Maroc, au cours du mois de novembre 2010, ont été marqués par de graves troubles de l'ordre public, perpétrés par des habitants des provinces du sud affiliés au Front Polisario. Ces séparatistes ont donc, suite à une procédure judiciaire conforme à la législation marocaine, été déférés devant le Tribunal militaire de Rabat et poursuivis pour trois chefs d'accusation particulièrement graves. Ce sont donc des citoyens marocains responsables qui, étant accusés de violations graves de la loi, ayant entraîné volontairement la mort de 11 agents des forces de l'ordre marocaines, se retrouvent dans l'obligation de répondre de leurs actes et d'en assumer les conséquences pénales. Mais ce procès, de nature exclusivement pénale, a fait l'objet d'une instrumentalisation de la part du Front Polisario, comme l'ont d'ailleurs été tous les événements ayant marqué l'avancée de ce dossier, récupérés à des fins politiques par les séparatistes. Si cela est désormais facile à démontrer, il conviendra ici de s'intéresser aux raisons qui motivent cette récupération politique. Nous présenterons donc deux des principales raisons sous-tendant les agissements du Polisario. Il s'agit tout d'abord d'un besoin urgent ressenti par la direction du Front Polisario de regagner la sympathie de la Communauté internationale et des Organisations Non Gouvernementales (ONG), puisque le Front séparatiste perd aujourd'hui sa crédibilité. En effet, depuis que les liens qu'entretiennent certains activistes polisariens avec les trafiquants de la bande sahélo-saharienne et certains groupuscules affiliés aux terroristes d'Al-Qaïda aux Pays du Maghreb Islamique ont été établis, la vraisemblance des thèses polisariennes a été sérieusement remise en cause. De plus, les rapports émis par de nombreuses ONG ont porté des accusations à l'encontre de la direction du Front, qui détournerait massivement les aides humanitaires à destination des camps de Tindouf. Lesquels camps, sis en territoire algérien, accueillent dans des conditions de vie extrêmement précaires un nombre important de personnes vulnérables d'un point de vue socio-économique. La Communauté internationale, préoccupée par la situation de ces populations, déplore le refus de l'Algérie de laisser le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés procéder au recensement dans les camps de Tindouf. De cette manière, l'état de délitement du Polisario et les tensions grandissantes à Tindouf, contribuent également à discréditer le Front Polisario qui, à l'exception de ses alliés idéologiques classiques et de son principal soutien algérien, suscite aujourd'hui plus d'inquiétudes que de solidarité. Concernant les manœuvres et manipulations mises en œuvre par le Front Polisario lors du procès consécutif aux événements de Gdeim Izik, elles ne coïncident que trop avec le repositionnement de M. Christopher Ross, Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara, qui réendosse son rôle de médiateur impartial et entame une série de consultations internationales afin de préparer les négociations entre les parties au conflit saharien, prévues en mars 2013. Il apparaît donc clairement que le Polisario, souffrant de son manque de légitimité et de son implication dans un grand nombre de réseaux criminels tente de faire oublier son image de hors-la-loi en ayant recours à la manipulation, à la diversion, à l'intoxication et au mensonge.