Au vu des mutations démographiques et socio-économiques que connaît la société marocaine, le besoin en travailleurs sociaux devient de plus en plus urgent et pressant. Zoom sur la formation de ce profil avec le Coordinateur de la Licence professionnelle « Accompagnateurs sociaux » à la Faculté des Lettres Ben M'Sik-Casablanca. - Avant de dresser un bilan de la situation des travailleurs sociaux, il sied d'abord de braquer les projecteurs sur la nuance qui existe entre cette dénomination et celle d'assistant social ? - Le travailleur social est générique. Il englobe plusieurs métiers et profils intervenant dans le domaine médico-social. Selon la définition donnée par la loi 45-18, relative à la réglementation de la profession du travailleur social, « le travailleur social est toute personne physique exerçant à titre professionnel dans l'assistance de groupes ou d'individus de différentes catégories qui ont des difficultés à participer pleinement à la vie sociale, et ce, dans le but de faciliter leur intégration dans la société et garantir ou sauvegarder leur indépendance ainsi que leur dignité ». Donc, c'est une personne qui intervient dans différents domaines d'assistance ou d'accompagnement à caractère social.Ce terme couvre une grande hétérogénéité des profils et des métiers qui interviennent dans l'assistance sociale, l'animation économico-sociale, l'accompagnement et le soutien familial et social, et, enfin, le développement social. L'assistance sociale est, quant à elle, une partie du travail social.
Actuellement, combien de travailleurs sociaux dénombre-t-on sur le territoire national ?
Selon les statistiques du ministère de la Solidarité, de l'Insertion sociale et de la Famille, on dénombre 35.000 travailleurs sociaux qui interviennent dans des secteurs publics et privés. Selon les projections du ministère, ce chiffre devrait atteindre 45.000 à l'horizon 2025. N'empêche que ce nombre reste insuffisant par rapport aux besoins de la société. - Comment expliquez-vous le besoin grandissant en travailleurs sociaux ? - Les besoins sont énormes en raison des mutations démographiques et socio-économiques de la société marocaine. Sur le plan démographique, et selon le concept de la transition démographique, notre société connaît une accélération du vieillissement de la population, à l'instar de tous les pays. C'est un constat international. Le vieillissement représente 10% de la population. Cette catégorie âgée de plus de 60 ans représente plus de 3 millions de personnes actuellement. D'après les projections du Haut-Commissariat au Plan (HCP), ce nombre est appelé à passer à 10 millions à l'horizon 2050. Qui dit personnes âgées parle forcément de personnes vulnérables qui ont besoin d'être prises en charge et accompagnées. D'un point de vue socio-économique, je pense particulièrement à l'évolution de la structure familiale. La famille marocaine est passée de la famille élargie à la famille nucléaire. S'y ajoute un autre facteur, celui du travail des femmes en dehors du foyer. Ce qui a accentué ce besoin d'avoir des accompagnateurs sociaux susceptibles de prendre en charge les personnes vulnérables (personnes âgées, personnes en situation de handicap...). Par conséquent, la solidarité familiale a pris un coup dur à ce niveau. Résultat : on voit de plus en plus de personnes âgées placées dans la maisons de retraite. D'où l'importance de former rapidement des jeunes dans les métiers du médico-social. - Les formations assurées par l'enseignement supérieur sont-elles suffisantes pour pallier ce manque de ressources humaines ? - Au niveau des établissements supérieurs, la formation des travailleurs sociaux reste timide. C'est parce qu'on est au début de ce processus. Toutefois, on assiste au lancement de formations dans ce domaine par un certain nombre d'établissements supérieurs. J'espère que ce genre de formations se multipliera dans les années à venir. D'où le lancement en octobre 2022 d'un programme de formation et de certification conjointe de 10.000 spécialistes en action sociale, en vertu d'une convention conclue entre le ministère de la Solidarité, de l'Insertion sociale et de la Famille et le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l'Innovation. Ce qui encouragera les établissements à lancer de nouvelles filières en rapport avec le domaine social (l'assistance sociale, l'accompagnement, l'éducation spécialisée...).
- Au niveau de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Ben M'Sik-Casablanca, quelles sont les mesures prises pour accroître le nombre de ces professionnels ? - La Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Ben M'Sik est pionnière dans ce domaine puisque, dès 2017, nous avons lancé la Licence professionnelle « Accompagnateurs sociaux », spécialisés dans l'encadrement et l'accompagnement des personnes en situation de handicap et personnes âgées. Cette formation spécialisée et professionnalisante s'étale sur trois années. Elle vise à dispenser un savoir et à favoriser l'émergence des compétences chez l'apprenant destiné à s'investir dans le champ social. La formation que nous dispensons est polyvalente. Elle intègre différentes matières (psychologie, sociologie, droit, communication, gestion de projets, assurance...). Au programme également, figure la visite de structures et des projets de fin d'études. Cette formation est assurée aussi bien par des académiciens que par des professionnels (médecins, sociologues, acteurs de la société civile, ...), lesquels viennent partager avec nos étudiants leurs expériences sur le terrain. Notre objectif est de former des jeunes compétents capables d'exercer leur activité sociale d'accompagnement des personnes en situation vulnérable dans le respect de la dignité et d'autonomie de ces personnes. Nous ne pouvons pas réussir cette formation sans l'apport de ces professionnels. Malheureusement, c'est un cri d'alarme que je lance à travers vos colonnes : les ressources financières au sein de notre structure restent très limitées. Ce qui ne permet pas d'attirer ces professionnels à intervenir et à s'impliquer dans notre formation.