Au titre du chapitre relatif à l'inclusion des jeunes par l'éducation et la formation, le CES affirme qu'il est clair que les efforts de réforme visant le système d'enseignement n'ont pas abouti aux résultats escomptés. Les autorités publiques y investissent des moyens qui augmentent annuellement, sans pour autant que son rendement et la qualité de son produit ne parviennent à être substantiellement redressés. La généralisation de l'enseignement a commencé dès le début des années 1980, mais la déperdition menace continuellement le parcours normal de scolarisation des jeunes, sans oublier que les formations dispensées à la grande majorité de ceux qui poursuivent leurs études ne répondent généralement pas aux besoins du marché de l'emploi. Le constat est particulièrement alarmant si l'on évoque, par exemple, le pourcentage de scolarisation des filles en milieu rural : 58,2% des filles et femmes de dix ans et plus ne justifiaient d'aucun niveau scolaire en 2011 (contre 29,8 en milieu urbain). Si la proportion des filles rurales éduquées a augmenté récemment grâce à la généralisation de la scolarisation, la déperdition scolaire continue de freiner cette amélioration. Le coût social de la déperdition scolaire Le Maroc paie un lourd tribut à la déperdition scolaire et à l'inadaptation de la formation aux exigences de la socialisation et de l'emploi. Cette situation a de nombreuses incidences négatives, dont : - l'augmentation des taux d'exclusion chez les adolescents et les jeunes, face à la faiblesse de l'insertion scolaire et sociale ; - l'augmentation du taux d'analphabétisme, sous ses formes diverses, et le développement d'un certain repli culturel sur soi, phénomènes qui vont objectivement à l'encontre des efforts déployés pour la modernisation du pays ; - la prolifération des aspects de délinquance sociale, de comportements inciviques, d'extrémisme, etc. ; - l'augmentation des difficultés d'insertion professionnelle et dans la vie sociale. Le Conseil supérieur de l'enseignement a enregistré des données de terrain qui montrent l'ampleur des périls engendrés par la déperdition scolaire et l'absence d'une conception générale inclusive du système d'enseignement, comme peuvent en témoigner les indicateurs ci-après : - le taux de déperdition des 6-11 ans est de 8% ; - le taux de déperdition des 12-14 ans est de 31,2% ; - les taux d'achèvement de la scolarité (pour un groupe théorique de 100 apprenants) se déclinent comme suit: - 83% obtiennent le certificat d'études primaires ; - 57% achèvent le cycle préparatoire (collège) ; - 15% obtiennent le baccalauréat ; - moins de 3% obtiennent une licence. - le taux d'analphabétisme chez les personnes de 10 ans et plus, est de 38,5% (taux supposé avoir baissé à 30% selon les études prospectives pour l'année 2011) ; - près de 850 000 enfants évoluent hors du système scolaire, sans être pris en charge par l'éducation non formelle. Il est certain que la persistance de ces contre-performances n'aide pas le Maroc à relever les grands défis dans lesquels il s'est engagé. Le système d'enseignement, tous niveaux confondus, échoue toujours à faire acquérir à tous les enfants marocains un enseignement fondamental de qualité, et à les éduquer aux « valeurs sociétales communes », de même qu'il rencontre de grandes difficultés à gagner le défi de la qualification, devant conduire à l'inclusion aisée dans la société. Pourtant, le système éducatif est un levier principal du projet sociétal, et un outil décisif pour gagner les paris de la compétitivité et réaliser les objectifs du développement humain, notamment les objectifs du Millénaire. Cependant, l'école marocaine ne cesse de déployer de grands efforts, dans l'attente que leurs conditions de mise en oeuvre soient améliorées. Elle ne peut en effet assumer son rôle positif et intégratif qu'à la condition que soient assurées à tous les élèves et à tous les jeunes les conditions d'une place pédagogique protégée, avec une qualité d'enseignement et de formation qui soit à même de retenir tous les apprenants au sein de l'espace éducatif jusqu'à l'achèvement de leur enseignement fondamental et de leur préparation à l'inclusion dans la société. Sa fonction d'« insertion sociale » implique que soient dispensées en plus des formations cognitives, les valeurs et les aptitudes susceptibles de leur permettre un bon accueil au sein de la société. La fonction inclusive de l'école Certes, on ne saurait faire endosser au seul système d'enseignement la responsabilité de toutes les difficultés d'inclusion. Il n'en demeure pas moins que ce système a des fonctions centrales à remplir, définies par la Charte sociale pour l'Education et la Formation, et par l'article 31 de la Constitution du 1er juillet 2011, qui stipule que « l'Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales oeuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l'égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir du droit (...) à une éducation moderne, accessible et de qualité. » En vue de donner corps au référentiel constitutionnel et le traduire en réalité institutionnelle, éducative et sociale, en transformant le système d'enseignement en véritable levier du changement et d'inclusion sociale, notre pays a aujourd'hui besoin de : - faire du système d'éducation et de formation la première des priorités, en tant que défi national qui interpelle tous les acteurs sociaux et politiques, un chantier fondateur de l'avenir et une aspiration collective sur la voie du progrès et du développement ; - reconstruire un contrat social pour les contenus éducatifs, aussi bien cognitifs que culturels, et les valeurs inculquées ; - amener l'école à assumer sa fonction éducative dans la formation cognitive, comportementale, sociale et culturelle de l'élève, et faciliter les conditions d'acquisition de savoirs et de principes susceptibles de l'aider à s'intégrer dans la vie scolaire comme dans la société ; - mobiliser toutes les potentialités du système d'enseignement autour de projets et de nouveaux mécanismes d'inclusion, pédagogiquement, culturellement et socialement, visant à transmettre aux apprenants des compétences et des aptitudes qui soient à même de faire d'eux des acteurs dans la société et la vie publique ; - accorder une importance particulière et soutenue à la formation et à la mise à niveau des enseignants, afin de leur fournir les compétences nécessaires à l'accomplissement des fonctions de transmission et de médiation entre les contenus éducatifs et les apprenants ; - élaborer des critères adéquats pour la politique d'orientation scolaire, en accordant aux apprenants l'opportunité de choisir par eux-mêmes des spécialités compatibles avec leurs aptitudes et répondant aux exigences de leur inclusion dans le travail et dans la société ; - renforcer la complémentarité entre les secteurs chargés de l'éducation, de la jeunesse, de la culture et de l'emploi, en cohérence avec les orientations du projet de régionalisation avancée et les exigences de réussite de ce chantier ;