Naïma est l'une des nombreuses femmes marocaines qui se sont consacrées corps et âme à assurer l'indépendance économique et la réussite de leur projet d'entreprise. Mais au commencement était le rêve, celui de devenir la meilleure version d'elle-même : une femme épanouie, indépendante et chef de famille. Pour cela, elle a dû retrousser les manches au propre comme au figuré et opter pour une activité qui a longtemps été l'apanage de la gent masculine : la poissonnerie. «En 1989, j'ai dû prendre une décision cruciale : je devais trouver un emploi pour subvenir aux besoins pécuniaires de ma famille aussi dignement qu'elle le mérite. C'était un dilemme cornélien pour moi, car, au fond de moi, je ne jurais que par mes études. Cependant, je viens d'un milieu pauvre et j'ai dû abandonner mon cycle supérieur pour aller chercher des petits boulots pendant l'été. Chemin faisant, j'ai appris à ma plus grande joie qu'un poissonnier portugais vivant à Rabat recrutait du personnel pour sa poissonnerie située en plein Agdal. Une poissonnerie qui avait pignon sur rue car elle avait une clientèle énorme. C'était le début de ma carrière professionnelle », témoigne-t-elle, avant de poursuivre : «Je n'ai pas fait ce choix par laxisme intellectuel. Jusqu'à présent, je lis tout ce qui me tombe sous la main. Il ne faut pas croire que les femmes indépendantes choisissent certaines professions, que l'on peut qualifier de services utiles, parce qu'elles sont faciles. J'ai bien au contraire développé une fibre commerciale qui me fait vivre décemment jusqu'à présent », dit-elle dans un français impeccable qui en dit long sur son niveau d'apprentissage. Quelques années plus tard, la poissonnerie du Portugais a baissé le rideau. Riche de plusieurs années d'expérience, Naïma, aujourd'hui épouse et mère, a fait un deuxième choix décisif : celui de procéder, avec son mari, à l'achat de la poissonnerie de l'Agdal. «C'était pour nous comme un signe divin. C'était, surtout, le début de ma carrière entrepreneuriale en solo et puis avec mon binôme d'époux. Aujourd'hui, nous sommes, Dieu merci, satisfaits de notre chiffre d'affaires et de notre clientèle», continue-t-elle sur un ton timide, signe de sa remarquable modestie. Seulement voilà, en 2020, le COVID-19 a frappé de plein fouet l'économie marocaine et celle du monde entier. Naïma, quant à elle, n'a rien laissé au hasard et a préparé un plan de stratège pour faire face aux jours qui déchantent. «Dans le respect absolu des règles sanitaires, j'ai travaillé avec mon mari, à quatre mains au début, en nous déplaçant pour les livraisons et puis à six, huit et dix mains, quand les autorités ont commencé à baisser la garde devant les aléas de la pandémie », conclut-elle.