Chaque année, des milliers de jeunes sont embrigadés par les mouvements jihadistes, faute de structures adéquates d'encadrement et d'éducation. La lutte contre le terrorisme au Sahel nécessite désormais une nouvelle approche qui introduit d'autres composantes socioéconomiques. Aujourd'hui, force est de constater que la violence islamiste militante au Sahel s'accélère plus rapidement que dans toute autre région d'Afrique. Après près d'une décennie de conflit, les événements violents au Sahel (plus précisément au Burkina Faso, au Mali et dans l'Ouest du Niger) connaissent une recrudescence, et aucun signe de ralentissement, avec une augmentation de 140% depuis 2020, estime Dr Michael Shurkin, directeur des programmes mondiaux chez 14 North Strategies et fondateur de Shurbros Global Strategie. Dans son rapport, il fait remarquer que la violence des groupes islamistes militants contre les civils au Sahel représente 60% de l'ensemble de ces violences en Afrique et aurait augmenté de plus de 40% en 2022. Cette escalade ininterrompue de la violence a entrainé le déplacement plus de 2,5 millions de personnes et aurait tué plus de 8.000 personnes en 2022. Des estimations qui sont loin de la réalité, faute de statistiques fiables. Pourtant, d'année en année, les dépenses vont crescendo pour contrer le terrorisme. En 2022, selon le rapport de Human Rights Watch (HRW), l'UE a octroyé au Burkina Faso une aide humanitaire de 52,4 millions d'euros (environ 53,9 millions de dollars américains). Depuis 2018, l'UE a attribué une aide de 265 millions d'euros (environ 272 millions de dollars US) pour appuyer la force conjointe de lutte contre le terrorisme du G5 Sahel composée du Burkina Faso, du Tchad, du Mali, de la Mauritanie et du Niger, qui inclut un appui en matière de logistique, d'équipements et d'infrastructure, ainsi qu'un soutien à la promotion des droits humains.
Réapparition d'Iyad Ag Ghali Mais rien n'y fait, le terrorisme gagne du terrain au grand désarroi de la population. C'est dans ce contexte que sont survenus trois événements majeurs successifs au Sahel et qui donnent à réfléchir sur ce que sera le Sahel, en proie au terrorisme, au jihadisme et à d'autres mouvements radicaux, dans les années à venir, si rien n'est fait maintenant. En effet, le retrait de la force Barkhane, suivi de la réapparition d'Iyad Ag Ghali dans la zone frontalière du Niger, à plusieurs centaines de kilomètres de ses caches supposées de l'extrême nord-est du Mali, proches de la frontière algérienne, inquiète de plus en plus. A cela s'ajoute le départ, dans un mois, de la Force française «Sabre» du Burkina Faso. Car cette réapparition d'Iyad Ag Ghali fait craindre un possible rapprochement entre la CMA (Coordination des mouvements de l'Azawad) et l'Etat islamique du grand Sahel de ce dernier. Ce qui fait dire au Dr Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute, qu'il n'y a jamais eu d'étanchéité entre les groupes terroristes et certaines organisations politiques, notamment au nord, si l'on s'intéresse aux différents intérêts en termes économiques, tels que le contrôle des vastes zones de passage qui, à la fois, profite aux mouvements signataires et aux groupes terroristes. Pendant ce temps, les attaques terroristes et les kidnappings se multiplient dans ces deux pays, mais aussi dans d'autres espaces sahélo-sahéliens. Pour avoir une idée sur l'ampleur, le rapport du Global Terrorism Index 2021 souligne, à ce sujet, que la région est devenue un épicentre du terrorisme, la fréquence des attentats et des décès liés au terrorisme ont augmenté de façon exponentielle de mille pour cent entre 2007 et 2021. En plus de ces enjeux sécuritaires, le Sahel est confronté à de nombreux défis socio-politiques qui rendent les populations locales plus vulnérables aux groupes extrémistes. La raréfaction des ressources, la recrudescence des tensions inter et intracommunautaires et la médiocrité des infrastructures gouvernementales ont gravement ébranlé le tissu social de la société et affaiblit la confiance des populations envers leurs représentants politiques, fait savoir l'essayiste Seidik Abba.
Perspective d'avenir D'où l'intérêt de la réflexion d'Adama Guene, diplômé en Sciences politiques et relations internationales, affilié au centre de leadership Social Change Factory basé à Dakar, quand il dit qu'«il faut investir dans la jeunesse pour lutter en amont contre le terrorisme». Selon lui, les organisations communautaires telles que la CEDEAO et l'UEMOA devraient prendre en charge la problématique des jeunes et apporter des solutions en menant des politiques communes de jeunesse. Cible privilégiée des groupes djihadistes, qui surfent sur la pauvreté, le manque de perspective d'avenir, le manque d'éducation, les jeunes sont une couche vulnérable. A cet égard, explique notre interlocuteur, les Etats doivent développer d'une manière bien pensée, des stratégies claires en faveur de l'éducation et de l'emploi des jeunes, gage de stabilité. Ils doivent aussi permettre aux jeunes de prendre part aux processus décisionnels en matière de politiques de paix et de sécurité afin de prendre en compte les points de vue de cette couche, la plus importante de la population africaine qui, paradoxalement, est la moins écoutée. C'est à juste raison, d'ailleurs, qu'il souligne, avec force, «Dis-moi quelle jeunesse tu as, je te dirai quel pays tu auras». Certes au Burkina, le gouvernement veut rectifier le tir par la mise en place des milices villageoises VDP (Volontaires pour la défense de la patrie) dont le nombre avoisine les 100.000 personnes aujourd'hui. L'opération se soldera, à terme, par le recrutement des jeunes dans la Fonction publique ou par la facilitation de création d'emplois à travers l'octroi de crédit. La refondation de l'Etat étant considérée comme le passage obligé. Son voisin, le Mali, entend compter sur les FAMA (Forces armées maliennes) mais aussi sur son partenaire, la Russie, pour lutter efficacement contre les islamistes de tous bords. Toujours est-il que la victoire sur les terroristes n'adviendra que si les jeunes ne sont plus désœuvrés, livrés à eux-mêmes, donc ne sont plus à la merci des vendeurs de rêves et des illusions.
Wolondouka SIDIBE
Eau potable au Togo : L'Etat consacre 25 milliards FCFA pour 2023
Cette année, les autorités togolaises projettent de financer à 25 milliards FCFA les projets d'approvisionnement en eau potable, selon la Loi des Finances de l'exercice 2023. Cette prévision est en légère hausse de 8% rapportée à celle de 23 milliards FCFA l'année écoulée, alors que l'échéance de 2025 fixée par l'Exécutif togolais pour atteindre le taux de couverture de 85% et celle de 2030 pour l'accès universel en eau potable, approchent à grands pas. En 2023, comme l'année dernière, plusieurs projets d'approvisionnement en eau potable devraient connaître une nouvelle évolution. Il s'agit principalement de la mise en œuvre du plan national de dotation en eau potable lancé en février 2021. L'initiative consiste à installer plus de 300 pompes hydrauliques dans le nord à travers le Projet d'amélioration des conditions sanitaires en milieu scolaire et rural des régions de la Kara et des Savanes (PASSCO). De même, la desserte en eau dans la capitale Lomé et ses périphéries devrait prendre un coup d'accélérateur, avec le plan directeur d'approvisionnement du Grand Lomé. Ce projet était d'ailleurs au cœur d'une table ronde en décembre 2022, au terme de laquelle les partenaires financiers ont promis un soutien au Togo à hauteur de plus de 230 millions d'euros. Le Programme d'Appui aux Populations Vulnérables (PAPV), qui vise à doter des populations de zones vulnérables en eau potable, devrait également entrer dans une nouvelle phase de réalisation, grâce aux soutiens techniques et financiers de l'UE et de la Chine. Rappelons que l'ambition du Togo est de parvenir d'ici à 2025, à un taux d'accès de 85% au plan national, 95% en milieu rural, 85% en milieu semi-urbain, 75% en milieu urbain hors Grand Lomé et 80% dans le Grand Lomé. Il s'agira également d'appuyer l'agriculture dans la maîtrise de l'eau, en augmentant significativement l'accès aux infrastructures d'assainissement pour maîtriser les risques d'inondation et éviter la défécation à l'air libre.