Signer un accord de libre-échange (ALE) ne garantit pas forcément que les deux parties respecteront des règles équitables. Il n'est pas rare que l'un des signataires recoure à des pratiques déloyales, comme l'imposition de barrières non tarifaires, pour désavantager l'autre. Signataire de plusieurs accords de libre échange couvrant 55 pays, le Maroc s'est souvent retrouvé confronté à la duplicité de ses partenaires commerciaux et a dû engager un bras de fer, jusqu'au bord de la rupture, pour remettre les pendules à l'heure. Le scénario égyptien n'est donc pas une exception, loin s'en faut. Nous avons tous en tête l'offensive menée par l'ancien ministre de l'Industrie, Moulay Hafid Elalamy, contre la Turquie, entamée en 2019 et marquée par des menaces virulentes de «déchirer» l'accord de libre-échange ou encore de fermer une célèbre chaîne de magasins turcs opérant au Maroc. Ankara avait fini par céder en signant la révision de l'ALE en août 2020. Ce même Moulay Hafid Elalamy avait terminé son mandat en menaçant l'Egypte de représailles face à des pratiques déloyales, ciblant principalement le premier produit d'exportation du Royaume : l'automobile. Son successeur, Ryad Mezzour, a multiplié les contacts et les dialogues avec nos partenaires égyptiens pour parvenir à un compromis, mais s'est heurté à une fin de non-recevoir, l'obligeant à prendre des mesures de réciprocité contre les produits égyptiens. Ce 28 février, le ministre égyptien de l'Investissement et du Commerce extérieur, Hassan Al-Khatib, s'est rendu au Maroc pour signer six mesures visant à rééquilibrer les échanges commerciaux et sortir de la crise. Dans les deux cas, le scénario est le même : Ankara, à l'instar du Caire, favorisait l'exportation de ses produits – parfois en recourant au dumping – tout en verrouillant son marché aux marchandises en provenance du Royaume. Et le partenaire n'accepte de négocier que sous la pression de mesures de rétorsion. Malheureusement, une concurrence pure et parfaite entre Etats n'existe qu'en théorie, et le commerce international, comme le reste des relations internationales, n'obéit qu'aux rapports de force. Ce phénomène ne devrait que s'accentuer sous le mandat de Trump à la Maison Blanche, lui qui manie la menace d'imposition de droits de douane pour faire plier ses interlocuteurs. Nous devrons donc être prêts à tenir tête, même à nos plus fidèles alliés, en cas de pratiques abusives, et surtout être en mesure de réagir rapidement pour ne pas laisser les choses s'envenimer.