Un pilote syrien a fait défection jeudi aux commandes de son MiG-21, une première depuis le début il y a 15 mois d'une révolte populaire réprimée par le régime au prix de plus de 15.000 morts. La répression et les combats entre soldats et déserteurs ont fait près de 120 morts jeudi, l'armée bombardait toujours et sans relâche des bastions rebelles comme Homs (centre) et Deraa (sud), selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). L'armée syrienne a repris vendredi ses bombardements dans les provinces de Deraa et Idleb, lors d'une nouvelle journée de violences dans le pays où des manifestations anti-régime sont prévues, selon une ONG. Une femme a été tuée et plusieurs civils blessés dans le bombardement avant l'aube de la localité d'al-Karak al-Charqui dans la province de Deraa (sud), d'où un grand nombre de familles a fui pour se réfugier dans les régions voisines, a précisé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Dans la localité de Jassem, également dans la province de Deraa, des rebelles ont attaqué des points de contrôle et un poste des troupes du régime «dont des membres ont été tués ou blessés», selon l'OSDH. Les troupes ont également bombardé plusieurs localités de la province d'Idleb (nord-ouest), survolées par des hélicoptères, selon la même source, alors que l'armée tente de reprendre le contrôle de secteurs tenus par les rebelles. Dans la région d'Alep (nord), deux membres des forces de sécurité syriennes ont été tués et quatre blessés dans une attaque menée par les rebelles, a précisé l'ONG. Les bombardements ont également repris contre les quartiers rebelles de Homs (centre) et selon les militants sur place, il n'était pas sûr que le Croissant rouge syrien puisse évacuer vendredi les civils assiégés dans la ville, après l'échec de deux tentatives la veille. Un militant a estimé que «70% de l'infrastructure de la ville a été détruit». Malgré la répression et le déploiement massif de troupes gouvernementales, des manifestations sont prévues à travers le pays comme tous les vendredis depuis le début de la contestation en mars 2011, à l'appel des militants anti-régime. «Si les dirigeants sont indifférents, où sont les peuples?» est le slogan pour ce vendredi des militants qui demandent aux nations de se mobiliser en soutien au peuple syrien et contre le régime de Bachar al-Assad. Les manifestants commençaient à défiler après la prière hebdomadaire de midi à la sortie des mosquées. Désertion d'un pilote de chasse syrien Pour la première fois depuis le début de la contestation le 15 mars 2011, un pilote de chasse syrien, le colonel Hassan Merhi al-Hamadé, a fait défection et a atterri sur une base de l'armée de l'air en Jordanie, à bord d'un MiG-21 de fabrication russe. Selon l'opposition syrienne, il avait décollé d'un aéroport militaire dans le sud de la Syrie et volé à basse altitude pour échapper aux radars. Il a demandé l'asile politique au royaume jordanien, qui le lui a rapidement accordé. Le ministère syrien de la Défense a en revanche estimé que le colonel Hamadé était «un déserteur et un traître à la nation» et promis qu'il serait sanctionné «en vertu des règles en vigueur», tout en faisant état de «contacts» avec la Jordanie en vue d'une restitution du MiG-21. Les Etats-Unis ont salué la défection en estimant que ce pilote ne serait pas le dernier à abandonner le régime Assad, dont les troupes sont accusées par l'ONU et plusieurs pays occidentaux et ONG internationales de «crimes contre l'Humanité». L'ambassadeur américain en Syrie, Robert Ford, a d'ailleurs publié sur sa page Facebook une lettre ouverte aux soldats syriens leur demandant de ne plus soutenir M. Assad et soulignant que les auteurs d'atrocités seraient traqués et jugés. Le quotidien sanglant des Syriens Face à la répression brutale, la révolte marquée au départ par des manifestations pacifiques s'est militarisée avec la désertion de dizaines de milliers de soldats, dont des milliers ont rejoint les rangs de l'Armée syrienne libre (ASL), selon l'OSDH. Depuis 15 mois, les violences ont fait au moins 15.026 morts, en majorité des civils, selon un nouveau bilan publié par cette organisation syrienne basée au Royaume-Uni et qui se base sur les témoignages de militants sur place. Ces dernières semaines, l'OSDH a recensé plusieurs dizaines de victimes par jour, et jeudi encore, 66 civils, 43 soldats, cinq rebelles et cinq personnes non identifiées. Plusieurs villes de la province de Homs, où des rebelles sont retranchés, ont de nouveau été la cible de bombardements intenses et sont assiégées par l'armée et parfois survolées par des hélicoptères, tandis que des combats y opposent soldats et déserteurs. Le pilonnage a également visé des localités de la province de Deraa, dont certaines, comme Inkhel, ont été prises d'assaut. A Douma, près de Damas, mais aussi dans les provinces d'Alep (nord) et d'Idleb (nord-ouest), l'OSDH a fait était de bombardements, de combats et d'attaques contre des soldats. La Croix-Rouge internationale, qui cherche à évacuer des civils bloqués à Homs, surtout les malades et les blessés, va tenter de nouveau vendredi d'entrer dans la ville, après avoir essayé deux fois jeudi, en vain en raison des violences, selon le croissant rouge syrien. Se targuant du soutien d'une partie des Syriens, M. Assad s'est dit déterminé à en finir «à n'importe quel prix» avec l'insurrection, refusant toujours de reconnaître la contestation qu'il assimile à du «terrorisme». Divisions internationales Face à la spirale de violences, la communauté internationale reste impuissante en raison essentiellement de ses divisions, que Moscou a rappelées en douchant les espoirs sur son appui à un départ du président Bachar al-Assad et en défendant son droit de livrer des armes à Damas.2 2 Face au risque de guerre civile, le n°2 de la Ligue arabe, Ahmed Ben Helli, a appelé la Russie à cesser de livrer des armes à Damas. Mais le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a affirmé que son pays comptait continuer ses livraisons d'armes à la Syrie, dont des hélicoptères et des batteries antiaériennes. Il a aussi jugé que forcer M. Assad à partir était «irréalisable». Les Occidentaux, qui travaillent sur une résolution au Conseil de sécurité, et les Arabes souhaitent que le mandat de l'émissaire international Kofi Annan soit renforcé, avec un recours au Chapitre VII de l'ONU pour forcer régime et opposition à appliquer son plan de sortie de crise resté lettre morte. M. Annan doit tenir vendredi une conférence de presse à Genève avec Robert Mood, chef des observateurs de l'ONU en Syrie qui ont suspendu leurs opérations en raison des violences. Il espère rassembler Washington, Moscou et d'autres puissances pour mener des négociations avec M. Assad sur l'avenir du pays, et compte dévoiler sa feuille de route pour une transition politique lors d'une réunion à Genève le 30 juin, selon diplomates et responsables de l'ONU. L'émissaire international doit aussi s'exprimer le 2 juillet sur l'avenir de la mission des observateurs.