Les tirs d'artillerie et les avions de combat de l'armée syrienne ont pilonné dans la nuit de mardi à mercredi Alep, la deuxième ville du pays, pour tenter de prendre le contrôle de certains quartiers tombés aux mains des opposants au président Bachar al Assad. Pour la première fois depuis plusieurs jours des hélicoptères tiraient à l'arme lourde sur la partie Est de la ville, provoquant un important dégagement de fumée noire dans le ciel. A la nuit tombée, de fortes explosions ont retenti près de cette ville de 2,5 millions d'habitants, où les combats font rage entre forces rebelles et armée régulière depuis le 20 juillet dernier. Au moins une dizaine de salves d'obus ont déchiré le ciel et recouvert l'appel à la prière, selon des journalistes de Reuters présents sur place. La bataille d'Alep, poumon économique du pays, est devenu un enjeu de taille pour les deux camps plus de seize mois après le début des manifestations hostiles au régime. L'attentat suicide du 18 juillet, qui a décimé une partie de l'appareil sécuritaire syrien à Damas, a marqué un véritable tournant dans la guerre civile en déclenchant une contre-offensive de l'armée régulière à Damas et Alep. Mardi, des tirs à l'arme lourde ont résonné dans le quartier de Salaheddine, dans le sud-ouest d'Alep, dont les rebelles ont démenti avoir été repoussés. L'armée a annoncé il y a deux jours avoir repris Salaheddine, mais la télévision d'Etat a fait savoir mardi que les forces gouvernementales traquaient les membres d'un groupe de «terroristes» dans cette zone, signe que l'armée n'en avait pas le contrôle total. QUARTIER PAR QUARTIER L'objectif des forces rebelles est d'atteindre progressivement le centre-ville, quartier par quartier, un objectif atteignable «d'ici quelques jours, et non quelques semaines», a déclaré un commandant rebelle à Reuters. Les insurgés affirment avoir pris le contrôle d'un parc urbain qui s'étend des quartiers est aux quartiers sud-ouest. Selon NBC News, l'Armée syrienne libre (ASL), composée de déserteurs et de civils, a reçu une vingtaine de missiles sol-air qui ont été acheminés via la Turquie, dont le gouvernement de Recep Tayyip Erodgan appelle ouvertement au départ de Bachar al Assad. Selon certaines sources gouvernementales américaines, plusieurs pays arabes, dont l'Arabie saoudite et le Qatar, ont appelé à plusieurs reprises ces derniers temps à fournir des missiles sol-air, dits Manpads, aux rebelles. Face à la crise humanitaire en Syrie, l'Organisation de la Coopération islamique (OCI) a tiré la sonnette d'alarme mardi, estimant qu'il faudrait au moins un demi-milliard de dollars (400 millions d'euros) pour répondre aux besoins de la population. «Nous appelons à augmenter les efforts humanitaires et la coopération entre les organisations internationales et régionales pour apporter une aide d'urgence au peuple syrien, en Syrie et dans les pays voisins», a déclaré Ekmeleddin Ihsanoglu, qui dirige cette organisation forte de 57 membres. «Le montant de l'aide nécessaire pour la Syrie est de 500 millions de dollars», a-t-il précisé lors d'une conférence de presse au siège de l'OCI. IMPUISSANCE DIPLOMATIQUE Sur le front diplomatique, l'Assemblée générale de l'Onu se réunira jeudi pour évoquer la situation en Syrie et pourrait, selon certains diplomates, voter en faveur d'une résolution saoudienne condamnant le Conseil de sécurité pour avoir échoué à prendre des mesures contre Damas. Selon des diplomates de l'Onu, une résolution exprimant «de graves préoccupations face à l'escalade de la violence en Syrie, notamment les violations continues, répandues et systématiques des droits de l'homme», pourrait être adoptée à cette occasion. Les grandes puissances restent divisées sur la marche à suivre en Syrie alors que la France doit prendre la présidence du Conseil de sécurité de l'Onu à partir du 1er août. Paris a fait savoir qu'elle allait demander une réunion du Conseil de sécurité au niveau ministériel, mais rien ne permet de dire que le dossier pourrait être débloqué alors que la Russie et la Chine, membres permanents du Conseil de sécurité, restent hostiles depuis le début de l'insurrection en mars 2011 à toute mesure coercitive contre le régime de Bachar al Assad. Les combats qui font rage de ville en ville en Syrie rappellent la guerre qui a déchiré la Yougoslavie dans les années 1990, a mis en garde mardi Kristalina Georgieva, commissaire européenne chargée de la Coopération internationale, de l'aide humanitaire et de la réaction aux crises.