La double crise actuelle de l'énergie et du conflit militaire en Ukraine freine énormément les processus qui se développaient durant l'ère post-Covid 19, s'ajoutent à cela les intempéries également. Dans ce contexte fragile et tourmenté, la vulnérabilité́ touche également les chaînes globales de valeur et les systèmes agroalimentaires. A titre d'exemple, le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohamed Sadiki, a déclaré, vendredi dernier lors du Salon Halieutis, que la hausse des prix de la tomate est due aux fluctuations météorologiques. "Il y a deux mois les tomates étaient bon marché car les températures élevées accéléraient la production, et aujourd'hui sur les marchés on retrouve les tomates affichées en vert, car la vague de froid a retardé leur mûrissement et fait grimper leur prix" a-t-il déclaré. Sadiki a en outre précisé que le secrétaire général de son département avait tenu une réunion avec les producteurs de tomates, laquelle portait sur les moyens d'approvisionner le marché à l'approche du mois de Ramadan. Il a ensuite affirmé que la production de tomates cette année est similaire à celle des années précédentes et couvre les besoins du marché national, notant que la température élevée va accélérer la production et contribuer ainsi à la baisse des prix. Et d'ajouter que le ministère de l'Agriculture n'est pas responsable des prix élevés des produits agricoles et marins, soulignant que le gouvernement s'attèle sur la hausse des prix et aspire à résoudre ce problème et à baisser les prix des denrées alimentaires. "Ce dossier nécessite une réorganisation complète du circuit de distribution, limitant le rôle des intermédiaires sur le marché, et gérant les marchés en partenariat avec tous les acteurs, notamment les professionnels", a-t-il déclaré. La vision du Policy Center for the New South (PCNS) Dans un rapport publié le 1er févier 2023, le PCNS a rappelé que la vulnérabilité de la Chaîne Globale de Valeur (GVC) est une fonction de la capacité d'adaptation face aux chocs et aux impacts potentiels que présentent la fragmentation du processus de production mondiale et l'interdépendance d'un ensemble d'acteurs dispersés géographiquement. L'institution souligne en outre que la production agricole et alimentaire mondiale est bien insérée dans le commerce en valeur ajoutée internationale, mais elle est protégée par des normes sanitaires très strictes, des labels indispensables et des subventions publiques. "L'exemple des tensions assez fréquentes dans le commerce des tomates et des engrais nous montre comment les barrières de protection imposées par certains partenaires commerciaux du Maroc empêchent le plein accès aux marchés de l'Union Européenne (UE) et des États-Unis.", soulignent les auteurs Hassnae Maad et Abdelmonim Amachraa dans leur rapport. Le dilemme engrais et eau Les auteurs ont alerté également que la tendance des restrictions d'accès aux ressources (eau, fertilisants et technologies, principalement) et aux marchés se poursuivra dans l'avenir pour la chaîne globale de valeur de l'agriculture et de l'alimentation. En conséquence, selon les deux experts, les économies nationales et les entreprises agricoles et alimentaires devront désormais respecter un nombre croissant de normes motivées par trois préoccupations : la sécurité alimentaire et la santé des consommateurs ; l'utilisation juste des ressources et la minimisation des impacts sur l'environnement ; et in fine la motivation des parties prenantes et le respect des engagements.
Génération Green, tensions commerciales et objectifs de sécurité La politique agricole marocaine tend à moderniser le secteur, à améliorer la productivité, à stimuler les exportations et à développer une agriculture verte et innovante. Au cours des dernières décennies, la politique agricole visait à protéger l'agriculture traditionnelle et inclusive. Selon le PCNS, elle réagit à la demande récente de renforcement de la valeur ajoutée dans l'agriculture, en se concentrant sur la production locale, en améliorant notamment les normes de qualité et en renforçant les chaînes de valeur, tout en instaurant un environnement propice à la création d'emplois. Et d'ajouter que les perturbations qu'ont connues les chaînes de valeur mondiales à mesure que la pandémie de la Covid-19 se déchaînait ont placé les questions de sécurité alimentaire au centre de l'attention. "Les aspirations à avoir un secteur agricole moderne, social et écologiquement durable restent une priorité. L'amélioration de la productivité agricole passe par l'utilisation de technologies modernes, telles que l'agriculture de précision et le déploiement de technologies numériques. L'expansion des infrastructures d'irrigation et l'utilisation efficace de l'eau ont également fait l'objet d'une politique agricole évolutive", lit-on dans le rapport.
Les acquis du Plan Maroc Vert Le Plan Maroc Vert (PMV) ciblait la durabilité tout en se penchant sur les problématiques de l'emploi, des revenus et des perspectives pour les jeunes agriculteurs. Ce plan visait à renforcer l'orientation vers le marché et la croissance agricole, à doubler la valeur ajoutée des filières prioritaires et à créer 1,5 million d'emplois, souligne la même source. Depuis 2008, le PMV a contribué à la performance du secteur agricole en soutenant des plantations de plus de 400.000 ha d'arbres fruitiers et d'oliviers, ainsi que des investissements dans le secteur de l'irrigation qui ont également montré des améliorations de productivité (3% par an en moyenne pour l'horticulture, 4% pour les agrumes et près de 2% pour les olives). Les auteurs de ce même rapport exhortent à cibler les PME rurales tout en se concentrant sur le renforcement de l'emploi et la gestion durable des ressources naturelles qui est l'objectif d'une nouvelle stratégie agricole. Lancée en février 2020, la nouvelle stratégie agricole « Génération Verte 2020-2030 » appelle à la consolidation des acquis du PMV et à tirer les leçons pour compléter les autres maillons de la chaîne de valeur agricole qui sont, selon le rapport, "non encore servis à ce jour". La stratégie veut contribuer à l'émergence d'une classe moyenne agricole, tout en renforçant les investissements, la gestion durable des ressources naturelles, le soutien aux jeunes agriculteurs, l'amélioration de l'accès à l'assurance agricole et la construction d'un cadre de protection sociale.
Mohamed ELKORRI Les bonnes conséquences du Plan Maroc Vert L'agriculture marocaine se caractérise par une faible et persistante productivité du travail, selon le rapport du PCNS. Compte tenu du nombre important d'agriculteurs en situation de moyenne subsistance au Maroc, la productivité du travail est faible et en recul par rapport aux autres secteurs de l'économie et reste loin derrière les partenaires régionaux et l'Europe des Vingt-Sept. Alors que le secteur agricole marocain a une part relativement élevée dans la valeur ajoutée brute (12%) par rapport à la Tunisie (10,2%) et à l'UE (1,9%), la part des emplois dans l'agriculture est nettement plus élevée au Maroc, et indique une faible productivité du travail. Par conséquent, la productivité du travail marocain n'était que de 4.425 dollars par équivalent temps-plein dans l'agriculture, contre une moyenne de 37.328 dollars en Europe. Cependant, depuis le lancement du Plan Maroc Vert dans l'agriculture, la productivité du travail s'est améliorée, grâce notamment aux progrès de la mécanisation. L'augmentation des rendements a également entraîné une amélioration des revenus agricoles, bien que des écarts par rapport à d'autres secteurs de l'économie persistent.