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Dans « Qaf Çad », revue du Groupe de recherche sur la Nouvelle de la Fac de Ben Msik qui vient de paraître Le texte intégral du recueil de Nouvelles « Un martyre de notre temps » de Mohamed Leftah traduit en arabe
Le numéro 10 de la revue « Qaf Çad » du Groupe de recherche sur la nouvelle de la Faculté de Ben Msik vient de paraitre. La particularité de ce numéro est qu'il comporte, en plus d'autres rubriques de critique littéraire ou textes de création, une traduction en arabe de la totalité d'un recueil de nouvelles de Mohamed Leftah, « Un martyr de notre temps », paru aux éditions La Différence, Paris, en 2007, soit une année avant la mort de l'auteur en 2008. Les sept nouvelles sont traduites en arabe par Abderrazak Outammi. Dans un précédent numéro la même revue en 2011, avait été publiée une nouvelle du même recueil : « Des chiens et des hommes ». Ce nouveau numéro de Qaf çad est une judicieuse initiative qui permet le passage en arabe pour la première fois d'un univers de narration qui est très particulier chez l'écrivain marocain Mohamed Leftah auteur de romans « Demoiselles de Numidie », « Au bonheur des limbes », « L'enfant de marbre » et des recueils de nouvelles et qui recrée le même univers d'un livre à l'autre, qu'il s'agisse de romans ou de nouvelles, en donnant à chaque fois l'impression de nouveauté. Pour ce recueil de nouvelles, c'est le même univers qui retrace la destinée humaine dans son aspect on dirait fatal, inexorable, inéluctable en approchant au plus près de ce qui constitue en même temps l'excès, le manque, la finitude, la violence, l'extrémisme l'amour, la mort, la vie, le sexe, la religion. Des histoires d'un kamikaze qui se fait exploser dans un bar, d'un marchand des quatre saisons qui prend la vie comme elle vient et se fait aimer d'une belle prostituée jetant toute prudence aux orties, d'un ancien soldat, vieil artisan, qui a fait la guerre d'Espagne et fut rescapé de la bataille de Leningrad, d'une épouse de boucher stérile qui s'identifie à une chamelle égorgée, d'un violeur repenti qui n'est autre que la narrateur, de la vie noctambule d'un buveur et un prostitué et enfin pour clore le tout le soliloque de l'auteur-narrateur, un peu borgésien, dans « L'auteur en quête d'un personnage » sur le destin même des textes et du fil qui devrait les relier, un fkih salafiste d'une école coranique de quartier. Dans ces textes on est invité dans l'univers d'un styliste qui résiste à livrer son secret, qui feuillette le livre du quotidien marocain où règne la langue orale darija tout en ne cessant pourtant pas de multiplier les signes du lecteur invétéré qu'il est vers d'autres textes le Coran en évoquant le peuple de Thamoud, surtout « Les Milles et une nuits » dont on imagine le lien très fort avec les textes eux-mêmes où la mort et le sexualité rôdent, évocation aussi de « Un héros de notre temps » de Lermontov avec cette idée enchanteresse de coudre les nouvelles, les « relier » les unes aux autres aussi apparemment hétéroclites et disparates, après coup, pour en faire une sorte de roman, un texte d'un seul tenant sans y paraître. On comprend que la création du sens dépend de cette capacité original de relier l'hétéroclite et le disparate. Est-ce que cet univers de Leftah passe vraiment dans le texte de traduction en arabe ? Certainement, peut-être pas avec la même intensité et densité. Il n'empêche qu'on retrouve bel et bien cette manière toute naturelle d'aborder le monde et qui ne serait en quelque sorte que la réfraction de la réalité du récit oral non expurgé comme se veut le texte original des « Mille et une nuits » où l'on soupçonne un travail de génie pour créer du sens et éviter l'ennui ennemi juré de la lecture. On aime bien l'évocation des « mille et une nuits » comme dans la nouvelle « Le marchand des quatre saisons et la putain » : « pour le marchand ambulant et la putain le monstre dont parle « Les Mille et une nuits » sans le nommer, et qui est tout simplement le temps, mit juste une saison pour défaire leur couple ». Le même numéro de Qaf çad comporte d'autres rubriques habituelles avec des textes d'études sur la nouvelle par Ahmed Bouzfour, Mohamed Anqar, Kacem Marghta, Abdellatif Mahfoud, Mostafa Jebbari, Mohamed Mousaidi et Abdelmajid Jahfa. Le Groupe de recherche sur la nouvelle siégeant à la Faculté de lettres de Ben Msik à Casablanca est une entité indépendante vivant sans subvention publique et qui poursuit ses travaux depuis une dizaine d'années grâce à la conviction ferme de ses membres. Il constitue aujourd'hui un important creuset de créativité dédié au domaine de la narration. Saïd AFOULOUS « Qaf çad », revue du Groupe de recherche sur la nouvelle, numéro 10