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Portrait
Mohamed Moustaoui, un des pionniers pour la sauvegarde de la culture orale du Souss
Publié dans L'opinion le 09 - 03 - 2012

Mohamed Moustaoui (à gauche sur notre photo recueillant les mots d'un maitre de la poésie soussie) donne à voir le parcours atypique d'un auteur qui porte plusieurs casquettes : écrivain, poète, parolier, enseignant aujourd'hui à la retraite, journaliste de presse écrite (Ittihad Ichtiraki et Bayane al-Yaoum) et de radio (RTM) et aussi élu d'une commune rurale au Souss, à deux reprise président. Il s'est même présenté pour la députation, à trois reprises, en vain « parce que mon compte bancaire est à sec ! » écrit-il avec son humour souvent caustique. Le même humour il l'emploie contre soi-même quand il s'adresse des correspondances fictives (l'écrivain-poète écrivant à l'élu local) se reprochant d'avoir délaissé le travail de recherche de culture orale et faisant comme un bilan des préjudices d'une dispersion. Il se promet de publier ces correspondances pleines de reproches et d'autodérision.
Le travail de Moustaoui, né en 1943, province de Taroudant, aura été longtemps de montrer l'importance de la culture amazigh du Souss en usant de la radio (il a animé des émissions de radio depuis les années 1970 jusqu'à aujourd'hui, la dernière émission en date est intitulée « Vu, entendu et lu »). La démarche c'est de traduire en arabe la culture orale amazighe ce qui lui permet de tenir en partie une fonction de médiateur entre l'amazigh (tachelhit) et l'arabe. C'est aussi de mettre en valeur des aspects de la culture orale et de la culture amazighe dominée par la poésie et la musique. La même attitude est observée dans les livres comme dans cet important ouvrage sur 930 proverbes et légendes « Ennane willi zrinine » (Dits des anciens). Cette démarche est travaillée aussi par le souci de préserver un patrimoine oral rural encore vivant mais en stade de désintégration.
D'un autre côté il participe à la mise des fondations de l'écriture en amazigh avec des textes de création poésie, théâtre, roman. Il s'agit du passage de l'oralité à l'écriture, tout un programme. Il écrit des poèmes proches de la poésie orale s'en inspirant par l'humour, l'ironie, la dérision et dans ce sens un certain nombre de ses poèmes ont été intégrés dans des chansons de chanteurs à succès et autre groupes de musique.
Le propre de Mohamed Moustaoui c'est d'assumer le rôle de l'auteur têtu qui poursuit son chemin en se faisant publier soi-même sans se préoccuper des éditeurs, privés ou institutionnels, qui peuvent prendre en charge la publication de ses ouvrages. Pour Moustaoui pratiquement il semble que la notion d'éditeur au Maroc soit quelque chose de surfait. Depuis la fin des années 70, il publie ses livres à compte d'auteur. Et les distribue aussi ! On dirait qu'il se passe allègrement de la « chaîne du livre ». Il lui suffit de quelques points de vente, librairies, kiosques à journaux. Pour les points de vente éloignés, il a les messageries des autocars qui sillonnent le Royaume.
« Je distribue moi-même mes livres » dit-il.
Il n'est certainement pas le seul dans son cas, mais il semble qu'il figure parmi ceux qui ont fait le plus de brassées sans s'essouffler. Son premier recueil de poèmes en amazigh date de 1976 « Iskraf » (Chaînes). Il en publiera d'autres assez régulièrement. Il vient récemment de publier, presque coup sur coup, deux nouveaux livres : un roman en amazigh (tachelhit) intitulé « Tikettay » (Souvenirs) et une anthologie (bilingue amazigh/arabe) des poètes de Souss et Draa axée sur le thème de l'immigration et intitulée « Immigration et exil dans la poésie marocaine amazighe».
Mais s'il ne se préoccupe pas outre mesure des éditeurs, il n'en est pas de même des lecteurs. C'est normal puisque ceux-ci, qui achètent ses livres, lui permettent de continuer et stimulent en lui cette ténacité de poursuivre le cheminement. Sans des lecteurs rien n'aurait été possible. Et puis il a une foi inébranlable en ce qu'il fait et une patience de l'homme de l'Anti-Atlas, austère, pas repu pour un sou, supportant sécheresse et se contentant de très peu. Plusieurs livres sont réédités, preuve de réussite s'il en est. Il en écrit aussi pour retracer l'histoire de pionniers des Rwayess comme Haj Belaid, aussi pour sauver le patrimoine d'écrits des disparus comme le livre recueil des poésies de Demsiri.
La langue amazighe (tachelhit) il la transcrit en caractères arabes et explique que c'est par habitude en attendant que le tifinagh prenne sa place.
En écrivant un texte d'éloge funèbre de Haj Mohamed Demsiri suite à son décès il le décrit comme « langue des muets » une expression qui lui semble revenir de droit à tous les poètes amazighs qui reflètent avec fidélité joies et souffrances de leur milieu là où le seul média était la voix du poète-chanteur.


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