Le nouveau complexe automobile du constructeur français Renault, qui doit être inauguré ce jeudi près de Tanger, est l'illustration d'un pari audacieux mais gagnant, fait par un industriel géant suffisamment confiant dans la stabilité du Maroc et convaincu des atouts du pays pour investir lourdement (1,1 milliard d'euros) dans ce nouveau pôle de production majeur dans le pourtour méditerranéen. Le pari était d'autant plus risqué qu'il intervenait à l'été 2007, à la veille de la crise financière internationale de 2008-2009 et de la tourmente qui avait frappé de plein fouet le secteur de l'automobile à travers le monde et remis en cause plus d'un projet d'investissement. En dépit du retrait du projet de son allié, le nippon Nissan, par mesure d'austérité, le français Renault a gardé le cap, car rassuré par la réactivité des pouvoirs publics marocains et l'entrée de la Caisse de Dépôts et de Gestion (CDG) dans le capital de l'usine de Tanger à hauteur de 47,6 pour cent. Après cette éclaircie et en dépit des intempéries qui ont retardé le chantier, la cadence effrénée a été maintenue, les engagements des deux partenaires tenus pour que le projet voit le jour et, preuve de l'optimisme de Renault, même étendu avec la mise en chantier d'un nouvelle ligne de production qui sera achevée à la mi-2013. Marque de confiance Quatre ans et demi après le lancement du projet, et alors que les investissements directs étrangers (IDE) se font rares dans la région Afrique du Nord-Moyen-Orient (MENA) pour cause du «printemps arabe» de 2011, le nouveau complexe industriel baptisé «Renault Tanger Méditerranée» se concrétise. Il confirme ainsi la confiance que continue de susciter le Maroc, fort de sa stabilité, de sa transition démocratique saluée et des atouts attractifs et sûrs pour l'investissement étranger. Le choix du site de Melloussa s'est naturellement imposé en raison des changements structurels introduits dans la région de Tanger, depuis le début du règne de SM le Roi Mohammed VI, et par les mesures d'accompagnement spécifiques pour que le site soit idoine et compétitif pour l'implantation de ce complexe. Au-delà du coût de la main d'uvre, le Maroc a procuré d'autres éléments de garantie de la compétitivité. D'abord, les importantes exonérations fiscales, prévues par le plan Emergence et ensuite les infrastructures autoroutières et ferroviaires qui relient directement l'usine au port de Tanger-Med, distant de 30 kilomètres, pour acheminer les véhicules vers les marchés européens de l'ouest. L'atout de la proximité géographique fait qu'en 48 heures, les voitures sorties des chaînes de Melloussa peuvent être livrées par bateau ou par camions en Espagne, au Portugal ou en France. Véritable pôle de production automobile La vocation de l'usine de Tanger est de produire à la fois pour le marché local marocain (10 pour cent) que pour l'Europe et les pays du pourtour méditerranéen (90 pour cent). Le Maroc a également investi dans la mise en place de l'Institut de Formation aux métiers de l'industrie automobile (IFMIA) pour fournir une qualité optimale de la main d'uvre locale. La zone franche, à proximité, avec ses services de nouvelle génération et surtout le tissu d'équipementiers et autres fournisseurs pour l'industrie automobile, a fait le reste. Bref, le maximum a été fait pour que le site de Tanger soit crédible et compétitif. Car l'ambition de Renault est d'en faire un véritable pôle de production automobile, dans le segment «low cost», aussi important que son site de Roumanie (327.400 véhicules en 2011) qui arrive à saturation, selon les experts. A Tanger, la production montera en puissance pour atteindre, à terme, 340.000 unités, voire 400.000, soit une voiture par minute. Ce qui explique le nom de code «Hercule» choisi au départ par les ingénieurs de Renault pour désigner le projet de Tanger, un symbole du gigantisme de l'uvre en même temps qu'un clin d'il aux grottes éponymes de la capitale du Détroit. Résultat: le PDG de Renault, Carlos Ghosn se veut confiant en déclarant que le site de Tanger donnera lieu à «des performances de tout premier niveau sur le plan mondial et va nous permettre de percer» dans d'autres marchés où le constructeur automobile n'est pas bien positionné. En d'autres termes, le pari a été fait sur un partenariat gagnant-gagnant. Pour Renault, et comme le soulignent les experts de l'automobile dans les médias français, il renforce son leadership mondial sur le segment des voitures à bas prix grâce à ce nouveau pôle de production automobile. Et pour le Maroc, selon les mêmes spécialistes, il se dote d'une véritable industrie automobile et non d'une simple usine de montage de voitures, comme c'est le cas avec la Somaca de Casablanca. Le taux d'intégration sur place est certes de 50 pour cent au départ (carrosserie, peinture, montage sur place, les moteurs et boîtes à vitesse venant de France), mais il est appelé à atteindre 70-80 pour cent à l'avenir. De plus, et sans s'attarder sur la dynamisation économique de la région les effets induits et les retombées directes, les Marocains y gagnent en termes d'emploi: 6.000 emplois directs et 30.000 indirects, en matière de formation spécialisée.