Orphelin dès ses sept ans, le grand-père portait le poids d'une vie façonnée par l'âpreté des jours et l'austérité des cœurs. C'était un homme de peu de mots, mais dont chaque silence disait plus que mille discours. À sa manière, il aimait ses enfants, avec une pudeur qui confinait parfois à la rudesse. Jamais il ne leur avait dit "je t'aime, mon fils", et jamais il n'avait entendu "je t'aime, mon père". Ces mots, étrangers aux mœurs de son époque, semblaient inutiles à ses yeux : l'amour, il le prouvait par les gestes, non par les phrases. Mais avec ses petits-enfants, c'était une autre histoire. Mâles ou femelles, tous trouvaient une place particulière dans son cœur. Le jour de l'Aïd el-Kebir, lorsque la famille entière se rassemblait autour de lui, enfants, épouses, maris, petits-enfants bruissant comme une rivière vive, il rayonnait d'un bonheur rare. Ces moments, il les savourait comme un festin divin. Et le goût du "boulfaf", partagé sous son regard bienveillant, prenait alors la saveur du bonheur absolu. Un soir d'hiver, l'un de ses petits-fils célébra ses noces. Ce fut une nuit pleine de lumière et de promesses. S'il avait été là, il aurait été comblé, le grand-père, entouré des siens, contemplant ce cercle familial qu'il avait tant chéri. Mais aujourd'hui, dans ce jour ensoleillé, c'est depuis les hauteurs invisibles qu'il veille. Son regard s'attarde sur ce petit-fils qui s'unit, et dans le même élan, il protège, il bénit tous les autres : fils et filles, grands et petits. De là-haut, il reste le pilier de leur histoire, l'écho de leurs souvenirs, le gardien de cet amour qu'il savait taire mais qu'il n'a jamais cessé d'offrir. A " Rahma " t'accompagne pour l'éternité.