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Entretien : «C'est plus la gestion des caisses de retraite qui pose problème, que le vieillissement de la population»
Publié dans Finances news le 05 - 06 - 2014

Au Maroc, la situation démographique ne peut pas être considérée comme le seul facteur explicatif des difficultés des caisses de retraite, notamment la Caisse marocaine des retraites. La CMR (comme les autres caisses) doit fonctionner comme une société anonyme, avec une assemblée générale des retraités et des affiliés pour approuver les projets de dépenses. Après avoir analysé l'évolution démographique au Maroc, le Professeur Mohammed Akaaboune, de l'Université Mohammed V-Souissi à Rabat, explique les principales conséquences de la politique actuelle, mais surtout comment y remédier.
Finances News Hebdo : Si l'on poursuit la même tendance, le taux de croissance démographique ne cessera de décélérer. Quelle en seraient les conséquences ?
Mohammed Akaaboune : En effet, la population marocaine évolue vers la phase post-transition avec tous les problèmes qu'elle implique : baisse de la part des actifs, montée de la population dépendante de 3ème âge, allongement de l'espérance de vie ... et à terme déclin démographique. La principale conséquence de la transition démographique concerne le déséquilibre de la structure de la population. Deux types de déséquilibres peuvent être soulignés:
1- Le déséquilibre entre population active et population dépendante. C'est l'accroissement de la part de la population dépendante et donc la baisse de la part des actifs qui devient problématique avec des effets socioéconomiques importants : baisse de la productivité du travail, baisse de la capacité d'innovation, baisse de la production...
2- La désarticulation de la structure de la population dépendante. Avec la baisse de la fécondité à moins du seuil de remplacement des générations à long terme (2,1 enfants par femme en âge de procréer), on assiste à la baisse de la proportion des jeunes par rapport aux autres tranches d'âge avec le risque de crash démographique lié à la baisse du taux de natalité et la stabilité du taux de mortalité à la phase post-transition. Cette situation caractérisée par la dénatalité et le vieillissement et donc par un déséquilibre de la population dépendante qui bascule en faveur des personnes âgées. Le vieillissement démographique se traduit par la hausse de la part de la population âgée et la baisse de la part des jeunes. Le ratio «65 ans et plus» rapporté aux «15-65 ans» augmente. Ce n'est pas encore la situation du Maroc mais à terme ce sera le cas.
F.N.H. : Qu'en est-il du système de retraite, du ratio actif/retraité ... ?
M. A. : Pour ce qui est du système de retraite, certes l'allongement de la durée de vie moyenne d'une part, et le vieillissement de la population d'autre part, auraient des conséquences sur l'équilibre des caisses de retraites. Cependant, au Maroc la situation démographique ne peut pas être considérée comme le seul facteur explicatif des difficultés des caisses surtout la CMR. La part des personnes âgées de 60 ans et plus ne représente encore que 9% du total de la population, parmi ce taux un grand nombre de Marocains ne bénéficie d'aucun système de retraite. Ainsi, d'une part, la part des personnes âgées n'est pas encore alarmante et, d'autre part, c'est la gestion de ces caisses qui pose un grand problème. Nous estimons que la CMR (comme les autres caisses) doit fonctionner comme une société anonyme avec une assemblée générale des retraités et des affiliés pour approuver les projets de dépenses. Il n'est pas normal de gaspiller les ressources des retraités dans des dépenses inutiles telles que celles qui concernent les constructions non indispensables. Nous pensons aux luxueux locaux du siège de la CMR par exemple à Hay Ryad à Rabat. Les affiliés et les retraités n'ont pas besoin de tout ce luxe pour le traitement de leur dossier, de plus ils n'ont pas été consultés pour cela ; or, il s'agit de leurs cotisations qui ont été dépensées de la sorte au lieu de servir à la couverture des prestations de retraite. Il faudrait que le gouvernement se penche du côté des dépenses de ces caisses avant de penser à sanctionner les adhérents par l'augmentation des cotisations et de l'âge d'activité et la réduction des pensions de retraite.
F.N.H. : Sur le taux de chômage, et plus globalement sur l'économie nationale ?
M. A. : Pour ce qui est du marché de travail, le Maroc subit actuellement les effets de cette transition démographique étant entendu que la part des personnes en âge d'activité est importante. La proportion des personnes ayant entre 15 – 59 ans représente de nos jours environ 65% de la population, il en découle une pression sur le marché de travail et donc une montée massive du chômage. Cependant, à côté de ce chômage que l'on peut qualifier de structurel, une bonne part de chômage est liée à des facteurs conjoncturels comme la crise actuelle.
F.N.H. : Sur le plan social, n'est-il pas à craindre que le pays soit pris de court par un fort accroissement du vieillissement, sans préparation de leur prise en charge ?
M. A. : Il faut noter que la population de 60 ans et plus qui ne cesse de croître nécessite la mise en place d'une politique spécifique. Le Maroc n'est pas le seul pays exposé à ce problème, il s'agit d'un problème universel. Les pays africains par exemple sont aujourd'hui des pays jeunes, mais ils vont connaitre un vieillissement démographique rapide en comparaison avec les pays développés. D'ici 2050, le nombre des personnes âgées de 60 ans et plus quadruplera en Afrique. Pour le moment, la prise en charge des personnes âgées repose en grande partie sur les solidarités privées. À l'avenir, les familles auront de plus en plus de mal à répondre convenablement aux besoins spécifiques des aînés, de plus en plus nombreux, si elles ne sont pas soutenues et relayées par des politiques publiques adaptées. L'allongement de l'espérance de vie est vu comme un aspect négatif étant entendu qu'il a des effets directs sur l'équilibre financier des caisses de retraite. Au lieu d'être perçu comme un aspect négatif, et comme le pense le démographe Jacques Vallin, cet aspect doit être considéré comme un succès de l'humanité, un gain de la vie sur la mort. Cependant, la situation actuelle des personnes âgées au Maroc est souvent misérable, elle présente des défaillances à plusieurs niveaux :
- Couverture partielle par les pensions de retraite : Une grande majorité ne survit que grâce à l'entraide familiale ; une minorité a la chance de bénéficier d'une pension de retraite.
- Couverture partielle des personnes âgées en matière médicale : un grand nombre de vieux ne bénéficie d'aucun système de prévoyance sociale ;
- Faiblesse des montants des pensions lorsqu'elles existent ; ce qui nécessite une revalorisation permanente au même titre que les salaires des actifs.
- Absence de structure d'accueil : une fois arrivées à l'état d'incapacité totale ou partielle, les personnes âgées ne trouvent pas de structures d'accueil adaptées. La prise en charge de ces personnes par les membres de leur famille devient de plus en plus difficile.
Il est nécessaire de nos jours de mettre en place une politique appropriée en matière de vieillesse, certaines solutions paraissent urgentes :
1- Formation de jeunes spécialistes en matière de soin et d'aide aux personnes âgées soit à domicile, soit dans les maisons de retraite. Il s'agit là d'une opportunité à saisir en matière d'emploi.
2- Encouragement de la création de maisons de retraite bien organisées et accueillantes pour les personnes âgées avec un service médical et paramédical de bon niveau. Il existe quelques maisons de bienfaisance, mais ce qu'il faut ce sont de vraies maisons de retraite. De telles maisons pourraient attirer même les personnes âgées de l'étranger étant entendu que le climat au Maroc est favorable et le coût ne pourrait pas être aussi cher que dans les pays occidentaux. L'Etat peut mettre en place une véritable politique d'encouragement à la création de ces maisons pour personnes âgées avec des exonérations fiscales, l'action sur le prix du terrain... Cependant, pour éviter l'isolement de ces personnes âgées, on peut toujours envisager la création de complexe socioéducatifs comprenant aussi bien des maternelles, des écoles et des maisons de vieillesse, ce qui permettrait aux personnes âgées de rester en contact avec les jeunes générations.
3- l'exonération fiscale des revenus des personnes âgées ou l'instauration d'un taux spécifique d'imposition ainsi que l'exonération fiscale des produits et médicaments destinés aux personnes âgées.
4- le développement des activités de 3ème âge telles que les travaux d'utilité publique, les activités artistiques, culturelles ...
Une politique d'encouragement des investissements dans ce sens pourrait permettre au Maroc de favoriser une occasion d'investissement importante pour l'emploi mais également pour les recettes en devises si l'on arrive à attirer les retraités des pays étrangers.
F.N.H. : Vous avez formulé nombre de recommandations qui posent les jalons de ce que devrait être la politique démographique pour le Maroc. Quelle est aujourd'hui l'urgence de leur mise en oeuvre ?
M. A. : Les mesures envisageables que nous avons formulées correspondent à la mise en place d'une politique de population adaptée à la nouvelle donne démographique. Une nouvelle politique démographique peut même favoriser la croissance économique et l'emploi. Au Maroc, les politiques de population sont toujours empreintes de mesures anti-natalistes, anti-fécondités et anti-conjugalités héritées de la phase d'explosion démographique ; or, la population marocaine a transité vers la fin de la phase II de la transition démographique. La situation actuelle connait toujours des pratiques dissuasives en matière de natalité, de fécondité et de conjugalité. On peut rappeler la faiblesse des allocations familiales (200 DH par mois limitées à 3 enfants à charge et seulement 36 DH pour les 3 suivants). De même les déductions pour charges de famille de l'IR ne sont que de 30 DH par mois et par personne à charge limitées à 6 déductions. Il en découle une différence entre un marié et un célibataire de 30 DH si le conjoint ne travaille pas. Notons que le Maroc compte actuellement un grand nombre de jeunes célibataires qui n'ont pas toujours choisi de le rester mais il s'agit surtout du coût de la vie et du coût élevé des cérémonies de mariage qui ne sont pas nécessaires. Rappelons à ceux qui justifient les gaspillages des cérémonies par les traditions que nos ancêtres se sont toujours mariés le plus simplement du monde et avec une grande solidarité familiale et même tribale. Les principales mesures correspondent à trois aspects :
1-Mesures concernant la vieillesse : comme le vieillissement démographique est inéluctable étant entendu qu'il est lié à l'allongement de l'espérance de vie, il est nécessaire de mettre en place des structures d'accueil. (voir question précédente).
2- Mesures d'encouragement de la natalité et de la fécondité limitée à travers :
- la baisse des prélèvements fiscaux en faveur de la fécondité notamment à travers la hausse substantielle des déductions pour charge de famille ;
- la revalorisation des allocations familiales et l'institution d'un système progressif en faveur du 3ème et du 4ème enfant ;
- l'allongement du congé de maternité ;
- l'exonération fiscale des produits destinés aux bébés etc.
3- Mesures d'encouragement de la conjugalité : notons d'abord que la vie du couple est un processus de dépense continue qu'il faut renforcer dans le contexte de crise actuelle. Les politiques publiques ont souvent favorisé l'offre mais la demande est souvent négligée. Nous pensons qu'il est possible de relancer la demande à travers la relance de la conjugalité qu'il faut favoriser à travers :
- la baisse de l'IR suite au mariage ou l'exonération pendant les premières années de la vie conjugale par exemple. Au lieu de 30 DH de différence actuellement entre un célibataire et un marié si le conjoint n'exerce pas une activité rémunérée, il est possible d'instituer une différence substantielle de salaire en faveur de la conjugalité qu'il faut encourager par la fiscalité.
- l'encouragement des mariages collectifs qui permettrait de résoudre partiellement le problème du coût exorbitant des cérémonies de mariage.
F.N.H. : Cela n'induira-t-il pas un manque à gagner pour l'Etat ?
M. A. : Ces mesures (hausse des déductions pour charge de famille et hausse des allocations familiales, exonérations fiscales suite au mariage) devraient induire un manque à gagner fiscal pour l'Etat. Cependant, ce manque à gagner serait négligeable étant donné que la perte au niveau de l'impôt direct (IR) et l'accroissement des allocations familiales pourraient être compensés par une augmentation des impôts indirects liés à la consommation aussi bien dans le cas de la conjugalité que ceux de la natalité et de la fécondité.
La relance induite aurait des effets positifs sur la fécondité et également sur l'activité et l'emploi et donc à terme sur les recettes fiscales. De telles mesures auraient des effets positifs au niveau social et économique à travers la relance de la consommation. Le coût de ces mesures en matière fiscal ne peut être que transitoire car le couple bénéficiant des exonérations est appelé à équiper son foyer, voire à acheter son logement et donc à consommer et à investir, ce qui augmente les ressources de la fiscalité. La propension marginale à consommer est très forte chez les nouveaux couples, il nous semble que c'est là une opportunité à saisir en cette conjoncture de crise.


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