Au moment où des voix s'élèvent pour se plaindre de la hausse du prix du bétail, le ministre de tutelle rassure et estime qu'il y en a pour toutes les bourses. L'enjeu est de lutter contre la spéculation. Détails. À l'approche de la fête du grand sacrifice (Aïd Al-Adha), les Marocains, comme à l'accoutumée, se ruent vers les différents marchés du bétail pour se procurer un mouton digne de cette festivité grandiose. D'où une demande phénoménale. Cette année, contrairement aux précédentes, l'inflation ambiante n'a pas manqué de peser sur les prix des moutons et des autres animaux de ferme. Les prix ont manifestement augmenté, à des niveaux différents, selon les marchés. Un constat que nous avons pu faire en sondant plusieurs vendeurs dans quelques régions. « En moyenne, si vous voulez vous acheter un mouton bien garni et de qualité, franchement il ne faut pas compter moins de trois milles dirhams », nous explique Abdelkrim, vendeur en gros dans la région d'El Brouj, région connue pour la qualité de son bétail et surtout de son fameux « Serdi ». Notre interlocuteur ajoute que les prix varient de 3000 à 5000 dirhams selon plusieurs critères (le poids, l'alimentation et l'âgedu mouton). « Il y en a pour tous les goûts, mais il est vrai que pour le client à la bourse modeste, les prix restent un peu élevés par rapport aux années précédentes. Il n'en demeure pas moins qu'ils sont très variés. Comme les gens espèrent acheter un mouton de qualité, ils sont surpris parfois par les prix sur le marché. Pour sa part, Abderrazzak, grossiste présent dans un marché aux environs de Salé, nous indique que même les prix des brebis ne sont plus aussi bas que d'habitude. « Cette année, nous les vendons à 2000 dirhams la tête, parfois à 1800 ou 1700 dirhams si l'éleveur préfère liquider son troupeau », nous explique- t-il, précisant que la hausse des prix du fourrage (foins, etc.) a eu un effet sur les prix cette année. Pour avoir une idée plus claire, plus on s'approche des milieux urbains, plus les prix ont tendance à grimper tandis que la flambée des prix dans les régions rurales est moins aiguë. En gros, cette année, on peut sentir une hausse moyenne de 400 dirhams pour les différents types de moutons et de bovins par rapport à l'année précédente. Une conclusion des témoignages que nous avons récoltés auprès des clients que nous avons interrogés. La tutelle rassure Lundi, la question des prix s'est invitée à l'hémicycle lors de la séance hebdomadaire consacrée aux questions orales. Le ministre de tutelle, Mohammed Sadiki, a été interrogé sur ce sujet par plusieurs députés, chacun rapportant le niveau des prix de sa région. Face aux multiples interpellations sur la cherté des prix du bétail, le ministre a expliqué que l'offre permet à tout le monde de satisfaire ses besoins dans les limites de ses capacités financières. Selon M. Sadiki, l'offre compte huit millions de têtes dont 500.000 têtes de chèvres, et est largement en mesure de répondre à la demande, estimée à 5,6 millions. « Nous avons tâché d'installer des marchés spéciaux là où il y a un manque. Je peux vous dire qu'il n'y a pas de changements majeurs dans les prix tels qu'ils sont aujourd'hui », a rassuré le ministre, ajoutant qu'il y en a pour toutes les bourses. Nécessité de rendre justice aux éleveurs et « aux citoyens » Au moment où les uns se plaignent de la cherté des prix, d'autres appellent à ne pas fustiger les éleveurs, eux-mêmes confrontés à une inflation inédite et à la hausse des prix du fourrage. Le député istiqlalien El Ayachi El Ferfar a plaidé la cause des éleveurs, arguant que Aïd Al- Adha est leur unique occasion pour vendre leurs bétails et engranger des bénéfices, si ce n'est de limiter les dégâts vu la dureté de la saison agricole. « Les éleveurs traversent une période difficile, c'est l'unique opportunité qu'ils ont pour liquider leurs troupeaux. C'est très facile de s'en prendre à eux et leur demander des comptes à cette heure-ci», a-t-il claironné, ajoutant qu'il ne faut pas que la polémique se fasse aux dépends des éleveurs et des agriculteurs. Le député istiqlalien, rappelons-le, n'a pas manqué de s'indigner devant la représentation nationale de ce qu'il a appelé « des attaques sur le monde rural », appelant à trouver les coupables de l'inflation « ailleurs ». D'autres députés de la majorité ont, à leur tour, affirmé qu'il est nécessaire de rendre justice à la fois aux éleveurs et aux citoyens, tous victimes de la hausse des prix du fourrage qui ont augmenté de façon inquiétante au point que c'est devenu une charge plus onéreuse qu'auparavant. Actuellement, selon les chiffres disponibles, le foin se négocie à 12 ou 13 dh le ballot selon les marchés, sachant que les éleveurs le reçoivent à 25 dh l'unité. L'orge a atteint 4 dh au lieu de 2 dh. Prenant acte des remarques des députés, le ministre a tenu à rassurer tout le monde que toutes les mesures à même d'atténuer l'ampleur des prix ont été prises par les autorités compétentes. Des marchés spéciaux pour « chasser la spéculation » Certes, les éleveurs fixent leurs prix en fonction de leurs charges, s'il y a un coupable ce serait la spéculation, qui exacerbe l'ampleur de l'inflation. Il va sans dire que la spéculation et l'intervention excessive des intermédiaires pousse les prix à des niveaux extravagants, d'où la nécessité de l'intervention des autorités. A cet égard, trente marchés dédiés spécialement à Aïd Al-Adha ont été mis en place. L'objectif est de permettre aux grossistes de pouvoir exposer et vendre leurs bétails sans intermédiaires, a fait savoir le successeur d'Aziz Akhannouch à la tête du ministère de l'Agriculture. En effet, le souci des intermédiaires se pose chaque fois sans qu'une solution radicale ne soit trouvée à cette catégorie jugée « parasitaire ». En plus, les autorités ont renforcé les opérations de contrôle de qualité. Près de 3000 interventions ont été recensées selon les chiffres présentés par le ministre de tutelle à l'hémicycle. Lequel a fait savoir que 400 techniciens et vétérinaires ont été mobilisés à cet effet. Anass MACHLOUKH