" Le défi démographique le plus redoutable auquel le monde fait face n'est plus la croissance de la population, mais son vieillissement ", estime le FMI dans une récente étude. Une alerte qui met l'accent d'ailleurs sur les lourdes implications et les énormes risques que représentent cette nouvelle tendance aux niveaux mondial et local. Phénomène planétaire Au delà des classiques préoccupations suscitées par la croissance rapide de la population mondiale telle la sécurité alimentaire, le réchauffement de la planète ou encore l'épuisement des ressources naturelles, les auteurs de cette étude s'inquiètentent particulièrement par rapport au vieillissement "qui représente l'un des plus grands défis actuels et à venir". " Le vieillissement de la population est un phénomène planétaire. La majorité des pays doivent faire face à une augmentation de leur population de personnes âgées et le Maroc n'échappe pas à cette tendance mondiale ", nous explique Pr Abdelfettah Zakaria Mekouar, Coordinateur de la Licence professionnelle « Accompagnateurs Sociaux », spécialité personnes en situation de handicap et personnes âgées à la Faculté des Lettres Ben M'Sik. Des propos confirmés par des stastistiques plutôt inquiétantes, comme l'estiment les experts du FMI. Entre 2000 et 2050, la proportion de la population mondiale âgée de plus de 60 ans doublera pour passer de 11% à 22%. Le nombre de ces personnes devrait augmenter pour passer de 65 millions à deux milliards au cours de la même période. Le Maroc n'y échappe pas " Au Maroc, il est clair que dans un avenir proche, il y aura plus de personnes de plus de 60 ans que de personnes de moins de 20 ans. Le pays a connu entre 1960 et 2006 des mutations démographiques importantes qui ont favorisé cette évolution de la pyramide démographique " ajoute Pr Mekouar. L'universitaire évoque la baisse de la fécondité ( de 7,2 à 2,4 enfants par femme); l'amélioration de l'éspérance de vie (72 ans) et l'augmentation de la proportion des personnes âgées qui est passé de 7% à 8% pour atteindre 15% d'ici 2030. Même constat par les experts du FMI. " Le vieillissement de la population constitue la tendance démographique dominante au niveau mondial. Il résulte du recul de la fécondité, des progrès de la longévité et de l'entrée de grandes cohortes dans le troisième âge", analyse l'étude du FMI en alertant par rapport aux conséquences et risques de ce vieillessement génralisé. " Au Maroc, le problème essentiel reste la prise en charge des personnes âgées qui deviennent plus vulnérables sur le plan physique tout en dévelloppent un tas de problèmes de santé", nous explique Pr Abdelfettah Zakaria Mekouar. En plus des implications sanitaires de la vieillesse; l'expert évqouent les problémtiques socio-économiques qui y sont liées et qui affectent profondément le "bien être" de cette catégorie de la population. Ô vieillesse ennemie ! " Ces personnes sont en arrêt de travail car en retraite par définition, avec des ressources financières réduites si elles étaient toutefois actives professionnellement auparavant. Dans le cas inverse, ces personnes sont carrément en situation de vulnérabilité socio-économique car ne disposant d'aucune pension ni d'autres revenus ", détaille l'universitaire. Ce dernier déplore en particulier les montants "souvent dérisoires des pensions allouées à la majorité des retraités vieillissant". Des propos qui sont franchement confirmés par les chiffres officiels : 86,7% des personnes âgées au Maroc n'ont aucune couverture médicale dont 77,6% vivant en milieu urbain et 96,8% dans le rural. Plus de 62 % des femmes et 55,1% des hommes malades n'accèdent pas aux soins de santé par manque de moyens matériels. Pire encore, seuls 16,1% des personnes âgées bénéficient d'une pension de retraite. Maigre proportion ? " En effet, c'est une minorité et c'est justement là où réside la gravité de la situation ", estime Mekouar. Solitude Mais ce n'est pas pour autant les seules faiblesses de la vieillesse marocaine qui souffre également de problématiques de handicap, d'intégrité physique et de dépendance. En chiffres, 30,7% de ces personnes sont incapables d'effectuer des taches de la vie quotidienne, 58,9% ont déclaré avoir au moins une maladie chronique aigue. Une souffrance physique doublée parfois d'une souffrance émotionnelle due essentiellement au sentiment de solitude et d'abandon. " Bien que 92% des personnes âgées déclarent entretenir des rapports constants avec leurs enfants, 63% souffre de la solitude, 60% de façon permanente et 40% de façon occasionnelle ", nous explique Pr Mekouar. Un triste constat que le spécialiste explique par les mutations de la famille,de la société marocaine et son individualisation progressive. " La famille est devenue nucléaire et il faut se l'avouer les personnes âgées ne sont plus prises en charge comme elles l'étaient aupravant. Ceci soit par manque de moyens et de disponibilité, par ingornace ou incapacité à assumer une telle responsabilité ", diagnostique le spécialiste. Solution réaliste Si la famille démissionne de son rôle "gériatrique", qui pourrait prendre soin des séniors marocains dans ce cas de figure ? D'après Pr Mekouar, les maisons de retraite et les structures d'accueil devraient remplir cette mission. " Sans états d'âme, il faut appréhender cette option comme une solution viable à cette problématique. Mais il faut toutefois préparer le terrain en améliorant la couverture sociale et le système de cotuisations, de retraite et des pensions ", recommande le Coordinateur de la licence professionnelle des accompagnateurs sociaux. Une formation qui devrait préparer les ressources humaines qualifiées pour se chargher de cette mission délicate. Si le Maroc compte actuellement une trentaine de "maisons de vieux", ce nombre sera bientôt insuffisant pour accueillir la grande masse de personnes vieillissantes dans les prochaines années. " Il faut préparer les structures d'accueil dédiées avec le dispositif adminitratif et la couverture sociale adaptés afin d'offrir une prise en charge de qualité à nos séniors comme c'est le cas en Europe et ailleurs " ajoute le spécialiste. Une préparation multidimensionnelle impliquant secteur public et privé pour pouvoir désamorcer "cette bombe à retardement" comme la qualifie Pr Mekouar.