Malgré une légère hausse de l'Indice de Confiance des Ménages (ICM), la préoccupation financière persiste chez les foyers marocains, révélant une vision pessimiste de l'avenir, selon la dernière note du HCP. Le fardeau de la conjoncture économique actuelle continue de peser sur les ménages, avec peu d'indications d'un soulagement imminent dans un avenir proche. Les résultats de l'enquête permanente de conjoncture auprès des ménages menés par le Haut-Commissariat au Plan (HCP) au troisième trimestre de 2023 indiquent que bien que le moral des ménages se soit légèrement amélioré par rapport au trimestre précédent, il demeure en deçà des niveaux enregistrés au même trimestre de l'année précédente. La note révèle, dans ce sens, que « l'Indice de Confiance des Ménages (ICM) s'établit à 46,5 points au lieu de 45,4 points enregistrés le trimestre précédent et 47,4 points le même trimestre de l'année précédente ».
Le pessimisme prend le dessus
Les chiffres issus de l'enquête révèlent des préoccupations significatives parmi les ménages marocains. Au troisième trimestre de 2023, 86,1% des ménages ont rapporté une dégradation de leur niveau de vie au cours des 12 derniers mois, tandis que 52,5% s'attendent à une dégradation similaire au cours des 12 prochains mois. El Mehdi Fakir, économiste et professeur universitaire à l'Institut supérieur de commerce et d'administration des entreprises (ISCAE), souligne que « cette perception pessimiste des familles est tout à fait compréhensible, étant donné que les coûts d'inflation sur les produits alimentaires ont atteint des niveaux à deux chiffres pour la première fois en de nombreuses années », notant ainsi que « l'accumulation de crises a eu un impact sur la confiance des familles concernant leur avenir ».
« Les phénomènes inflationnistes semblent s'être installés de manière quasi-permanente ». El Mehdi Fakir, Economiste. « Les phénomènes inflationnistes semblent s'être installés de manière quasi-permanente, en particulier en ce qui concerne les hydrocarbures, dont les prix ne retrouveront pas leur stabilité d'avant la crise ukrainienne. Cela a directement affecté le pouvoir d'achat des ménages, sans oublier les défis liés à la sécheresse et aux niveaux de précipitations », précise Fakir. Inquiétudes sur l'emploi
Selon le Haut-Commissariat au Plan, au troisième trimestre de 2023, la préoccupation majeure des ménages marocains réside dans l'emploi. En effet, 86,7% des ménages anticipent une hausse du chômage au cours des 12 prochains mois, tandis que seulement 4,8% s'attendent à une amélioration de la situation. Ces données mettent en évidence le climat d'incertitude quant à la stabilité de l'emploi, avec un solde d'opinion négatif à moins 81,9 points. « Ce manque de confiance généralisé n'a pas seulement un impact sur les ménages, mais également sur les acteurs économiques, qui hésitent à investir en raison de l'instabilité et du manque de ressources », explique, à cet égard, El Mehdi Fakir, signalant que « l'économie, qui avait l'habitude de créer des emplois, ne le fait plus, en particulier dans les régions rurales touchées par des vagues de sécheresse successives».
L'achat de biens durables n'est pas une priorité
Durant la même période, la prudence financière est au rendez-vous parmi les ménages marocains, avec 79,5% d'entre eux considérant que ce n'est pas le moment opportun pour réaliser des achats de biens durables. Seulement 8,0% estiment que c'est le bon moment. Ces chiffres traduisent une réticence persistante à investir dans des biens durables, illustrée par un solde d'opinion négatif de moins 71,5 points, mettant en lumière les inquiétudes économiques de la population.
Une lueur d'espoir
Le pessimisme persistant pourrait bientôt céder la place à l'espoir grâce au lancement du Registre national visant à identifier les ménages nécessitant une aide directe. Cela fait écho aux paroles royales prononcées lors de l'ouverture de la première session de la troisième année législative de la onzième législature.
Trois questions à Pr Lakhyar Zouhair « L'augmentation des prix crée un cercle vicieux de déclin économique » Professeur de l'enseignement supérieur à l'université Hassan II à Casablanca, Lakhyar Zouhair a répondu à nos questions.
* Pourquoi plus de la moitié des ménages marocains anticipent-ils une détérioration de leur niveau de vie au cours des 12 prochains mois ? L'analyse de ce phénomène est assez évidente. La rapide augmentation des prix, en particulier des matières premières essentielles comme les carburants, alimente les inquiétudes des citoyens quant à de nouvelles hausses de prix. La baisse de la confiance économique des Marocains accentue aussi ces préoccupations. Il est même possible que l'autre moitié de la population, qui n'a pas encore exprimé ses préoccupations, soit également inquiète mais n'ait pas encore ressenti pleinement l'impact des prix élevés sur son niveau de vie.
* Le rapport prévoit une augmentation du taux de chômage, comment expliquez-vous cette tendance ? L'augmentation des prix ne profitera pas nécessairement aux vendeurs, car elle entraînera une baisse des revenus des consommateurs et, par conséquent, une diminution de la demande. Les augmentations de prix dépassant le pouvoir d'achat des consommateurs les inciteront à réduire leurs dépenses, ce qui contraindra de nombreuses entreprises à réduire leur production. Cette réduction de la production entraînera des pertes d'emplois, alimentant ainsi la croissance du chômage. Une augmentation continue du chômage entraînera une nouvelle diminution de la demande, réduisant encore la production et alimentant davantage le chômage. Cela crée un cercle vicieux de déclin économique.
* Pourquoi les ménages marocains estiment-ils que ce n'est pas le moment propice pour effectuer des achats de biens durables ? La hausse des prix a contraint les citoyens à réorganiser leurs priorités budgétaires, car ils ne peuvent plus satisfaire tous leurs besoins avec le même revenu. Il est donc naturel qu'ils renoncent à certains biens de luxe qui étaient considérés comme essentiels auparavant. Par conséquent, cette augmentation des prix va inciter les consommateurs à s'abstenir d'acheter beaucoup de biens et de services, non seulement les biens durables, ce qui affectera négativement la demande globale et nuira aux intérêts du vendeur lui-même.