Acteur incontournable des équilibres sécuritaires en Afrique du Nord, le Maroc s'apprête à franchir une nouvelle étape dans la modernisation de ses capacités de défense. Au cœur de ce processus, un choix hautement stratégique : le remplacement partiel de sa flotte d'avions de transport militaires. Deux géants mondiaux de l'aéronautique sont en compétition : le brésilien Embraer avec son KC-390 Millennium, et l'américain Lockheed Martin avec son C-130J Super Hercules. Ce duel industriel d'envergure mondiale illustre la place grandissante du Royaume en tant que puissance souveraine et convoitée sur l'échiquier sécuritaire international. Une montée en gamme maîtrisée Doté depuis plusieurs décennies d'une flotte de C-130 Hercules, le Maroc a fait de l'aviation de transport un pilier essentiel de sa projection militaire et humanitaire. Aujourd'hui, le Royaume ne se contente pas de remplacer ses appareils mais il engage une réflexion globale sur la performance, la résilience logistique et le développement technologique national. Cette démarche s'inscrit dans une vision claire, celle de renforcer l'autonomie stratégique des FAR tout en consolidant leur capacité d'intervention rapide dans un environnement régional en constante évolution. Ce n'est donc pas un hasard si Embraer et Lockheed Martin se disputent la préférence de Rabat avec insistance. Le Maroc, fort d'une position géographique stratégique, d'une armée modernisée et d'un secteur industriel en pleine montée en puissance, est devenu un partenaire convoité par les grandes puissances aéronautiques. Embraer : la dynamique sud-sud Le constructeur brésilien Embraer a avancé une offre innovante avec son KC-390 Millennium, avion de transport tactique de dernière génération. Au-delà de ses atouts techniques (charge utile de 26 tonnes, vitesse supérieure, avionique avancée), Embraer propose un partenariat industriel structurant incluant le transfert de technologie au Maroc, la création d'un écosystème de maintenance et de production, plus d'un milliard de dollars d'investissement prévus à l'horizon 2035 et environ 1 000 emplois qualifiés générés localement. LIRE AUSSI : Les Forces Armées Royales, ces titans du Maroc Ce projet s'inscrit dans une logique de coopération sud-sud ambitieuse, alignée avec la vision du Maroc de construire une base industrielle de défense forte, tournée vers l'Afrique et au service de sa souveraineté. Lockheed Martin : la continuité stratégique En face, Lockheed Martin mise sur la robustesse de ses liens historiques avec les FAR et sur l'expertise éprouvée de son C-130J Super Hercules. Ce modèle, version modernisée des appareils déjà en service dans le Royaume, garantit une transition opérationnelle fluide. L'offre américaine bénéficie du soutien actif du Département d'Etat et s'appuie sur un accord complémentaire entre l'entreprise L3Harris et l'administration marocaine pour renforcer les capacités de maintenance locale sur les C-130H existants. Cette approche valorise la coopération stratégique de long terme entre Rabat et Washington, tout en maintenant des standards OTAN et une interopérabilité renforcée avec les alliés du Royaume. Un choix souverain, dicté par la vision marocaine Contrairement à une lecture binaire, le Maroc ne se positionne pas comme un client passif dans cette compétition. Il agit en puissance souveraine, en arbitrant entre deux visions distinctes et en s'assurant que chaque proposition s'aligne avec ses intérêts fondamentaux : autonomie, industrialisation, influence régionale. Ce n'est pas un appel d'offres classique. Il s'agit d'une démarche stratégique intégrée, où l'acquisition d'avions militaires sert une ambition nationale plus large : faire du Maroc un acteur autonome, moderne et influent dans l'architecture sécuritaire du continent. Le dernier mot revient donc au Royaume. Si Embraer semble tenir une longueur d'avance grâce à son offre industrielle offensive, la décision finale, attendue dans les prochains mois, reste ouverte. Et elle sera avant tout marocaine. Un choix libre, aligné sur les intérêts stratégiques, économiques et diplomatiques du Royaume. Plus qu'un contrat d'équipement, cette opération confirmera une réalité désormais bien ancrée : le Maroc est devenu une puissance de défense à part entière, écoutée, respectée, et courtisée par les plus grands.