Le ministère de la Santé a rayé « l'Hydroxychloroquine » de la liste des traitements curatifs suite à la mise à jour du protocole thérapeutique du Covid-19. Ce retrait définitif interpelle sur l'utilité du maintien d'un médicament contesté. Détails. Plus le temps passe, plus on a l'impression que la pandémie n'a jamais existé et qu'elle ne subsiste que dans les tristes souvenirs du confinement et des tests de dépistage. Le SARS-COV-2, autrefois fort redouté, ne fait plus peur et fait désormais figure d'une pneumonie banale à l'instar de la grippe saisonnière. Cela s'est reflété même dans la stratégie nationale de riposte. Dès lundi, les patients atteints du Covid-19 n'auront plus besoin de prendre l'Hydroxychloroquine. « Le remède miracle » du Docteur Raoult ne figure plus sur la liste des traitements à prescrire suite à la mise à jour du protocole thérapeutique. Le ministère de la Santé a jugé opportun de s'en débarrasser finalement trois ans après sa prise en compte. Désormais, les traitements dits « curatifs » se limitent au « Nirmatrelvir/Ritonavir 300 » et au « Molnupiravir 800 ». Ce à quoi s'ajoutent les traitements complémentaires tels que les vitamines C et D et le paracétamol. Le département de Khalid Ait Taleb recommande également l'Antibiothérapie en cas de signes de surinfections bronchiques et des anticoagulants à dose préventive en cas d'alitement. Le retrait de ce remède, qui a fait couler beaucoup d'encre depuis son apparition, interpelle par son timing. Les interprétations sont nombreuses. Mais ce qui est sûr, c'est que cela fait l'objet d'un consensus au sein du Comité scientifique. Contacté par nos soins, Saïd Moutaouakil, membre de la Commission scientifique et technique pour la lutte contre la Covid-19, estime que l'abandon de l'Hydroxychloroquine est une évidence compte tenu de l'amélioration palpable de la situation épidémiologique et les avancées réalisées en matière de traitement. « Il y a eu une actualisation du protocole de prise en charge des malades du Covid-19, à la lumière de la situation épidémiologique au Maroc et dans le monde et des avancées scientifiques dans le traitement de la maladie », explique doctement notre interlocuteur.
Se contenter des traitements antiviraux
M. Moutaouakkil avance un deuxième argument, celui de la virulence du virus qui a remarquablement diminué. Cela dit, les nouveaux traitements antiviraux que le Maroc a acquis il y a un certain temps, dont le Molnupiravir, sont, de son point de vue, assez suffisants pour prendre en charge les malades sans faire appel à l'Hydroxychloroquine. « On sait aujourd'hui que la virulence du virus a nettement diminué, que les nouveaux antiviraux et les traitements immunologiques ont montré une efficacité prouvée. C'est pourquoi l'Azithromycine et l'Hydroxychloroquine n'ont plus de place dans le traitement actuel, conclut l'expert. Le Paxlovid, par exemple, a prouvé une efficacité de 85% contre les hospitalisations et les décès, selon une étude de la Haute autorité française de Santé dans son avis publié en janvier 2022. De son côté, le Molnupiravir a fait également preuve d'une efficacité de 50%, selon le chiffre annoncé par le ministère de la Santé lors de l'annonce de l'adoption du médicament fabriqué par le Laboratoire américain Merck. Par ailleurs, la létalité du SARS-COV-2 s'est d'autant plus amenuisée que la population a été significativement vaccinée et qu'une grande partie est dotée d'une immunité naturelle issue de la contamination.
Un traitement fort contesté ! Le Maroc, rappelons-le, avait adopté l'Hydroxychloroquine, le 24 mars 2020, au tout début de la pandémie. Le Royaume n'a pas hésité, à l'époque, à réquisitionner les stocks disponibles de ce médicament sur le sol national dans un geste proactif. Tout le monde se rappelle le débat autour de ce médicament, très contesté au sein de la communauté scientifique internationale d'autant qu'il y avait eu des études ambivalentes sur l'efficacité du médicament et sa dangerosité. Nombreuses sont les études qui ont tenté de discréditer le remède défendu par le docteur Raoult. Menée par des chercheurs français, une étude publiée dans la revue britannique BMJ a conclu à l'inefficacité de la molécule dans le traitement des cas positifs et la diminution du risque des formes graves. Une autre étude française a prétendu même que l'Hydroxychloroquine aurait des effets secondaires. Cependant, une étude britannique publiée en mai 2022 dans la prestigieuse revue « The Lancet » est allée dans le même sens avant d'être remise en question par la revue elle-même. Au Maroc, l'usage de la Chloroquine n'a pas été si problématique qu'en Occident où le débat s'est transformé en lutte politique et idéologique. Faute de données scientifiques assez suffisantes, il serait hasardeux de se prononcer sur le bilan de l'usage de ce traitement. Les cas de complications n'ont pas été signalés. Mais le débat continue. Tayeb Hamdi, expert en politiques et systèmes de santé, demeure, tout de même, circonspect et aussi réticent à l'égard du traitement tel qu'il l'était au début de la pandémie. Il en explique les raisons (voir les trois questions).
Anass MACHLOUKH
Trois questions à Tayeb Hamdi « J'étais toujours contre l'adoption de l'Hydroxychloroquine» Tayeb Hamdi, expert en politiques et systèmes de santé, a répondu à nos questions sur le retrait de l'Hydroxychloroquine.
A quel point la Chloroquine a-t-elle été efficace dans la lutte contre le SARS-COV-2 ?
Je pense que son retrait est une bonne décision puisque la Chloroquine n'a jamais montré son efficacité. Les études qui ont été effectuées n'ont pas toutes conclu à cela. Donc, ce médicament a toujours été sujet de doute. A mon avis, on peut s'en passer et opter pour les antiviraux qui sont plus efficaces, surtout que le contexte a changé et que les techniques de prise en charge sont plus développées. Par exemple, on sait mieux réanimer. En plus, les cas sont aujourd'hui tellement rares que le retrait de l'Hydroxychloroquine n'est point problématique. A votre avis, fallait-il abandonner l'Hydroxychloroquine plus tôt ? Personnellement, j'étais toujours contre l'utilisation de cette molécule, mais cela ne veut pas dire que ce que je crois représente la vérité. Rappelons-nous qu'au lendemain de la pandémie, il y avait beaucoup d'incertitude autour de ce traitement qu'il n'a pas été recommandé par l'OMS. L'essentiel, c'est que, maintenant, les choses ont changé. Le virus ne représente plus aucun danger sur les personnes en bonne santé, même en cas de réinfection. Seules les personnes vulnérables peuvent en souffrir plus durement. Maintenant, nous avons des traitements antiviraux très efficaces, comme le Paxlovid, qui peuvent éviter 9 cas graves sur 10 pourvu qu'il soit pris dans les cinq jours après le début des symptômes.
Le protocole est moins strict qu'auparavant sur le dépistage, peut-on se le permettre ? Le changement du protocole de la prise en charge de la Covid-19 est clair. Un cas n'est déclaré positif qu'après un test PCR ou antigénique rapide sans avoir besoin de la radiologie, autrement dit TDM. Les images radiologiques ne suffisent pas pour détecter les cas positifs. Le recours à la radiologie peut se justifier seulement dans un contexte de forte circulation du virus puisque c'est un moyen d'orientation vers les cas suspects de détection du virus.
Propos recueillis par Mariem LEMRAJNI
L'info...Graphie Nouveau protocole de prise en charge : L' « autosurveillance » au lieu de la quarantaine C'est la quatrième fois que le ministère de la Santé met à jour son protocole thérapeutique. Des changements en profondeur ont été introduits surtout au niveau du traitement, du dépistage et de la prise en charge. Désormais, « le dépistage élargi chez les contacts, quel que soit le niveau de risque de contamination, est abandonné et est remplacé par un dépistage ciblé des contacts étroits à risque de complications ». Le protocole ne recommande plus de quarantaine mais une autosurveillance et un test antigénique (et/ou PCR) « dès l'apparition d'un signe clinique ». « Dans tous les cas, un respect rigoureux des mesures barrières (port de masque, hygiène des mains et distanciation) doit être observé pendant 10 jours chez les contacts étroits », lit-on sur le document qui a fait l'objet d'une circulaire signée par le ministre Khalid Ait Taleb. Cependant, l'allègement de la prise en charge des patients ne signifie pas l'abandon de la vigilance surtout dans le cas des clusters qui, selon la circulaire ministérielle, « doivent être déclarés immédiatement au CNOUSP et seront gérés au cas par cas ». Par ailleurs, désormais, un cas suspect est un cas qui présente des signes d'infection respiratoire aiguë avec ou sans fièvre. Aussi, un cas est-il suspect du moment qu'il manifeste une perte de l'odorat ou du goût ou une odynophagie d'installation brutale. La définition du cas confirmé est on ne peut claire : « Toute personne chez qui une infection au SARS-CoV-2 a été confirmée par examen moléculaire (RT-PCR ou test équivalent) ou par un test antigénique rapide (TAR) ». En outre, la guérison est déclarée à l'issue de la période indiquée pour le traitement, en l'absence de complications. La durée de traitement est estimée de 7 à 10 jours.
Urgence sanitaire : Fin d'un régime Cela fait près de trois ans que l'état d'urgence sanitaire est en vigueur. Maintenant, ce n'est qu'un souvenir. Le décret 2.20.292 relatif à l'état d'urgence sanitaire a pris n le 28 février. L'échéance a été actée automatique puisque le gouvernement n'a pas renouvelé le décret lors du Conseil qui a précédé le jour où le régime allait échoir. L'Exécutif avait coutume d'annoncer sa prolongation le jeudi qui précède la date d'échéance. Il n'a pas vu de raison qui justifie le maintien de ce régime exceptionnel vu l'amélioration de la situation épidémiologique. En effet, le gouvernement n'a eu de cesse de prolonger l'état d'urgence sanitaire en dépit de la quasi-disparition de la pandémie, ce qui a suscité moult interrogations sur l'utilité du maintien de cette loi exceptionnelle qui permet au gouvernement de prendre l'ensemble des mesures nécessaires pour éradiquer le virus et préserver la santé publique. Pour rappel, le gouvernement a adopté, le 24 mars, le Décret n° 2-20-293 portant déclaration de l'état d'urgence sanitaire sur l'ensemble du territoire national pour faire face à la propagation du Covid -19.