Le rapport annuel d'Antonio Guterres sur le Sahara a dévoilé les incartades du Polisario envers la MINURSO et l'implication de l'Algérie dans le conflit, renvoyant la balle au Conseil de Sécurité. Décryptage. Après une année de turbulences, le Polisario est trahi par ses propres agissements qui le rendent de plus en plus décrédibilisé auprès de la Communauté internationale. En témoignent les conclusions du rapport annuel du Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres, qui a souligné les incartades du front séparatiste qui n'a désormais nulle autre préoccupation que d'entraver le travail de la MINURSO dans la zone tampon près du mur de défense. Le patron de l'ONU a été clair lorsqu'il a fait état de la persistance des "restrictions imposées par le Polisario à la liberté de circulation" qui empêchent la MINURSO "d'assurer de manière sûre et fiable des opérations de logistique, de maintenance et de ravitaillement à destination des bases d'opérations situées à l'Est du mur de sable".
Des blocages aux allures d'harcèlement récurrent Le Polisario a tellement perturbé le travail de la MINURSO que ses convois ont été quasiment incapables de circuler librement et atteindre leurs bases d'opérations situées à Agüenit, Mehaires, Mijek et Tifariti. La situation a été si critique que, le 17 mars 2023, les réserves de carburant des bases d'opérations situées à l'Est du mur de sable se sont presque épuisées. Les milices du front sont allés jusqu'à barrer la route aux convois de la mission onusienne près de la zone de Mehaires alors qu'ils étaient en route pour s'approvisionner. Les casques bleus, lit-on sur le document de 18 pages, ont dû rebrousser chemin vers Smara à la demande des miliciens.
La mise en garde du Maroc Ce n'est qu'après de longs pourparlers avec les responsables onusiens que le front s'est trouvé obligé d'autoriser à titre exceptionnel le passage des convois de la MINURSO vers les zones susmentionnées. Ces blocages récurrents expliquent pourquoi le Maroc, par la voix de son ambassadeur permanent auprès des Nations Unies, Omar Hilale, a haussé le ton, le 27 octobre 2022, en disant que le Maroc serait en droit de réagir et de reprendre le contrôle de la zone tampon si la MINURSO s'en retirait. Les observations de Guterres sont accablantes pour le front séparatiste qui, rappelons-le, s'est retiré unilatéralement de l'accord de cessez-le-feu de 1991 auquel le Maroc demeure attaché en dépit de la reprise du harcèlement des milices du front. Contrairement aux prétentions du Polisario qui se targue dans ses relais de propagande d'avoir repris la guerre, il n'en est rien aux yeux de l'ONU qui fait état de quelques "tensions et hostilités de faible intensité". Le rapport mentionne, toutefois, l'existence de frappes de drones menées par les FAR contre les incursions hasardeuses près du mur de défense. De son côté, l'Armée Royale a signalé à la MINURSO 550 faits impliquant des tirs contre ses unités stationnées le long du mur de sable ou à proximité, dont 69% environ à Mahbas. Parmi les faits d'armes qui font le plus de bruit, on trouve la liquidation d'un des commandants militaires du Polisario à Bir Lahlou par une frappe de drones alors que ce dernier s'aventurait témérairement près du mur. Selon plusieurs articles de médias marocains, il s'agit de Abba Ali Hammoudi, Commandant de la soi-disant sixième région militaire, dont le Polisario a confirmé la mort dans un communiqué publié le 2 septembre 2023. En gros, selon l'ONU, la zone connaît parfois des accrochages de faible intensité entre les milices du Polisario et les FAR. A ce sujet, le Secrétaire Général des Nations Unies précise dans son rapport que "la plupart des tirs de part et d'autre du mur de sable signalés à la MINURSO par les parties sont restés concentrés dans le Nord du territoire, près de Mahbas". "La MINURSO n'a souvent pas été en mesure de confirmer de manière indépendante le nombre et le lieu des tirs signalés, et leurs conséquences ont continué de faire l'objet d'affirmations divergentes par les parties", lit-on sur le document. En reprenant les armes, ne serait-ce que par acte de provocation, le Polisario s'est compromis lui-même sachant que le front s'est efforcé de s'en prendre même au Conseil de Sécurité. Dans un communiqué publié le 2 septembre, le front a justifié ses actes par "l'inaction" de l'instance exécutive de l'ONU. Raison pour laquelle il s'est permis de reprendre la prétendue lutte armée. L'Algérie refuse les tables rondes Tous ces éléments prouvent encore une fois les dérapages du Polisario qui se conduit comme un groupe terroriste plutôt qu'autre chose, et ce, quoi qu'il dise. Des agissements qui ne peuvent que compliquer la mission de l'Envoyé personnel du Secrétaire Général de l'ONU pour le Sahara, Staffan De Mistura, qui cherche toujours les moyens de ressusciter le processus des tables rondes auxquelles ni le Polisario ni l'Algérie ne souhaitent revenir. Une façon de se soustraire de leurs responsabilités. Ce refus obstiné est jusque-là incompris vu que ces derniers y ont déjà participé en 2018 et 2019 lors du mandat de Horst Köhler. D'ailleurs, le rapport souligne l'opposition d'Alger à prendre part aux négociations. Alger préfère échapper à la réalité en appelant à des négociations directes avec le Polisario. Ce que refuse catégoriquement le Maroc qui rejette cet argument aussi bien spécieux que facile puisque le front, n'étant pas maître de sa décision, prend ses instructions d'Alger.
La balle est chez le Conseil de Sécurité Alors que le Royaume offre l'opportunité de l'autonomie, une solution qui permet de sortir par le haut de ce conflit, le Polisario et son parrain algérien restent cramponnés au mythe de l'autodétermination même si cette option n'est plus à l'ordre du jour et que la faisabilité du référendum est impossible. Tous ces éléments devraient jouer en défaveur de la thèse séparatiste lors de la prochaine réunion du Conseil de Sécurité qui s'apprête à rendre sa fameuse Résolution le 31 octobre. Une Résolution qui, en théorie, ne promet pas de nouveautés majeures à l'exception de la prolongation du mandat de la MINURSO, selon plusieurs experts interrogés par « L'Opinion ». En définitive, l'enjeu est de savoir si les membres du Conseil de Sécurité, notamment les Etats-Unis, qui sont les porte-plumes de la Résolution, vont nommer expressément l'Algérie en tant que partie au conflit, sachant que ce pays est nommé vingt fois dans le rapport d'Antonio Guterres. Il est temps d'appeler les choses par leur nom, estime Mohammed Maelaïnin, ex-ambassadeur du Royaume et fin connaisseur du dossier du Sahara, qui plaide pour que "cesse la courtoisie onusienne envers l'Algérie".
Trois questions à Emmanuel Dupuy : "Le blocage de la MINURSO joue en défaveur du Polisario Pensez-vous que le Conseil de Sécurité prendra acte dans sa prochaine Résolution de l'implication de l'Algérie ?
D'abord, le rapport a corroboré les Résolutions précédentes du Conseil de Sécurité en demandant que le mandat de la MINURSO soit prorogé d'un an, contrairement à ce que demandaient certaines parties qui plaidaient pour six mois seulement. Concernant l'Algérie, son rôle est réaffirmé d'un rapport à l'autre et cela ne fait plus aucun doute. Il est important qu'on retienne la multiplication des incidents dont le Polisario est à l'origine et qui vont à l'encontre de ce que dit l'Algérie. En ne dénonçant pas ces agissements, Alger semble donner raison au Polisario.
Est-ce probable que le Conseil de Sécurité réagisse cette année plus vigoureusement face au Polisario qui continue d'entraver la circulation de la MINURSO ?
Il est évident que cela ne joue nullement en faveur du Polisario, d'autant plus que les cas de blocage de la MINURSO mentionnés dans le rapport émanent du côté du Polisario. A cela s'ajoutent les cas de violence initiés par le front. Cela ne conforte pas la position du Polisario en tant qu'acteur crédible et légitime. Le rapport dresse plutôt le portrait d'un acteur qui privilégie plus une posture belliqueuse que la négociation.
La reprise des tables rondes demeure la priorité des Nations Unies, y a-t-il un moyen de pression qui pourrait convaincre l'Algérie d'y participer ?
Il n'y a aucun moyen à mon avis. L'Algérie est dans une forme solitaire de l'exercice de son implication dans le dossier puisqu'elle met en cause les efforts du Maroc comme elle minimise le rôle de la Mauritanie. Le président Tebboune, je le rappelle, est très affaibli politiquement et n'a nullement intérêt à accepter de reprendre le dialogue avec le Maroc. Il suffit de lire les différentes déclarations des représentants marocains et algériens à l'ONU pour s'apercevoir de la grande différence d'appréciation entre les deux pays sur la résolution de ce conflit. Aussi, le contexte actuel ne montre pas que l'Algérie soit ouverte au dialogue. Au moment où le Maroc renforce ses alliances internationales, l'Algérie se referme plus sur elle-même en comptant ses amis et en se cramponnant sur ses positions concernant les différentes questions internationales, dont le conflit du Sahara.
MINURSO : La collaboration bienveillante du Maroc Antonio Guterres n'a pas manqué de mettre en exergue la "coopération étroite" entre les autorités marocaines et la MINURSO au Sahara marocain. Il a mis en relief "la coopération et la communication continue au niveau stratégique entre la MINURSO et les Forces Armées Royales", y compris à travers les "deux visites au siège de l'Etat-Major Général des FAR, Zone Sud, à Agadir, en septembre 2022 et juillet 2023". Le Secrétaire Général a ajouté que ces contacts permanents se sont traduits au niveau opérationnel par la tenue de trois réunions "entre la composante militaire de la MINURSO et les FAR, une à Laâyoune en novembre 2022 et deux à Agadir en décembre 2022 et janvier 2023, respectivement". De même, il a indiqué que la MINURSO a pu effectuer les visites qu'elle a souhaitées auprès des unités des Forces Armées Royales, dans le cadre de son mandat de supervision du Maroc - Algérie : La désescalade ? Après la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc, décidée unilatéralement par l'Algérie en 2021, le flou plane sur l'avenir de la région. Les Nations Unies ont fait part de leur inquiétude de voir le dialogue rompu entre les deux pays alors que la résolution du conflit du Sahara implique la présence de toutes les parties concernées autour de la table de négociations. Ce contexte tendu préoccupe profondément l'émissaire onusien, Staffan De Mistura, qui, selon le rapport de Guterres, "a pris note des assurances données par les responsables d'Alger et de Rabat qu'aucune autre escalade n'était recherchée".
L'émissaire onusien, rappelle la même source, s'est rendu, le 13 septembre 2023, en Algérie où il a été reçu par le ministre algérien des Affaires étrangères qui lui a fait part de son soutien. Une affirmation contredite par la réalité puisque le meilleur moyen de soutenir les efforts de De Mistura est de participer aux tables rondes pour lesquelles plaident les dernières Résolutions du Conseil de Sécurité, dont celle de 2023 qui a clairement appelé toutes les parties prenantes à s'asseoir sur la même table. Alger, rappelons-le, refuse d'y prendre part sous prétexte que ce schéma est "obsolète". Pour sa part, la Mauritanie demeure attachée à sa position de "neutralité positive" telle que réitérée par le Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, et son ministre des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Merzoug, lors de leur dernière entrevue avec De Mistura, le 15 septembre 2023.