Samedi 5 août, les chaînes de télévision algériennes, publiques et privées, diffusent la rencontre du président de la République avec quatre journalistes qui se présentent comme représentants de la presse algérienne. Durant une heure et quarante minutes, le chef de l'Etat algérien a survolé toutes les questions qui préoccupent la rue algérienne sauf celles des détenus politiques, des derniers assassinats de citoyens par des policiers et des gendarmes dans l'impunité totale, de l'excessive cherté de la vie et toutes les questions qui fâchent dont particulièrement celle relative aux relations algéro-marocaines. Evidemment, il n'était pas question de demander au président algérien de répondre au dernier discours du monarque marocain, qui tend une fois de plus, la main pour mettre un terme à une situation qui n'arrange nullement les affaires des deux peuples. Les quatre journalistes, deux de la presse publique (An-nasr, le quotidien régional de l'Est du pays et la chaîne de télévision Internationale) et deux de la presse privée (le quotidien arabophone Al-Khabar et le quotidien francophone l'Expression à l'audience très limitée) n'avaient qu'à lire les questions préparées et orientées comme le démontre clairement le journaliste de la nouvelle chaîne publique « Algérie Internationale » (AI 24) qui dirigeait les débats en annonçant le sujet de la question qui allait être posée. Une véritable mise en scène qui prouve l'absence de tout débat libre même avec des journalistes totalement acquis aux thèses du pouvoir. Ce qui semble avoir été retenu, le plus, par l'opinion publique algérienne ce sont ces sujets repris et commentés avec beaucoup d'humour sur les différents réseaux sociaux. Premier sujet à avoir soulevé l'hilarité générale est celui du dessalement de l'eau de mer. Comme à son habitude, le chef de l'Etat algérien aime vanter ce qu'il croit être ses réalisations. Le dessalement de l'eau de mer qu'il a découvert le 5 juillet dernier en posant la première pierre d'une station à Cap Djinet dans la wilaya de Boumerdes à une cinquantaine de kilomètres à l'Est d'Alger. C'était le premier projet dont il pose la première pierre depuis son investiture en décembre 2019. C'est ce qui l'amène à extrapoler pour dire que l'Algérie sera la première en Afrique et la 3ème dans le monde arabe à produire de l'eau dessalée. Et d'enfoncer le bouchon en affirmant sans retenue aucune que la production algérienne en eau dessalée, une fois toutes les stations entrées en fonction, sera de 1, 4 milliard de m3 par jour. Un chiffre incroyable. Avec pareille production, selon un expert en hydraulique, on pourrait cultiver une superficie de plus de 70 millions d'hectares de tomate ou de culture équivalente. De quoi nourrir une grande partie de l'humanité. Tebboune ignore, certainement, que dans le monde, selon des sources crédibles, existent 18.000 stations de dessalement d'eau de mer. Elles produisent 95 millions de m3 par jour. On est bien loin des chiffres extravagants du président algérien. Pour atteindre la production prévue par Tebboune, il faudrait 265.000 stations. A la télévision algérienne, on s'est bien rendu compte de la bourde du président et on a vite fait de couper le dernier mot de sa phrase « par jour ». Mais, tout le monde a gardé la bande annonce contenant cette divagation que seul Tebboune sait faire. Le public, qui a suivi cette rencontre avec la presse s'est, aussi, bien marré en voyant le président algérien tenir un langage populaire comme s'il était dans un café maure en invoquant un complot dont serait victime l'Algérie. Et quel complot ! Celui des haricots et des lentilles. Pas plus que ça. Et Tebboune de jurer que s'il venait à arrêter l'un des comploteurs il lui ferai regretter le jour de sa naissance. Autre divagation du président algérien la tenue de ses promesses électorales. Des promesses dont on n'a jamais pris connaissance. Tout ce que l'on sait c'est qu'elles sont au nombre de 54 pour faire référence à l'année du déclenchement de la guerre de libération. Au cours de cette rencontre de presse, Abdelmadjid Tebboune déclare avoir concrétisé 75% de ses promesses. Pourtant l'homme, hormis la pose de la première pierre de la station de dessalement de l'eau de mer et celle de la cité des media, jamais évoquée dans sa campagne électorale, il n'a inauguré aucune réalisation et lancé aucun chantier. Il n'a pas effectué une seule visite de travail en dehors d'Alger depuis son arrivée au palais d'El-Mouradia. C'est ce qui fait dire à de nombreux internautes « Tebboune a détruit 75% de l'Algérie et les 25% restants il les achèvera avant la fin de son mandat. Ainsi, il sera le premier président au monde à mettre son pays en ruine. » Quant aux sujets sérieux, deux retiennent l'attention. La France et le Niger en dehors du Maroc que Tebboune évite, toujours, dans ses sorties médiatiques comme si ce pays n'existait pas. Pour ce qui est des relations algéro-françaises, Tebboune les aborde comme si elles étaient ordinaires. « Ma visite en France n'est pas annulée. Elle est inscrite dans mon agenda et dans celui de M. Macron. Nous attendons sa programmation par l'Elysée » dit-il en précisant « je ne vais pas y aller en touriste mais pour concrétiser du sérieux ». Le Niger, avec lequel l'Algérie partage 1000 kilomètres et qui vit une situation très délicate après le coup d'Etat contre le président Mohamed Bazoum, ne semble pas occuper une bonne place dans les préoccupations du président Tebboune. Pourtant, dans les manifestations dans les rues de Niamey, on a bien vu le drapeau algérien brandi par les manifestants aux côtés de celui de la Russie. Une manœuvre bien orchestrée par les Russes qui veulent entraîner l'Algérie dans leur sillage dans leur conflit avec la France au Niger. Le chef de l'Etat algérien semble bien s'opposer au putsch du 26 juillet 2023 en appelant au « retour à la légitimité ». Ce qui n'est pas du goût du Kremlin qui avait convoqué le général d'armée Saïd Chengriha, chef d'état-major de l'armée algérienne le 31 juillet pour une visite de travail relative au coup d'Etat du Niger survenu 4 jours auparavant. Les Russes misent beaucoup sur l'espace aérien algérien qui trace une ligne droite entre Alger et Niamey. Un espace qui doit être, selon Moscou, fermé à l'aviation militaire française et pourquoi pas ouvert à l'armée russe en cas de besoin. Tebboune fait semblant de ne rien savoir de cette dualité franco-russe et botte en touche dès la première évocation du sujet en usant de l'usuelle la langue de bois. In fine, cette énième rencontre avec des journalistes triés sur le volet d'une presse soumise et inféodée à un régime n'acceptant ni critiques ni contradictions. Il faut applaudir à tout rompre tout ce que dit les pouvoir et ses deux têtes que sont Tebboune et Chengriha même dans leurs divagations les plus folles et leurs extravagances les plus inouïes.