Les impacts potentiels du projet de voie express Tiznit-Dakhla font l'objet d'un récent Policy Paper élaboré par le Policy Center for the New South (PCNS). Intitulé «Valuing the Economic Cost of Remoteness : A Case Study of the Tiznit-Dakhla Expressway in Morocco», le Policy Paper souligne que le projet de la voie express Tiznit- Dakhla est particulièrement important dans le cadre d'un nouveau modèle de développement des provinces du Sud du Maroc. Il consiste à doubler et élargir la route nationale reliant ces deux villes sur 1.055 km pour un coût global de 850 millions de dollars, avec une période de mise en oeuvre initialement prévue entre 2016 et 2021. A ce jour, le taux d'exécution des travaux dépasse 80%, mais le projet est en bonne voie pour être achevé d'ici 2023, indique le Policy Paper rédigé par quatre économistes : Eduardo A. Haddad, Mahmoud Arbouch, Ademir A. Rocha et Vinicius A. Vale. Cette autoroute est prévue pour réduire les temps et les coûts de transport des personnes et des marchandises tout en impactant positivement et directement une population de plus de 2,2 millions d'habitants répartis sur dix provinces dans quatre régions. La fluidité du trafic, la sécurité et le confort devraient également être améliorés, prévoient les rédacteurs du Policy Paper. «Selon le gouvernement marocain, l'autoroute respecte les normes internationales tout en garantissant une sécurité élevée. Elle devrait permettre une plus grande accessibilité aux régions du Sud du Maroc et de l'Afrique subsaharienne », affirment-ils. Pour examiner avec précision les impacts potentiels de ce méga projet, les quatre économistes du PCSN se sont basés sur un modèle appelé «Spatial Computable General Equilibrium » (SCGE). Impacts macroéconomiques D'après ces chercheurs, ce modèle a permis d'évaluer les impacts du projet à la fois à court et à long terme sur la base de deux variables qui sont le PIB réel et la consommation réelle des ménages. Selon eux, la retombée du projet sur ces deux variables peut être décomposée en trois dimensions : l'intégration nationale, l'accès aux fournisseurs étrangers et l'accès aux marchés étrangers. Pour le court terme, ils indiquent que les simulations indiquent que l'impact du projet sur le PIB réel et la consommation réelle des ménages au niveau national ne dépassera pas 0,0027% et 0,0009%, respectivement. À long terme, poursuivent-ils, les impacts du projet deviennent plus importants et s'étendent au reste du pays au-delà du Sahara marocain. Ainsi, la construction de l'autoroute Tiznit-Dakhla pourrait augmenter le PIB réel de 0,0322% et la consommation réelle des ménages de 0,0908% au niveau national. Impacts régionaux La même source fait observer que les régions les plus touchées à court terme sont celles du Sud où se situe le projet. Elle indique ainsi que le projet pourrait augmenter le PIB réel de 0,1516% dans la région de Dakhla-Oued Eddahab, de 0,0462% dans la région de Laâyoune-Sakia El Hamra et de 0,0121% dans la région de Guelmim-Oued Noun. Les impacts sur la consommation réelle des ménages dans les trois régions est de 0,0656%, 0,0307% et 0,0076%, respectivement, ajoutent les rédacteurs de ce Policy Paper. À long terme, ils pensent que les impacts les plus élevés continuent d'être observés dans les régions du Sud, avec une augmentation réelle du PIB de 0,1479% à Dakhla-Oued Eddahab, 0,0937% à Laâyoune-Sakia El Hamra et 0,0346% à Guelmim- Oued Noun. Pendant ce temps, les augmentations réelles de la consommation des ménages dues au projet seraient de 0,1216%, 0,1068% et 0,0899% dans les trois régions, respectivement. Le Policy Paper fait remarquer, par ailleurs, qu'en termes agrégés, «l'investissement dans la voie express Tiznit-Dakhla a le potentiel de générer une croissance du PIB réel à court terme, qui est amplifiée à long terme, avec des effets régionaux hétérogènes ». «Les résultats montrent que la productivité marginale des investissements est amplifiée à long terme, les autres secteurs de l'économie marocaine «généreraient (...) entre 486 et 713 millions de dollars dans les différentes filières productives bénéficiant d'une meilleure accessibilité du/au Sahara marocain dans les 20 années suivant le démarrage des opérations des liaisons de transport améliorées», relève-t-on de même source. Quid de l'effet sur les régions du Sud ? «Tout en améliorant l'accessibilité, l'autoroute Tiznit-Dakhla représentera une avancée dans la promotion de l'intégration territoriale et l'accélération du développement économique des régions du Sud», indique encore la même source, ajoutant que la construction de cette voie express et la réalisation du nouveau port Dakhla Atlantique, pour un investissement de 1,3 milliard de dollars, permettront le développement de nouvelles zones économiques spéciales tournées vers l'exportation. Ainsi, le Maroc pourra répliquer ses expériences réussies dans la création de zones industrielles intégrées telles que la zone franche de Tanger et la zone franche atlantique de Kénitra, développer davantage ses grands secteurs industriels, tels que l'automobile, le textile et l'aéronautique, et être en mesure d'accéder à de nouveaux marchés, notamment en Afrique subsaharienne. Les zones industrielles marocaines n'auraient pas réussi à attirer les IDE de grandes entreprises étrangères (par exemple : Renault, Stellantis, Boeing et Airbus Ecosystèmes) sans la présence d'infrastructures routières et portuaires de haute qualité, tient à préciser l'étude du PCSN. D'ailleurs, poursuit-elle, l'expérience marocaine en matière d'industrialisation a montré que le développement des infrastructures routières et l'amélioration de l'accessibilité restent des préalables à tout développement industriel régional. Un projet au service de l'intégration régionale africaine Les rédacteurs de ce Policy Paper estiment, en outre, qu'au-delà de son rôle dans l'amélioration de l'accessibilité dans les régions du Sud du Maroc, la construction d'un si grand projet d'infrastructure a d'autres objectifs, non seulement économiques mais aussi sociaux et politiques. «A cet égard, la route Tiznit-Dakhla représente un pont entre la partie Nord du Maroc et ses régions méridionales. Ainsi, cette route permettra un désenclavement pour les populations du Sud pour lesquelles les déplacements vers le reste du pays deviendront plus rapides et plus faciles. Par ailleurs, des faits historiques témoignent du grand attachement du Maroc à son Sahara depuis la période du protectorat espagnol. En 1975, 350.000 volontaires civils marocains ont avancé à des milliers de kilomètres depuis toutes les régions marocaines, réclamant pacifiquement le retour du Sahara à la souveraineté marocaine dans ce qu'on appelle «La Marche Verte»», est-il souligné. Enfin, en ce qui concerne son impact sur l'intégration régionale africaine, ce Policy Paper du PCSN estime que l'autoroute Tiznit-Dakhla peut être considérée comme une première étape dans le développement de projets d'infrastructures transnationaux africains pour renforcer le commerce intra-africain en relation avec la mise en place de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf) et la création d'un marché commun africain. Ainsi, ce projet d'infrastructure renforcera la dimension africaine et atlantique du Maroc et renforcera son choix stratégique de contribuer à l'émergence d'un pôle économique africain au service du partage de la prospérité sur le continent africain.
A. CHANNAJE Modèle SCGE
Selon ce Policy Paper, une caractéristique essentielle du modèle d'équilibre général calculable spatial (SCGE) pour le Maroc est sa capacité à estimer explicitement les coûts de déplacement des produits sur la base des couples origine-destination en fonction des marges de transport. Le modèle tient compte de la structure de coût spécifique du flux de chaque produit échangé. De plus, il contraint physiquement cette structure par le réseau de transport disponible modélisé dans un module de transport géocodé.