Qui n'a jamais entendu la boutade absurde selon laquelle, dans les années 1960, les lycéens des bidonvilles et des villages n'avaient pas le droit de passer le baccalauréat ? Retour sur les origines d'une vilaine farce qui a mal tourné. Nous sommes le 22 mars 1965. Des lycéens se ruent vers le terrain de football du lycée Mohammed-V. A 10 heures tocantes, cette marrée de jeunes gens a déjà noirci les lieux. « Il y avait au moins quinze mille lycéens » pouvait-on lire sur les colonnes de « L'Opinion », ce jour-là.
Au début, comme l'ont indiqué des manifestants à notre rédaction de l'époque, le but du rassemblement était d'organiser une marche pacifique visant à interpeller l'administration sur "l'atteinte à leur droit à l'enseignement public". Arrivés au niveau du centre culturel français, les manifestations ont été dispersées par les forces de l'ordre, sans pour autant que celles-ci fassent usage de leurs armes à feu. Fut-ce un acte brutal, comme l'ont hâtivement conclu certains médias étrangers ? Au début, non. Les gardiens de l'ordre ont d'abord invité les lycéens à rentrer chez eux, car les manifestants ne scandaient pas tous les mêmes slogans. Il faut dire que l'organisation de cet événement laissait tant à désirer.
Dépités, les étudiants des quartiers populaires reviennent à la charge et de plus belle dès le lendemain, mais cette fois-ci en compagnie de plusieurs centaines de rebelles, pour la plupart issus des bidonvilles. Cette fois-ci, la manifestation est loin d'être sereine. Les protestataires se déchaînent, pillent les magasins, brûlent les bus et les voitures.
1965, l'année de l'insurrection populaire
Les événements du 23 mars 1965 resteront dans les archives nationales du Royaume comme des manifestations de rue survenues dans plusieurs villes marocaines, à commencer par Casablanca. D'abord étudiantes, elles s'étendent ensuite aux franges les plus démunies de la population. Le bilan est contesté : les autorités marocaines l'évaluent à une dizaine de morts, la presse étrangère et l'UNFP à plus de 1000. Mais pourquoi ces manifestations ont-elles éclaté au grand jour ? Quels en ont été les soubassements, les tenants et les aboutissants ? Le déclic de la révolte Début mars 1965, le ministre de l'Education nationale, Youssef Belabbès, émet une circulaire interdisant l'accès au second cycle de l'enseignement secondaire à toute personne âgée de plus de 17 ans, excluant de fait 60% des élèves de l'enseignement secondaire. Bien que le baccalauréat ne concerne à l'époque qu'une infime partie de la population, soit en moyenne 1500 lycéens par an, les appels à la démocratisation de ce diplôme ont rapidement résonné dans tout le pays. Pour le gouvernement de l'époque, le droit à la scolarisation fut garanti pour toutes les couches de la population, mais l'augmentation du quota imposé était conditionnée par les lycées encore en cours de construction dans les quartiers populaires et les villages enclavés de l'arrière-pays.
Les « soixante-huitards » de chez nous...
À tout point de vue, aux quatre coins du globe, la fin des années 60 a été marquée par une radicalisation des mouvements étudiants avec Mai 68 en France, le Printemps de Prague en Tchécoslovaquie, la révolution culturelle chinoise, et on en passe. Au Maroc, en 1969, une troisième phase de l'Histoire de l'Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) est mise en lumière lors du 13ème congrès de l'Union à la Cité blanche du Royaume. Les étudiants marxistes-léninistes d' « Ila Al Amame » font leur entrée en force, et surtout, en masse. Les grèves resurgissent, alors, à la surface.
Au nom de la démocratie, ce mouvement lycéen fut à l'époque très politisé, d'autant plus qu'il possédait des liens étroits avec l'UNFP. L'UNEM fut créée en 1956. Elle a été tour à tour proche du mouvement national autour de l'Istiqlal et de l'Union socialiste des forces populaires, puis marxiste-léniniste. Le retournement de veste fut, paraît-il, son sport de prédilection. La preuve en est que l'arrivée à l'Université d'étudiants islamistes dans les années 1980 change de fond en comble l'orientation politique du mouvement. Ayant perdu sa boussole, le syndicat a été interdit pendant cinq ans, de 1973 à 1978.
Le 12 août 1976, un arrêté du ministre de l'Enseignement supérieur organise l'élection des représentants des étudiants dans les conseils d'administration des universités et des écoles. La réforme du cycle secondaire, la démocratisation du baccalauréat et la refonte des modalités d'élection des syndicats étudiants sont à l'ordre du jour. Etudes à l'étranger : Les cracks du bac d'Outre-mer La résistance par l'intellect a permis aux militants nationalistes marocains de mener à bien leur mission: celle de la libération du Royaume du carcan du Protectorat français. Ainsi, Abou Bakr Kadiri, Ahmed Balafrej et Allal El Fassi, parmi tant d'autres, ont inscrit à tout jamais leurs noms dans l'Histoire de la résistance par l'intellect. Nés au début du siècle dernier, ils ont mis à la mode l'enseignement supérieur en France. De ce fait, au-delà des frontières marocaines, ils ont fait flotter l'étendard de la cause patriotique dans les salles de cours des universités françaises.
Abou Bakr Kadiri, homme politique et écrivain, est l'un des membres fondateurs de ce mouvement mais aussi et surtout l'un des signataires du Plan de Réformes Marocaines de 1934 et du Manifeste de l'Indépendance du 11 janvier 1944. Ce n'est pas tout, il fut l'un des instigateurs de l'enseignement moderne au Royaume pour avoir fondé la célèbre école privée « Annahda » à Salé, faisant entrer par la grande porte l'enseignement de la langue arabe dans les années trente et quarante bravant, ainsi, l'opposition des autorités du Protectorat.
Lauréat de l'école des notables de Bab Laâlou de Rabat, Ahmed Balafrej, a poursuivi ses études secondaires au Collège nationaliste de la Capitale (Moulay Youssef actuellement). Il décroche haut la main son baccalauréat à Paris au Lycée Henri-IV, avant de poursuivre ses études arabes à l'Université Fouad 1er du Caire en 1927, et de remonter à Paris, à la Sorbonne plus précisément, pour l'obtention de son diplôme de sciences politiques de 1928 à 1932. Ceci dit, ces érudits istiqlaliens ont, grâce à leur patriotisme de premier rang, réussi avec brio à servir de tremplin diplomatique entre la France et le Maroc, et ce, au lendemain de l'Indépendance. Rétrospective : En 1965, les révoltes se sont succédé rapidement Des crises politiques et des soulèvements ayant fait des centaines de morts ont amené Feu Hassan II à proclamer l'état d'exception en juin 1965. De nouveaux affrontements resurgissent de plus belle dès l'automne.
Feu Hassan II est devenu Roi du Maroc en 1961. L'année suivante, une Constitution a été adoptée par référendum. En 1963, des élections sont mises en place et la fonction de Premier ministre est rétablie. L'Union nationale des forces populaires (UNFP) est dans l'opposition et jouit pleinement de ses droits politiques. Fondée sur le libéralisme, la stratégie de développement du Souverain visait à réduire l'écart entre les classes sociales, à diminuer le chômage et à améliorer l'état général de l'économie afin de résorber le mécontentement qui allait éclater en mars 1965.
Cette année-là, les bidonvilles de Casablanca se sont soulevés contre l'augmentation des prix. Ils sont soutenus par les étudiants qui s'opposent aux restrictions d'accès à l'enseignement supérieur car le quota ad hoc était encore limité. Pour endiguer la vague de protestations, les hommes d'Oufkir ont dû intervenir et tirer sur les rebelles. Le nombre de victimes varie selon les sources et va de 10 à 1000 personnes. Ce fut entre le 21 et le 23 mars. Malgré ce climat, de nouvelles révoltes estudiantines ont eu lieu au mois de juin. Elles amènent Feu Hassan II à proclamer l'état d'exception, c'est-à-dire, à suspendre le Parlement et à s'octroyer momentanément les pleins pouvoirs législatifs et exécutifs. Quelques mois plus tard, l'opinion publique nationale se focalise sur l'enlèvement ou la disparition de l'homme politique Mehdi ben Barka. Le 29 octobre 1965, alors qu'il prépare une réunion de la Tricontinentale (un groupe de militants socialistes) sa disparition provoque une grève générale au Maroc et elle reste, jusqu'à l'écriture de ces lignes, un mystère, malgré les enquêtes menées à ce sujet au Maroc et en France depuis bien des décennies. D'ailleurs, il y a environ vingt-trois ans, un juge français a rouvert ce dossier épineux. Ce fut en juillet 2001, cette fois sur la base de témoignages de personnes n'ayant jamais rencontré le mathématicien et homme politique en question, ouvrant la voie à des spéculations impressionnistes sur les liens possibles entre le disparu et des agents secrets, tantôt marocains, tantôt français... Zoom : Des zaouias, des médersas et une université Avant l'arrivée du Protectorat français, le système éducatif instauré au Maroc au VIIème siècle avec la conquête arabe incluait des écoles coraniques qui étaient soit des médersas urbaines ou alors des zaouïas rurales. Dans ces deux types d'écoles islamiques, les principales matières dispensées étaient la religion, la langue et les mathématiques élémentaires. L'accès à l'école primaire de l'Université Al Karaouyine de Fès, qui enseignait également les sciences expérimentales, mathématiques, humaines, juridiques, linguistiques et sociales, était le privilège des happy few.
À partir de 1912, le Protectorat français instaure des écoles dites de fils de notables et des collèges français pour les nantis, principalement à Casablanca, Rabat, Fès, Meknès et Marrakech. La langue française était, ipso facto, considérée comme la langue de l'élite, du savoir, et dans certains cas, du pouvoir.
Après l'indépendance du Royaume, le système éducatif national a connu de nombreuses réformes, notamment celle initiée par feu Mohammed Benhima, qui était axée sur les quatre grands piliers : la généralisation, l'arabisation, l'unification et la marocanisation de l'enseignement.
La démocratisation de l'accès, d'abord au secondaire puis à l'université, ne s'est hélas pas fait sans mal. En témoignent les événements des carrières centrales dites de mars 1965 qui, faute de quota en classes terminales dans les quartiers populaires et dans les villages enclavés, elles se sont soldés par des actes de rébellion et de révolte en milieux populaires. Langues étrangères : Le français pour s'ouvrir au monde francophone En 1955, 96% des enseignants marocains et 42% des enseignantes marocaines ne disposaient d'aucune formation pédagogique.
En 1999, le gouvernement se lance dans un vaste programme de réforme, avec l'adoption de la Charte nationale de l'éducation en 1999 et la période 2000-2009 devient « décennie de l'éducation ». Le Maroc a également réussi à améliorer l'accès au système éducatif de base avec l'aide de la Banque Mondiale et d'autres organismes multilatéraux.
En 2006, SM le Roi Mohammed VI décide de créer le Conseil supérieur de l'enseignement.
En 2009, le Royaume se dote d'un Programme d'urgence visant à sauver le Système éducatif de la dynamique litanique des réformes. Le plan d'urgence s'intéresse à la période allant de 2009 à 2012 et se focalise sur les leçons apprises au cours de la décennie précédente. Au milieu de tout cela, le gouvernement marocain demande à cinq bailleurs de fonds importants, à savoir l'Union Européenne (UE), la Banque européenne d'investissement (BEI), l'Agence française de développement (AFD), la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque Mondiale d'aider à la mise en œuvre du programme de réforme du plan d'urgence.
Le 10 février 2016, sous Hautes Instructions Royales, la tutelle recommande vivement de donner bien plus d'importance à la langue française dès l'école primaire.
Rappelons que cette mesure intervient après avoir créé des sections internationales dans plusieurs établissements du Royaume, à compter de la rentrée scolaire 2013/2014.
La réforme est accentuée par le ministre de l'Education nationale en juillet 2017 pour la rentrée suivante avec l'instauration obligatoire de 2 heures de français dès la première année du cycle primaire.